« LE PROBLÈME DE L’APR DANS LE DÉPARTEMENT DE RUFISQUE, C’EST LE MINISTRE OUMAR GUEYE »
Boubacar Albé Ndoye, le maire de la commune de Rufisque Est, dénonce la gestion de l’Alliance pour la République dans la vieille cité par son coordonnateur départemental - ENTRETIEN
Boubacar Albé Ndoye, le maire de la commune de Rufisque Est, dénonce la gestion de l’Alliance pour la République dans la vieille cité par son coordonnateur départemental, le ministre de la Pêche M. Oumar Guèye. A l’en croire, « énormément » de cadres du département seraient exclus de l’animation de l’APR dans la ville et le département. Le président du conseil d’administration de la Société nationale d’assurance conseil (Sonac) depuis le 09 mai dernier évoque aussi dans l’interview qui suit son projet majeur, le « Carré d’or », d’un coût de 49 milliards de francs. Un projet confronté à des blocages qui proviendraient « d’ennemis » politiques tapis dans l’ombre.
Le Témoin – Monsieur le maire, le projet « Carré d’or »a entraîné des soulèvements des commerçants du marché central de Rufisque. Pourquoi un projet aussi important n’a-t-il pas l’objet d’un consensus majeur ?
- Le « Carré d’or », c’est un projet structurant pour la modernisation de Rufisque, du vieux Rufisque surtout. Il a été remis en cause par certaines personnes notamment les commerçants du marché central. Et pourtant, en termes de stratégies de communication, on a eu à développer une série de rencontres surtout avec les commerçants du marché central pour leur expliquer les contours du projet. Mais comme vous le savez, généralement, les gens, quand ils ne veulent pas entendre ou comprendre, personne ne peut les obliger à accepter quelque chose. En tout cas, le « Carré d’or », c’est une réponse par rapport à ce qui se passe tout autour de Rufisque à savoir les pôles urbains qui sont érigés par l’Etat, surtout le pôle urbain de Diamniadio qui a démarré. Avec le maire de la ville Daouda Niang, on a pensé que, dans le sillage de ces pôles, il faut positionner Rufisque en lui faisant jouer son rôle principal au niveau du département parce que Rufisque actuellement est le centre économique du département. Mais le marché central est dans un tel état de délabrement que nous pensons que, si on n’intervient pas d’ici quelques années, Rufisque serait largué. On a donc imaginé ce projet en privilégiant non seulement un aspect économique, mais aussi un projet immobilier qui va permettre à d’autres personnes de venir s’installer à Rufisque en disposant d’un cadre idéal à quelques encablures de l’océan Atlantique. C’est pourquoi, ce projet d’un coût de 49 milliards de francs nous permettra d’ériger trois tours de 20 niveaux avec quatre centres commerciaux et un grand marché central qui sera la propriété exclusive de la commune de l’Est. Il nous permettra d’intégrer l’ensemble des commerçants du marché central qui seront des locataires au niveau du site. Pour le reste, une des tours va revenir à la ville de Rufisque. Elle sera exploitée par le promoteur afin qu’il puisse rentrer dans ses fonds. Voilà les contours du montage qu’on a réussi à faire. C’est un projet qui est entièrement bouclé sur le plan financier. Les études techniques sont entièrement bouclées. Actuellement au moment où je vous parle, les études d’impact environnemental sont commanditées et nous avons reçu même un arrêté du gouverneur qui a fixé la date de démarrage de ces études d’impact environnemental. En réalité, c’est un projet qui va permettre à Rufisque de répondre à Diamniadio, c’est-à-dire toute personne qui va habiter à Diamniadio trouvera un cadre idéal pour aller faire ses achats dans le futur site. Toute personne qui est à Diamniadio pourra aussi trouver des restaurations de qualité en face de la mer et au niveau de ce site. Nous avons discuté six fois avec les commerçants. Ils disent pourtant qu’on n’a pas discuté avec eux. Ces jours à venir, on va encore renouer le dialogue dans la mesure où le maire de la ville qui s’occupe de ces négociations a déjà fixé une date avec eux. Nous espérons aussi qu’au sortir de cette rencontre, une solution sera trouvée. En tout cas, c’est un projet qui ne laissera personne en rade, qui permettra à ces commerçants d’être dans un cadre vraiment idéal pour exercer leur métier et permettra enfin à Rufisque de maintenir sa position de pôle commercial.
