LE LOURD TRIBUT DU PDS
Moussa Diaw, enseignant-chercheur à l’UGB, estime que Wade ‘‘risque de créer un vide autour de Karim, car en croyant renforcer ce parti, il pousse les autres à envisager de quitter pour créer des mouvements ou rejoindre la majorité éventuellement’’
Dans la continuité d’un quart bloquant auquel on avait prêté comme finalité la dévolution monarchique du pouvoir, Me Abdoulaye Wade continue à vouloir faire passer son fils Karim Wade par le haut de l’entonnoir depuis 2011.
Deux présidentielles plus tard, le “Pape du Sopi’’ balise la voie à son fils qui est en exil depuis trois ans, suite à un élargissement dont les modalités ne sont toujours pas connues. La dernière vague de caciques (Me Amadou Sall, Babacar Gaye, Cheikh Seck, Oumar Sarr...) va-t-elle être poussée à la sortie par la dernière restructuration au Pds ? C’est un Me El Hadj Amadou Sall très taquin qui a répondu au téléphone d’’’EnQuête’’, hier, pour donner une réponse en normand.
Nommé secrétaire national chargé des affaires juridiques et des relations avec les institutions, porte-parole du secrétaire général national, dans le réaménagement, Me Sall a gentiment décliné cette nouvelle fonction dont il a été investi. Pour l’instant, lui et les autres semblent s’en tenir à ce refus poli. ‘‘Il y a des fuites qui sont organisées dans la presse, mais rien qui ne m’engage.
Quand viendra le moment de parler, je confirmerai avec force détails ou j’infirmerai avec force détails’’, a-t-il répondu hier sur la question d’un probable regroupement avec les principaux cadres en rupture de ban au Pds. S’ils ont décliné les postes dans le nouveau bureau, ils n’en demeurent pas moins membres du parti.
Malgré la courtoisie qui a enrobé leur refus, le professeur Moussa Diaw, enseignant-chercheur à l’université de Saint-Louis, est au regret de constater qu’Abdoulaye Wade ‘‘risque de créer un vide autour de Karim, car en croyant renforcer ce parti, il pousse les autres à envisager de quitter pour créer des mouvements ou rejoindre la majorité éventuellement’’. Ce qui a déjà été le cas de l’un des plus fidèles compagnons de Me Wade, qui a dû se mettre à dos le secrétaire général, en s’écartant de la feuille de route. Me Madické Niang, qui a jadis eu la confiance du maître en étant plusieurs fois nommé ministre durant l’alternance (2000-2012) et dont sa demeure était incidemment la résidence-hôte de Me Wade de passage à Dakar après la chute, a été sacrifié sur l’autel Karim.
Président du groupe parlementaire Liberté et démocratie, le seul de l’opposition à l’Assemblée nationale, après les Législatives de 2017, Me Niang a fait les frais de son opposition au fils. Une procédure d’expulsion de l’Assemblée nationale est entreprise dans la foulée par son ancienne matrice politique dont il a été antérieurement déchu du poste de président du groupe parlementaire. Une procédure qu’il a arrêtée aussitôt, en présentant sa lettre de démission au président du Parlement sénégalais et en annonçant sa démission du Pds le 9 mars dernier.
Le 18 mars, juste après la présidentielle, c’est 26 membres du Comité directeur du Pds qui quittent pour rejoindre le candidat de la coalition Madické2019. Contre l’avis du secrétaire général national du Pds, ce dernier a essayé de combler le vide laissé par la non-candidature de Karim Wade, en se présentant à la course pour le palais. Mais le succès était loin d’être au rendez-vous. Malgré un parrainage réussi, Madické Niang a enregistré le plus faible score à la dernière compétition électorale, avec 1,48 % des suffrages exprimés. Les nouveaux partenaires de Madické Niang regrettent que l’offre récurrente de Me Niang à constituer l’alternative à la candidature de Karim Wade, fortement compromise par ses déboires avec la justice, n’ait pas été soutenue par le Secrétariat général du Pds qui avait même émis un appel à voter pour tous sauf le ‘‘dissident’’ Madické. Le cas du ci-devant coordonnateur du Pds, Oumar Sarr, est sans doute le plus inquiétant.
Après s’être ‘‘occupé’’ du Pds sous le quinquennat de fer de Macky Sall, les lignes se sont récemment distendues avec Me Wade. Les relations sont tellement mauvaises que pour la nouvelle restructuration, le nom de l’ex-numéro 2 ne figure ni dans le Secrétariat général national ni dans le collège des secrétaires généraux nationaux adjoints, encore moins dans le pool des porte-parole, ou le collège des conseillers du Sgn.
Pour faire simple, Oumar Sarr a complètement été zappé de la liste du nouveau Secrétariat national. Il reste néanmoins membre du Pds officiellement, mais sa participation au dialogue national du 28 mai dernier, initié par le président Sall, contre l’avis de Me Wade, est, à n’en point douter, le point de rupture entre les deux hommes. ‘‘Je suis venu assister au dialogue national à mon nom personnel. Parce que vous avez certainement lu dans les journaux que le Pds ne participera pas au dialogue national. J’ai pris la responsabilité de participer au dialogue, pour répondre à l’appel du Sénégal qui est au-dessus de tous les partis politiques. Donc, quand il appelle, je dois répondre, même si un communiqué du Pds dit le contraire. Je ne sais pas d’où vient ce communiqué et comment on l’a écrit.
"Ma responsabilité est de venir vous parler’’, avait déclaré le désormais ex-secrétaire général national adjoint du Pds. Comme explication à cette ‘‘défiance’’, Oumar Sarr de rappeler qu’une participation précédente, en 2016, avait ‘‘eu des succès pour le Pds, avec la libération de Karim’’. Pape Diop, alors toujours président du Sénat, a quitté juste après la perte du pouvoir, en avril 2012, avec beaucoup d’élus dans son sillage.
Sa participation à la coalition Idy2019 à la dernière Présidentielle démontre que les rapports ne se sont pas améliorés avec Me Wade, outre mesure. L’ancien ministre de l’Energie, Samuel Amath Sarr, fait également partie des victimes collatérales de l’influence de Wade-fils. ‘‘Dans l’impossibilité d’avoir un candidat pour le Pds, j’ai fait un appel du pied à ma famille de cœur pour sauver l’héritage et le patrimoine qui se trouvent être le Pds. Je me suis proposé à eux comme le seul candidat de consensus pour réunir la famille libérale qui s’est fissurée (sic) depuis la chute de Me Abdoulaye Wade de la tête du Sénégal’’, avait-il déclaré en avril 2018, annonçant la naissance ultérieure du Libéralisme social sénégalais, son nouveau parti. Après coup, sa candidature ne sera qu’une chimère. Mais quelques mois après cette annonce, il usera de son influence pour faire rallier des identités remarquables du Pds à la cause ‘‘mackyste’’.
Dans son sillage, l’ancien directeur de la Petite enfance sous Wade, Bassirou Kébé dit “Bass Kébé’’, Fabouly Gaye, Président du Conseil régional de Kolda, rejoignent l’Apr. L’ancien ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, est annoncé depuis quelques mois très proche de Macky Sall. Après les exclusions simultanées de Farba Senghor et Pape Samba Mboup en mars 2017, celle de Modou Diagne Fada deux ans plus tôt, le départ d’Aïda Mbodj sans compter le départ de collaborateurs moins connus comme l’ancien député Mor Talla Diouf, l’avènement de Karim Wade au Pds a coûté cher.