LE PS ET LE PDS S'EFFONDRENT PROGRESSIVEMENT
Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis, livre son analyse de la situation que vivent les deux partis
Le Pr Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis livre ici son analyse de la situation que vivent le PS et le PDS. Selon lui, ces deux partis s’effondrent progressivement par manque de relais, de démocratie, d’organisation et de jeunesse.
Comment analysezvous les problèmes de succession au PS et au PDS ?
«Ces partis n’ont pas su s’adapter à l’évolution du monde. C’est-à-dire démocratiser les partis, faire en sorte qu’il y ait des circularités des élites dans les partis. Cela pose un problème de démocratisation des partis. Et quand on regarde bien l’évolution historique de ces partis-là, on voit nettement que ces partis s’identifient à leur fondateur .
Pour le PS, à un moment donné, on se référait à Senghor ensuite à Abdou Diouf. Il y avait une idéologie de base. Et elle a beaucoup évolué. Quand on regarde au niveau international, il y a eu l’effondrement du mur de Berlin. Ce qui a entrainé un changement idéologique au niveau international. Il fallait donc s’adapter à l’évolution du monde. Et cela n’a pas été le cas au niveau interne. Parce que tout simplement, Senghor a passé la main à Abdou Diouf et puis on a vu comment Abdou Diouf a cédé le pouvoir à Ousmane Tanor Dieng à l’époque en 1996 à l’issue d’un congrès sans débat. Il avait décidé de façon autocratique de céder le pouvoir au niveau du parti à OTD.
De la même façon, quand on regarde un autre grand parti qui est le PDS, il s’identifie à son fondateur , Abdoulaye Wade qui est le maitre du jeu. Et tout le monde doit respecter son pouvoir . Il n’y a pas eu de congrès dans le parti depuis 2014. Il n’y a pas eu non plus de restructuration. Et quand on perd le pouvoir ; c’est très difficile de rebondir , de se restructurer et de se préparer pour une reconquête du pouvoir.
Egalement comme le chef est vieillissant au PDS, il n’y a pas encore un changement important au niveau des structures du parti. Et il y a une rivalité de positionnements. On a vu avec la décision unilatérale de Wade de restructurer le PDS ; il y a eu des réticences. Parce que les gens qui ont été unilatéralement désignés à des postes sans consultation ont décliné l’offre. Cela montre bien qu’il y a des fissures au PDS et que des gens qui avaient accompagné Wade sont écartés, comme Oumar Sarr et d’autres. Cela veut dire tout simplement que le PDS va traverser une crise de succession de Wade à la tête.
Wade pense léguer le pouvoir à son fils qui n’est pas là. Et il compte se fier sur d’anciens leaders de la Génération du Concret et proches de Karim Wade pour gérer collégialement le parti. Mais cela ne va pas être suffisant, parce que Karim ne s’est pas encore séparé de ses démêlés judiciaires qui pèsent comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Donc cela veut dire qu’il y a cet obstacle majeur , cet obstacle judicaire qu’il faudra régler . Sans compter le fait qu’Abdoulaye Wade a fait le vide autour de lui. Et cela va affaiblir le PDS.
Donc vous voyez que ces deux grands partis traversent des situations très difficiles. La succession de Tanor au PS va poser d’énormes problèmes de légitimité au niveau des leaders qui seront choisis. Par quel biais on va procéder ?
Est-ce qu’on va récupérer ceux qu’on avait considérés comme exclus pour pouvoir réorganiser , réformer le PS et en faire une force qui pourrait reconquérir le pouvoir ? De la même manière aussi, le PDS traine des pieds dans une nébuleuse totale de l’opposition où il n’y a pas de leader. Donc, ces grands partis s’effondrent progressivement par manque de relais, de démocratie, d’organisation et de jeunesse. Parce qu’on en a besoin pour être sur le terrain, sensibiliser l’opinion publique et puis la mobiliser autour de projets de reconquête de pouvoir .»
Pensez-vous qu’à l’avenir ces deux partis traditionnels seront incontournables sur l’échiquier politique ?
«Même sans un leader charismatique, ces deux grands partis sont incontournables dans le jeu politique. Parce que tout simplement, ce sont des partis très bien implantés dans la société sénégalaise, bien structurés. Maintenant, il faudra trouver quelqu’un au niveau national. Il faut choisir une personnalité jeune qui a une certaine légitimité en respectant les rapports de forces au niveau du parti, en respectant aussi les anciens, les ténors du parti. Il ne faut pas les écarter comme ce qui se passe actuellement au PDS. Parce qu’ils jouent un rôle important. Ils sont dotés aussi d’expérience politique et capables de mobiliser.
Regardez Oumar Sarr, quand on parle de Dagana, c’était la référence. Et maintenant si on le met à l’écart, c’est qu’on sape progressivement les bases du PDS. Mais cela ne veut pas dire que le PDS est mort. Reste maintenant à trouver un consensus autour d’une personnalité qui peut faire le jeu. Mais si Me Wade s’entête à vouloir réserver le parti à son fils, on risque d’assister à une mort progressive du PDS et il aurait une part de responsabilité dans tout cela. Mais que ce soit le PS comme le PDS, leur existence est considérable pour le renforcement de la démocratie parce qu’on a besoin d’eux. Il reste maintenant aussi bien pour le PDS que le PS à s’adapter aux nouvelles réalités politiques du Sénégal.
A qui profite cette mauvaise passe au PS et au PDS ?
«A mon avis, cela profite aux jeunes partis. Les gens qui ont des principes comme Ousmane Sonko peuvent profiter de cette aubaine-là parce que ces grands partis traversent des difficultés. Sonko vient d’arriver et il peut récupérer toutes les fragmentations qui vont découler de cette situation. Il peut y avoir possibilité de coaliser avec tous ces gens perdus et qui sont à la recherche de leaders. A mon avis, Sonko peut profiter de leurs expériences et s’implanter davantage dans le paysage politique sénégalais».