L’information qui circule à Rufisque est que les commerçants sont manipulés par vos « ennemis politiques » le président du conseil départemental, le député Souleymane Ndoye, et le PCA de la SOGIP, Doudou Meissa Wade. Confirmez-vous ces allégations ?
Ce que vous rapportez là, tout le monde le dit à Rufisque et c’est aux intéressés de confirmer ou d’infirmer. Mais, en tout cas, tout le monde dit qu’il y a une main politique derrière l’opposition au projet par les commerçants. Cependant je ne m’attarde pas sur ces allégations. Ce qui est important pour nous, c’est que ce projet étant mis en place, rien ne peut l’empêcher de poursuivre sa route. Parce qu’en réalité, les réticences notées chez certains commerçants, c’est que parmi ces derniers, il y en a qui disposent de cinq voire dix cantines qu’ils sous-louaient. Il leur a été expliqué qu’on va leur restituer la totalité de leurs cantines. Même si un commerçant a 20 cantines, il recevra cette même dotation. Donc sur ce plan-là, il ne doit pas y avoir de problème. Qu’une main politique soit derrière ou pas vraiment, cela ne nous inquiète pas du tout parce que c’est un projet qui a été porté par les plus hautes autorités de ce pays. Il est soutenu par le ministère du Renouveau urbain qui nous a reçus. Diene Farba Sarr a même mis en place une task force au niveau de son ministère pour accompagner ce projet. Tous les Rufisquois aujourd’hui nous interpellent sur le démarrage des travaux. Nous sommes très rassurés. Le challenge qui reste, c’est de pouvoir délocaliser le marché central en recasant les commerçants dans un endroit qu’on est en train de finaliser. Une fois l’endroit aménagé, on va demander aux commerçants de rejoindre les lieux pour démarrer les travaux
Récemment, vous avez été nommé PCA de la SONAC par le président Macky Sall suite à votre décision de le rejoindre à travers son parti, l’APR. Albé Ndoye est-il un transhumant ?
Même le nom de transhumant, c’est un mot que je n’aime pas du tout. Le fait de parler de transhumant, on est quand même des êtres humains. On a la capacité de réfléchir et de décider de la bonne voie à suivre, la voie qui nous convienne. Je pense qu’en matière de politique, en fonction de nos idéaux et convictions, on détermine notre trajectoire de militantisme. Si on s’active dans la politique, c’est pour servir notre ville et notre pays en premier lieu. Alors si nous nous engouffrons dans cette voie, c’est pour avoir la possibilité d’apporter une plus-value à notre ville. Ma personne importe peu. C’est pourquoi, même lorsque que je devais rejoindre le camp du Président, je n’ai jamais posé de conditions concernant ma personne. Tous les membres de l’APR présents à l’audience peuvent aussi le confirmer, je n’ai jamais parlé au président de poste. J’ai parlé d’infrastructures pour Rufisque, de voiries, d’assainissement et d’éclairage. Je pense qu’aujourd’hui, c’est là où j’attends le président. Heureusement qu’il y’a le projet PROMOVILLE qui est déjà lancé dans quelques communes à Rufisque, mais qui va être encore plus accentué avec la reprise de deux fois deux voies de Dioutiba (entrée de la ville) jusqu’à l’ancienne usine de chaussures Batta. Pour nous, si le président parvient à aménager ce boulevard de la sorte et à fermer les canaux à ciel ouvert, nous serions très rassurés parce que c’est ce que j’avais discuté avec lui. Il aura alors respecté ses engagements. En tout cas, ma conviction d’un engagement aux côtés du chef de l’Etat se trouve à ce niveau, mais pas dans le sens de parler de transhumance
Votre nomination à un poste de PCA n’est elle pas une manière pour Macky Sall de vous remercier ?
Cette nomination m’a surpris parce que, comme je l’ai dit tout à l’heure, je n’étais pas demandeur. C’est le Chef de l’Etat qui a jugé que Boubacar Albé Ndoye est un Sénégalais qui pourrait peut-être l’accompagner dans sa mission pour le développement du Sénégal. Il m’a mis dans un poste où je pourrai tirer mon épingle du jeu. En tout cas, c’est dans cette optique que j’ai apprécié ma nomination. Je remercie le président d’avoir pensé à moi, cela veut dire qu’il a pensé que nous pouvions être utiles à notre pays.
