LES PROFESSEURS BOUARÉ ET FALL DÉCHIRENT LA COPIE DE MOUSTAPHA DIAKHATÉ
Polémique sur la levée de l'immunité parlementaire de Oumar Sarr
Les membres du Parti démocratique sénégalais ont brandi l'argument de l'immunité parlementaire pour dénoncer l'arrestation de leur secrétaire général adjoint, le député Oumar Sarr. Si pour la commission ad hoc de l'Assemblée nationale, le député libéral et maire de Dagana a perdu son immunité depuis 2013, les spécialistes du droit pensent le contraire. Les professeurs Mady Marie Bouaré de l'Ugb et Ndiack Fall de l'Ucad déclarent que l'immunité parlementaire d'un député doit être levée à chaque fois que ce dernier commet une infraction, avant toute poursuite judiciaire.
L'emprisonnement du secrétaire général adjoint du Pds remet sur la table la question de son immunité parlementaire suite à des propos jugé offensants à l'endroit du Chef de l'État. Le président de la commission Ad hoc, Moustapha Diakhaté, a déclaré qu'Oumar Sarr avait perdu son immunité depuis 2013 durant les enquêtes concernant la traque des biens supposés mal acquis. Une affirmation que ne partage pas le professeur de droit pénal Mady Marie Bouaré. Selon l'enseignant de l'Université Gaston Berger de Saint-Louis, la levée d'une immunité parlementaire ne peut pas être éternelle.
"Chaque fois qu'un député commet une infraction, il faut lever son immunité. Mais la levée d'une immunité ne peut pas être perpétuelle et concerner toutes les infractions, ce n'est pas possible", a déclaré le professeur de Droit. Une assertion bien appuyée par son collègue Ndiack Fall professeur de Droit pénal à la Faculté des Sciences juridiques et politiques (Fsjp) de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar qui affirme que la levée de l'immunité n'est pas générale.
"Oumar Sarr ne peut pas être poursuivi sans l'autorisation de l'Assemblée"
"Pour ladite affaire, avant que le mandat de dépôt ne soit décerné, il faudrait obligatoirement que l'immunité parlementaire soit levée. Si tel n'est pas le cas, la détention devient illégale car le député est en fonction ; donc quand il commet un crime ou un délit alors que l'Assemblée est en session, il faut un vote de l'Assemblée nationale pour que l'immunité parlementaire soit levée", a argumenté le professeur de l'Ucad.
Selon qui l'immunité est un bouclier qui empêche d'ester en justice contre un député. "L'immunité parlementaire ne signifie pas impunité, c'est juste un obstacle aux poursuites, obstacle qu'il faut obligatoirement lever sauf en cas de flagrant délit", a recadré le professeur Fall. Dans la même lancée, Mady Boireau renseigne qu'Oumar Sarr ne peut pas être poursuivi sans l'autorisation de l'Assemblée nationale.
"L'immunité est établie par rapport à chaque infraction que commettrait le député. Celle d'Oumar Sarr a été levée en 2013 dans le cadre de l'enquête relative à l'enrichissement illicite de certains responsables libéraux. Il avait été entendu par la police et interdit de sortie du territoire national par rapport à une infraction bien déterminée. Pour ce cas-ci, on lui reproche d'avoir diffusé de fausses informations qui sont de nature à porter atteinte à la sécurité de l'État du Sénégal. Il faudrait à nouveau lever son immunité parlementaire", édifie le professeur de l'Ugb.
“Ce n'est pas parce qu'on a déjà levée l'immunité parlementaire pour une première infraction que cette mesure va concerner la seconde", a précisé M. Bouaré. Ainsi, il fait savoir que l'emprisonnement du député et maire de Dagana est illégal car les parlementaires sont protégés durant la session parlementaire. “Les autorités ne peuvent pas le poursuivre encore moins le mettre en détention sans avoir demandé et obtenu l'autorisation de l'Assemblée", renseigne-t-il.
Mady Bouaré de relever que les droits fondamentaux d'Oumar Sarr sont violés d'autant plus qu'il faut considérer ses propos comme ceux de représentant d'un parti politique et non d'un député. “Sous cette casquette, il a le droit de s'exprimer par rapport à une question posée donc, ce qu'il a dit ne peut pas lui faire valoir une poursuite judiciaire", a-t-il conclu.
Le professeur de l'Ucad, Ndiack Fall, de rappeler qu'Omar Sarr est en détention provisoire pour le délit de diffusion de fausses nouvelles. Ce qui, selon lui, découle de l'article 139 du code de procédure pénale. “En présence d'une pareille incrimination sur réquisition du procureur de la République, le juge d'instruction est tenu de décerner un mandat de dépôt. Je précise qu'il y a une entorse à un principe cardinal de la procédure pénale que l'on appelle la séparation des fonctions de poursuites, d'instruction et de jugement. Le juge d'instruction a en quelque sorte les mains liées", soutient-il.