LES DESSOUS D’UNE CLÉMENCE PRÉSIDENTIELLE BIEN OPPORTUNISTE
Pourquoi donc tant de précautions pour dire qu’il veut remettre dans le jeu politique Karim Wade et Khalifa Sall ? Allons donc, monsieur le président de la République, n’ayez pas honte de le dire !
Juste quelques lignes dans les profondeurs du communiqué du Conseil des ministres de ce mercredi 28 septembre 2022 ! A n’en pas douter, le président de la République a voulu noyer sa d’amnistier des personnes ayant perdu leurs droits de vote. Pourquoi donc tant de précautions pour dire qu’il veut remettre dans le jeu politique Karim Wade et Khalifa Sall ? Allons donc, Monsieur le président de la République, n’ayez pas honte de le dire !
« Abordant la consolidation du dialogue national et l’ouverture politique, le Président de la République demande au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice d’examiner, dans les meilleurs délais, les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote ». Ces quelques phrases enfouies dans le communiqué du Conseil des ministres de ce mercredi 28 septembre 2022 doivent être décryptées comme une volonté du président de la République d’amnistier Karim Wade et Khalifa Sall qui seront en réalité les plus gros bénéficiaires de cette mansuétude. Cette subite bienveillance du chef de l’Etat, qui procède en réalité de cyniques calculs politiciens, avait été ébruitée juste au lendemain des législatives du dimanche 31 juillet dernier.
En ce début du mois de septembre, l’amnistie de Karim Wade et de Khalifa Sall a été révélée par le président de la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme (LSDH), Alassane Seck, au cours de l’émission « Le Jury du dimanche » ou JDD du dimanche 18 septembre 2022.Le successeur d’Assane Dioma Ndiaye avait informé que le président de la République, Macky Sall, après avoir gracié les deux éminents opposants, était dans les dispositions de leur accorder l’amnistie. « Un juriste de renom avait été reçu par le Président de la République, Macky Sall qui lui avait demandé de trouver la meilleure formule», avait précisé Alassane Seck aux confrères d’Emedia. Et d’ajouter : «Je pense qu’on peut toujours y arriver». Karim Wade a posé la condition de la révision de son procès et demandé une réparation. « Il doit s’estimer heureux s’il est amnistié», estime Alassane Seck. Les deux opposants, Khalifa Sall et Karim Wade, frappés par des condamnations judiciaires, avaient été recalés à l’élection présidentielle de 2019 par le Conseil constitutionnel.
Pourtant, la couleur avait été annoncée par le président de la République lui-même en décembre.
Il avait évoqué la possibilité d’amnistier Khalifa Sall et Karim Wade lors d’une interview avec Rfi et France 24. « Je suis favorable, une amnistie ? Une sorte de réhabilitation, je ne sais pas » avait répondu le chef de l’Etat aux questions des journalistes français. « Vous savez Marc (un des journalistes qui faisait l’entretien), j’ai toujours choisi de ne pas personnaliser le débat. Mais bon…à l’époque, on a parlé de ces sujets. C’est des sujets qui ont été traités. Le débat se pose au Sénégal aussi. Estce que c’est une amnistie ? Une sorte de réhabilitation ? Je ne sais pas. Je ne sais pas trop. Moi, je ne suis pas opposé, dans le cadre d’un dialogue qu’on trouve des solutions mais qui respectent le droit, qui respectent la loi », avait indiqué Macky Sall. Relancé sur le terme « favorable », le chef de l’Etat d’expliquer : « Oui, je l’ai déjà dit au Cadre unitaire de l’islam au Sénégal qui intervient beaucoup pour pacifier le milieu politique. Non, je ne suis pas opposé à l’esprit. Bah, il faut trouver la bonne formule ».
Que cache cette volonté du président de la République de passer à l’acte alors que 15 mois tout juste nous séparent de la présidentielle de 2024 ? Le journaliste politologue Bakary Domingo Mané s’est essayé à une réponse en écartant d’emblée toute prétention de comprendre les visées du chef de l’Etat. « Je ne saurais entrer dans la tête de Macky Sall pour comprendre ses motivations » tient-il à préciser d’emblée. Cependant, l’ancien rédacteur en chef de Sud Quotidien note que « l’amnistie ne vise pas les personnes, mais les faits. Toutes les personnes qui ont été privées de vote pour des circonstances différentes peuvent bénéficier de cette loi. Il est clair que maintenant en choisissant de faire bénéficier cette loi à Khalifa Sall et Karim Wade, Macky Sall veut apaiser les cœurs et mettre fin à la polémique de droit sur la perte ou non du droit de vote de Khalifa Sall et de Karim Wade.
Cette décision reste tout de même retentissante parce le président de la République peut en tirer des gains au moment où il traverse une passe difficile au sein de l’opinion nationale. Macky Sall coupe aussi l’herbe sous les pieds des députés de l’Assemblée surtout de l’opposition qui pourraient initier une proposition de loi d’amnistie. Ce qui serait catastrophique puisqu’il verra le gain politique de la réhabilitation de Khalifa Sall et Karim Wade lui filer entre les doigts d’autant plus qu’avec la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, une telle proposition de loi pourrait être même votée par des députés de BBY. Macky Sall a certainement voulu éviter une telle situation dont il ne se relèverait jamais ».
Le journaliste politique d’avertir cependant que « si le président de la République a pris cet acte pour éloigner Khalifa Sall et Karim Wade de l’opposition et affaiblir celle-ci et surtout Sonko, je crois qu’il se trompe lourdement. Je vois mal comment Khalifa Sall et Karim Wade vont le rejoindre à 15 mois d’une présidentielle de 2024. C’est insensé ».
Le président de la République, qui n’est pas né de la dernière pluie, sait parfaitement que ces deux grands opposants qu’il avait fait emprisonner ne vont jamais soutenir. Ce qu’il espère, c’est plutôt qu’ils vont se présenter à l’élection présidentielle de 2024 et mordre dans l’électorat d’Ousmane Sonko voire le dépasser de manière à ce qu’il ne se qualifie pas au second tour. Ou que même, pourquoi pas, lui-même Macky Sall soit élu dès le premier tour. Enfin, lui, ou le poulain qu’il aurait choisi au cas où la raison l’aurait visité et persuadé de ne pas briguer un troisième mandat de tous les risques…