LE MFDC PEUT-IL COURIR LE RISQUE DE LA PAIX ?
La situation de ni guerre ni paix a engendré la naissance de sanctuaires rebelles. En attendant, une économie parallèle doit faire face à une armée sénégalaise déterminée à réinstaller les populations dans leurs localités d’origine
Au Sénégal, la situation de ni guerre ni paix en Casamance a mis en veilleuse la revendication d’indépendance et engendré la naissance de sanctuaires rebelles. En attendant, une économie parallèle structurée autour de trafics divers doit faire face à une armée sénégalaise déterminée à réinstaller les populations dans leurs localités d’origine.
Dans la nuit du samedi 20 au dimanche 21 juin, des tirs nourris d’armes lourdes ont retenti dans la zone de Bignona (région de Ziguinchor au sud du Sénégal). Le 15 juin dernier, un véhicule militaire sénégalais avait sauté sur une mine entre deux localités de Ziguinchor. Deux militaires ont été tués sur le coup, deux autres «grièvement blessés». Deux jours auparavant, huit «diambars» (mot wolof signifiant «fort» pour désigner les soldats sénégalais) avaient échappé à la mort après que leur véhicule a percuté une autre mine.
Ces incidents, les plus graves survenus depuis plusieurs mois, consacrent le retour des hostilités entre militaires sénégalais et rebelles du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC). Le conflit, entamé en décembre 1982, risque-t-il de s’exacerber après une longue période d’accalmie?
«La guerre est finie, mais la paix n’est pas là», résume pour Sputnik Robert Sagna, président du Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (GRPC), une structure soutenue par les pouvoirs publics sénégalais et supposée avoir l’oreille du Président Macky Sall. «Ces derniers événements entravent certes le processus de paix [parrainé par la Communauté de Sant’Egidio proche du Vatican, ndlr] en cours, le rendent plus difficile, mais ils ne le mettent pas en danger», ajoute cet ancien ministre d’État et ex-maire de la ville de Ziguinchor.
Les incidents qui se multiplient viennent de la volonté de l’armée d’encadrer le retour au bercail des déplacés. Depuis plusieurs années, en effet, plusieurs milliers de personnes avaient déserté leurs localités pour échapper aux combats meurtriers entre militaires et rebelles.
Profitant de l’absence des populations, des franges du MFDC ont pris possession des lieux abandonnés et transformé le vide ainsi créé en des «cantonnements militaires».
Robert Sagna, président du GRPC
En même temps, ils ont développé sur place une économie parallèle, plus mafieuse que légale.
«Les bandes armées ont sanctuarisé des espaces qui ne leur appartiennent pas et qui restent des territoires occupés. Quand les populations ont fui, les rebelles ont intensifié le trafic de bois et le vol de bétail. Ils alimentent Ziguinchor et les autres centres urbains en grandes quantités de viande de brousse. Ils ont renforcé la culture de l’anacarde, pour laquelle ils tirent de substantiels revenus monétaires.
Et comme il n’y a pas eu en amont de négociations entre autorités sénégalaises et représentants de la rébellion pour organiser le retour des déplacés, personne n’ose s’approcher des zones conquises», analyse pour Sputnik un membre de la société civile locale qui a requis l’anonymat par peur de représailles contre sa famille, restée au village.
«Faux», rétorque Jean-Marie François Biagui, ancien secrétaire général du MFDC, fondateur et président du Parti social-fédéraliste (PSF), une entité éloignée de la revendication d’indépendance du MFDC originel et favorable à un grand ensemble fédéral sénégalais, qui prendrait en compte des spécificités régionalistes comme celles de la Casamance, cette région du Sud du pays.