Evoquons maintenant la situation politique à Rufisque. Le camp présidentiel est secoué par des guerres de positionnement entre les partisans du coordonnateur départemental, le ministre Oumar Guèye, et ceux du beau père du président, Abdourahmane Seck dit Homère. Une situation incompréhensible voire suicidaire à 6 mois de la présidentielle de 2019. Comment appréciez-vous une telle contradiction ?
Je reconnais effectivement qu’il y a de vives contradictions au sein de la famille présidentielle dans le département de Rufisque. La situation nécessite que la famille présidentielle locale se retrouve autour d’une table pour discuter. Parce que ce dont on a besoin, c’est de réunir toutes les forces pour réélire le président Macky Sall. Sur ce plan, au niveau de la commune de Rufisque Est, ce travail a été fait avec quelques leaders. Nous avons pu rencontrer tous les ténors de l’APR au niveau de notre commune. Ils ont accepté d’être ensemble. C’est ainsi que, depuis le mois de ramadan, nous tenons régulièrement des réunions. Le seul problème, c’est que Doudou Meissa Wade, le PCA de la SOGIP, refuse de rejoindre le groupe en mettant en avant son titre de coordonnateur de l’APR à l’Est. Je crois qu’il se trompe d’approche parce que la situation actuelle ne s’apprécie pas en fonction d’un titre de coordonnateur. En outre, je vois mal un maire qui a capitalisé deux grandes victoires électorales accepter de se soumettre aux prétentions d’un jeune novice en politique qui a été battu à la dernière élection dans la zone même dont il prétend assumer le titre de coordonnateur. Au nom de quoi Doudou Meissa Wade pense-t-il qu’il est plus légitime que tous les ténors politiques qui s’activent dans la commune de l’Est ? Je pense qu’il faut qu’il sache raison garder. Sur ce plan, il a intérêt à rejoindre le groupe pour travailler avec nous parce qu’à notre niveau, nous sommes entrain de réfléchir sur un plan d’actions qui nous permettra de pouvoir aller tous, la main dans la main, vers les populations. Le problème qui se pose, c’est que le président de la République a beaucoup fait pour le Sénégal. Il a une vision très claire pour le Sénégal. Il sait là où il veut aller, là où il veut amener le Sénégal. Sur ce plan, c’est à nous d’aller dans la proximité, discuter avec la population parce que certaines personnes n’ont pas la bonne information. Sur cette question, laissons de côté les ambitions de coordonnateur de Doudou Meissa Wade parce qu’on sait ce qu’il y a derrière.
Vous voulez dire que le PCA de la SOGIP Doudou Meissa Wade est instrumentalisé par le ministre de la Pêche Oumar Gueye ?
En tout cas, s’il ne l’a pas instrumentalisé, c’est lui qui, à chaque séance, ne rate pas l’occasion pour dire que Doudou Meïssa Wade est le coordonnateur de l’Est. Je pense qu’une telle posture du ministre Oumar Guèye est très gênante venant de sa part vis-à-vis de tous les responsables politiques qui militent à l’Est. Mais ce qui est aussi bizarre, c’est que le ministre Oumar Guèye ne parle jamais de coordonnateur pour les autres collectivités locales lors de nos rencontres. Le ministre de la Pêche doit arrêter ce type d’intervention lors de nos différentes rencontres. C’est pourquoi, les gens disent que c’est lui qui est derrière tout ça
La contestation du leadership du ministre Oumar Guèye par les femmes et les jeunes de la Cojer a pris une nouvelle ampleur ces dernières semaines. Pourquoi le ministre Oumar Guèye est-il rejeté à Rufisque dont il prétend être le coordonnateur départemental ?
