LES RECOMANDATIONS DE LA SOCIETE CIVILE
Dans le rapport de restitution de ses différentes activités rendu public hier, la fondation Afrikajom Center, en collaboration avec Osiwa et Friederich Ebert, a décliné les contours du dialogue national
Dans le rapport de restitution de ses différentes activités rendu public hier, la fondation Afrikajom Center, en collaboration avec Osiwa et Friederich Ebert, a décliné les contours du dialogue national auquel invite le président Macky Sall et qui doit déboucher sur des réformes institutionnelles consolidantes.
“Dialogue politique pour l’adoption consensuelle et inclusive de réformes des institutions démocratiques et républicaines : création d’un mécanisme de suivi et de mise en œuvre”. C’est le thème de l’atelier de réflexion tenu les 11 et 12 avril dernier par la fondation Afrikajom Center, en collaboration avec Osiwa et Friederich Ebert, et dont le rapport de restitution est paru hier.
Dans le document transmis à “EnQuête”, le fondateur de ladite fondation, Alioune Tine, passe à la loupe le système politique sénégalais. Celui-ci, selon lui, est marqué par une crise de la démocratie représentative au Sénégal, avec un processus électoral contesté, dissensuel, un dialogue politique entre l’opposition et le pouvoir presque inexistant et très tendu aujourd’hui, du fait que l’opposition ne reconnait pas les résultats de l’élection présidentielle. Selon l’ancien président de la Raddho, tout se passe au Sénégal comme si aucune leçon n’avait été tirée des évènements du 23 juin 2011 qui avaient remis en cause de façon radicale, voire violente la crédibilité et la légitimité de deux institutions fondamentales de la République : le Parlement et le Conseil constitutionnel.
Huit ans après, M. Tine regrette que les mêmes questions se posent pratiquement dans les mêmes termes, à propos de ces deux institutions, nous mettant de façon grave dans la nécessité absolue de réformer et de moderniser une démocratie électorale, des institutions qui ne répondent plus à leur fonction et un système politique à bout de souffle. Il relève, dans la foulée, que le leadership démocratique sénégalais est de plus en plus contesté et, pire, beaucoup estiment que c’est en régression avec les interdictions récurrentes des manifestations publiques, avec une justice dont les décisions font de plus en plus l’objet de critiques.
Face aux “pathologies et des dysfonctionnements” manifestes de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits humains qui ont fait l’objet d’un débat très large au cours de l’atelier, Alioune Tine et ses collaborateurs ont préconisé des recommandations à soumettre à l’ensemble de la classe politique. Ils ont également élaboré une proposition de feuille de route pour garantir l’effectivité et le succès d’un dialogue politique large et inclusif. Ainsi, pour garantir la paix et la stabilité dans la durée et prévenir les conflits et les nouveaux défis qui affaiblissent les Etats, sapent les fondements du vivre ensemble, Alioune Tine juge nécessaire et absolu la tenue d’un dialogue national constructif, sincère et inclusif avec un consensus fort sur les questions d’intérêt national, notamment la réforme des institutions démocratiques et républicaines, ainsi que celle de la gestion des ressources minérales.
En outre, il estime que la création d’une commission cellulaire comme en 1991 serait un mécanisme souple, composé de femmes et d’hommes d’expérience, intègres et consensuels, chargés de définir les termes de référence, l’agenda, le chronogramme... en rapport avec les autorités publiques, les représentants des partis politiques et de la société civile.
Thèmes de dialogue
Pour restaurer la confiance sur le système électoral sénégalais, Afrikajom Center propose différents thèmes de dialogue dont l’évaluation du système électoral sénégalais : état des lieux des élections locales de 2014, du referendum de 2016, des élections législatives de 2017 et de l’élection présidentielle de 2019. Concernant la question spécifique du parrainage, il faut, selon lui, non seulement en faire l’évaluation (examiner les points forts et les points faibles) mais une fois un système consensuel adopté, il faut une formation des acteurs politiques, de la société civile, des juges... sur le système. Outre l’évaluation des élections et du système du parrainage, Alioune Tine préconise également une réforme de la justice sénégalaise.
Ainsi, pour une indépendance effective de la justice, il invite les autorités compétentes à assurer un respect scrupuleux et sans condition du principe de l’inamovibilité des magistrats du siège ; à mettre fin à la présence du chef de l’Exécutif au Conseil supérieur de la magistrature ; à élargir et à renforcer les compétences du juge constitutionnel, afin d’éviter les déclarations récurrentes d’incompétence. Mais aussi à promouvoir des règles renforçant les mécanismes d’application des décisions de la Cour de justice de la Cedeao et autres institutions supranationales et à augmenter le budget de la Justice. Parallèlement à la réforme de la justice, il faut, selon lui, œuvrer dans le sens d’un Parlement émancipé et au service des citoyens.
Pour ce faire, il juge nécessaire de consacrer un mode de désignation des députés qui favorise le lien et la redevabilité entre le député et les populations à la base, de bannir le scrutin de liste, de promouvoir des mécanismes mettant un terme à l'usage abusif de la majorité parlementaire, de garantir un renforcement de capacités des députés et de l’institution parlementaire. Mais aussi de promouvoir des mécanismes pour une meilleure représentation des jeunes et des minorités, la transparence et la bonne gestion dans l’institution parlementaire. Pour des organes indépendants de régulation efficaces, le fondateur de Afrikajom Center invite à renforcer l’efficacité des institutions administratives indépendantes, à travers leur rationalisation, par la création d’un haut conseil de la démocratie fédérant les rôles de la Cena, du Cnra, l’élargissement de leurs pouvoirs de contrôle, la systématisation du droit d’auto-saisine et du pouvoir de saisine directe des juridictions, dans certains cas, la systématisation de la publicité directe de leurs rapports annuels. Cette réforme, selon Alioune Tine, doit aussi s’étendre jusque dans l’Administration sénégalaise. Celle-ci, pour l’ex-président de la Raddho, doit être neutre, impartiale et efficace.
Dans ce dessein, il préconise l’établissement d’un système d’incompatibilité pour éviter l’implication des hauts fonctionnaires dans les activités politiques ; l’institution d’un appel à candidature pour certains postes de la haute Fonction publique et du secteur parapublic, y compris pour la nomination des autorités administratives indépendantes. En plus de l’Administration, la société civile sénégalaise doit aussi être réformée. Pour qu’elle soit respectée, engagée et proactive au service du peuple, elle doit, selon Alioune Tine, veiller au respect scrupuleux de la bonne gouvernance associative, en particulier à l’application de leurs textes et règlements, et à l’éducation citoyenne de leurs membres. Après s’être dotée de normes et codes de déontologie, elle doit également rester équidistante, objective et ferme dans la défense des principes de gouvernance démocratique, même dans un contexte hostile.