«A L’EPOQUE, JE N’AVAIS PAS ETE SUIVI…NI PAR LA MAGISTRATURE, NI PAR LA PRESSE…»
Ce que pensait le président Abdou Diouf de la Crei en 2000
Dans l’émission « Livres d’Or » de RFI, enregistrée en septembre 2000 juste après son départ du pouvoir, Abdou Diouf, l’ancien Président du Sénégal, était revenu sur la création de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI) et les principaux dysfonctionnements et résistances qui ont plombé sa marche. Si cette Cour n’avait pas pu mener à bien sa mission, la responsabilité en incomberait, selon le président Abdou Diouf, à la Magistrature, la Presse, la Police et certains Chefs religieux… Une interview qui confortait un éditorial de notre dirpub Mamadou Oumar Ndiaye qui qualifiait la Crei de « Justice » des vainqueurs au lendemain de l’arrestation de Karim Wade. Extraits
« J’ai créé le tribunal de la lutte contre l’enrichissement illicite dont j’avoue que c’était un échec ! Parce que je n’avais pas été suivi. Le peuple sénégalais est ainsi fait puisqu’il n’accepte pas des sanctions trop fortes. Et comme la cohésion sociale était trop forte à l’époque, je me suis rendu compte que ceux-là que je pouvais accuser même de corruption partageaient cet argent avec toute une famille élargie, toutes les concessions, toutes les classes de gens, qui évidemment se liguaient. Et c’était la période où j’ai eu la compagne de presse la plus dure contre moi autour de la corruption (…). Alors qu’il y avait dans la loi des délits de corruption qu’on pouvait sanctionner que l’on ne sanctionnait jamais ! J’ai moi-même eu l’occasion de faire déférer en Conseil de discipline un fonctionnaire (Ndlr : « Le Témoin » préfère ne pas mentionner son nom) quand j’étais Premier ministre. Et je savais que ce fonctionnaire était corrompu, mais avec la corruption vous ne pouvez jamais avoir les preuves (…) Parce que personne ne parle ni le corrupteur ni le corrompu, je n’avais donc pas les preuves. Et comme j’avais l’intime conviction que ce fonctionnaire était corrompu, je l’avais fait déférer en conseil de discipline, et ses pairs l’ont blanchi. Je leur ai adressé à chacun une lettre qui était très dure ! Ils étaient tous malades mais ils disaient qu’ils n’avaient pas de preuves. Mais la preuve de présomption qu’est-ce que vous en faites ? Et tout le monde savait que cet homme-là est corrompu ! (…) Donc j’ai créé ce tribunal d’enrichissement illicite pour faire un pas de plus… Et comme je ne pouvais pas obtenir des aveux ni du corrupteur, ni du corrompu, je me basais sur les signes extérieurs de richesse. En effet, il fallait que la personne puisse prouver comment elle a réussi à avoir cette voiture rutilante etc… comment elle a pu avoir toutes ces villas compte tenu du niveau de son salaire. J’ai subi un blocage total de la part des magistrats, de la part des policiers chargés de l’enquête… Et cette loi est restée lettre morte ! Etsi la presse cachait la corruption de ceux qui étaient ses amis ou dénonçait ceux qui n’étaient pas ses amis ? … Je dis oui et non ! (…) Et de grands chefs religieux s’étaient déplacés jusque chez moi pour me demander de céder sur tel ou tel point, telle ou telle affaire…et ils étaient repartis fâchés contre moi (…) » se désolait l’ancien Président de la République Abdou Diouf au cours de cette émission « Livres d’Or » de Rfi enregistrée en septembre 2000.