Effectivement les femmes, les jeunes de la Cojer se sont réunis récemment pour demander le départ du coordonnateur départemental. Peut-être qu’ils ont senti à leur niveau qu’il y a un problème. Ce qui m’a étonné au niveau de Rufisque, c’est que quand j’ai adhéré à l’APR, j’ai vu de hauts cadres issus des communes de Rufisque nord, de l’Est, de Bargny, de Sangalkam qui n’étaient jamais conviés à une rencontre pour booster l’APR vers l’avant. Ce sont des cadres qui sont laissés en rade. Le travail d’un coordinateur, c’est de faire la paix avec tous parce que ce qu’on lui demande, ce n’est pas à son ego. Quand même quand on dit coordonnateur départemental, il doit prendre sous sa coupe l’ensemble des acteurs qui veulent travailler pour le président. Aujourd’hui je peux vous citer une trentaine de cadres qui ne sont jamais conviés à des réunions au niveau de la coordination départementale. J’ai soulevé une telle situation lors du meeting qu’on avait tenu récemment à Sangalkam. Les enjeux aujourd’hui, c’est de faire venir toutes ces personnes, de les mettre autour d’une table et de discuter avec elles ensemble de l’élection de 2019. Si on ne parvient pas à réussir cela, on aura échoué. Rien n’est encore perdu.
Parce que vous êtes proche du PCA de Pétrosen, Abdourahmane Seck Homère, vous gênez le ministre Oumar Guèye. Avez-vous un tel sentiment ?
Je ne pense pas qu’on le gêne parce que ce n’est pas à notre niveau seulement. Le ministre Oumar Guèye affiche le même ostracisme à l’endroit d’autres maires comme c’est le cas de Ngagne Diop de Bambilor, Mor Sarr Fall, le maire de Diakhaye. Papis Diop de Tivaoune Peul-Niague n’est pas content lui non plus. Effectivement tous ces maires ont senti que, souvent, le ministre Oumar Guèye cherche à coacher leurs premiers adjoints. Aujourd’hui les quatre C (Bambilor, Diakhaye, Tivaoune Peul-Niague et Sangalkam) qui naguère étaient un bloc soudé derrière Oumar Guèye se sont disloquées. De cette entité, il ne reste que Sangalkam dont le ministre est le maire. Je crois qu’il est important de poser sur la table ce débat. Parce que pendant longtemps, les 4C ou les 5 C affichaient une unité derrière le ministre Oumar Guèye, maintenant ce dernier est resté seul. Aucun des trois maires n’assiste jamais à une réunion convoquée par le ministre Oumar Guèye. Il y a une urgence à gérer une telle situation qui est préjudiciable au chef de l’Etat dans le département.
Et la posture du président Abdourahmane Seck qui anime aussi une tendance…
Non, je pense que le président Abdourahamne Seck Homère n’est pas dans ces postures de tendances. Il a pris de la hauteur surtout par rapport à ce qui se passe dans le département. Il assiste à toutes les réunions que j’ai conviées comme un responsable de l’Apr. Il assiste et donne son point de vue sur un certain nombre de questions
Le problème de l’APR dans le département de Rufisque, n’est-ce pas le ministre Oumar Guèye finalement ? Est-il un cas pour le département ?
Pas du tout, au contraire ! On n’a pas de problème avec aucun responsable au niveau du département. Même avec Oumar Guèye si ce dernier coordonne normalement le département. Nous ne l’avons jamais remis en cause, mais le seul problème, c’est qu’il doit faire un effort pour convier tout le monde et se départir de la guerre qu’il méne en direction de maires comme Ngagne Diop de Bambilor et autres. Le fait d’aller recruter le 1er adjoint de Ngagne Diop qui anime désormais une tendance contre ce dernier, cela ne facilite pas les choses. En un moment, Oumar Guèye avait réussi à regrouper tout le monde. Il faut qu’il retrouve une telle dynamique. Je ne pense pas qu’Oumar Guèye soit un cas. C’est un cas qu’on peut régler. C’est au ministre de faire l’effort qu’il faut parce que quand même personne n’a renié sa position de coordonnateur. Un coordonnateur départemental ne doit pas s’immiscer dans les affaires des collectivités. Si j’étais le président de la République, j’allais faire confiance aux maires.
La mairie de la ville est gérée par un opposant Daouda Niang. Une telle situation est-elle un facteur de blocage ?
Nos rapports avec le maire Daouda Niang sont très bons. Il y a une parfaite complicité entre nous dans la mesure où ce qui nous motive, c’est Rufisque