LE PÉCHÉ MAJEUR DE LA DÉMOCRATIE, C’EST DE CONFÉRER LA GOUVERNANCE À UNE MAJORITE MÉCANIQUE
Lors de l’ouverture du colloque organisé par l’Association sénégalaise de droit constitutionnel, le vice doyen de la Faculté des sciences juridiques et politiques a constaté qu’au Sénégal, la minorité parlementaire a tendance à se sentir marginalisée
Lors de l’ouverture du colloque organisé par l’Association sénégalaise de droit constitutionnel, le vice doyen de la Faculté des sciences juridiques et politiques a constaté qu’au Sénégal, la minorité parlementaire a tendance à se sentir marginalisée. Ce qui, d’après le Professeur Alioune Badara Diop, n’est pas normal dans un Etat de droit parce que la majorité doit tenir compte de la voix discordante.
«Au Sénégal, la minorité parlementaire a tendance à se sentir marginalisée, écartée et même violentée par la majorité.» C’est le constat fait par l’assesseur de la Faculté des sciences juridiques et politiques (Fsjp) de l’Ucad. Alioune Badara Diop, qui s’exprimait lors du colloque sur «Etat de droit et minorités en Afrique», soutient : «Aller à des élections, désigner la majorité mécanique, c’est une chose, mais revenir à l’Hémicycle tenir compte de la voix discordante de la minorité devrait être une obligation de la majorité.» Poursuivant son analyse, il déclare que «les pouvoirs publics devraient tenir compte de la structuration d’un espace de dissidence». De l’avis du vice-doyen de la Fsjp, «ce que ceux qui ne partagent pas l’opinion dominante expriment doit être pris en compte dans la gouvernance publique».
Lors de son intervention, M. Diop a souligné que «le péché majeur de la démocratie, c’est de conférer la gouvernance à une majorité mécanique électorale». Pour lui, «il est nécessaire de tenir compte de ceux qui n’ont pas voté pour ceux qui exercent le pouvoir». Ce colloque, organisé par l’Association sénégalaise de droit constitutionnel, est aussi une occasion d’échanger sur le sort des minorités ethniques, culturelles ou linguistiques en Afrique.
Sur ce point, Professeur Diop estime que la gestion des minorités est une obligation pour ceux qui gouvernent. «La problématique consiste à sauvegarder les intérêts des minorités. Par exemple, quand on est dans un pays où il y a une minorité ethnique marginalisée, stigmatisée par ceux qui sont au pouvoir, il va de soi que cela ne peut qu’engendrer une crise et la déstabilisation de l’ordre politique», a-t-il dit. De même, ajoute-t-il, à l’international, un gouvernement qui a tendance à réprimer ses minorités est «black-listé».
C’est d’ailleurs pour ne pas tomber dans ces travers, précise le Professeur à la Fsjp, que «tous les Etats s’évertuent à se conformer à cette exigence de codifier dans leur arsenal juridique le respect scrupuleux du droit des minorités». L’Association sénégalaise de droit constitutionnel vise à «favoriser la production scientifique et intensifier les échanges d’expériences».
Un objectif qui cadre avec la suggestion de Pr Demba Sy aux jeunes constitutionnalistes. Il rappelle que «l’héritage que nous avons reçu est parti d’expériences historiques qui ne sont pas les nôtres» ; d’où la nécessité de mener «une réflexion nouvelle sur le droit constitutionnel en Afrique». «Jeune constitutionnalistes, brisons les chaînes pour aller au-delà du constitutionnalisme libéral et trouver une voie pour l’Afrique», a-t-il conseillé