"LES SÉNÉGALAIS NE SAURAIENT ÊTRE DES PÉTROLIVORES, ENCORE MOINS DES GAZIVORES"
Me Djibril War de l'APR tire sur les opposants
Le député Me Djibril War, Directeur de l'École du parti Apr et président de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, se prononce sur des questions d'actualité. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, Me War s'en prend aux opposants et appelle Aliou Sall à "se désengager de tout ce qui touche au pétrole, gaz et autres, pour ne pas être le talon d'Achille de son frère".
Maître, l'air devient irrespirable, ces temps-ci, à cause de l'affaire du pétrole et du gaz qui constitue une menace sur la stabilité sociale. Que pensez vous de ce débat, source de tensions entre le pouvoir, l'opposition et la société civile ?
Nous devons tous rendre grâce à Dieu Le Tout-Puissant d'avoir exaucé les prières de nos saints hommes d'hier et d'aujourd'hui, en nous gratifiant de sa générosité infinie de telles richesses au bon moment, parce que confiées à des mains expertes et sûres d'un homme, ingénieur-géologue, qui connaît bien le pétrole : le Président Macky Sall. Après toutes les clarifications apportées par des voix autorisées au niveau du gouvernement, dès lors que la justice a été saisie, tout sera clarifié.
Le gouvernement est de plus en plus acculé, notamment par l'ex-inspecteur des impôts, Ousmane Sonko, qui a été radié, et l'ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, qui est revenu à la charge avec sa deuxième lettre adressée au Président...
Pour le cas de monsieur Sonko, il faut bien recadrer les choses. Cette affaire devait être ramenée dans son cadre normal, hors du cadre politique, voire politicien. D'abord, il s'agit de rapports de travail entre un employeur, l'État, et son employé, en porte-à-faux avec les règles élémentaires du droit commun du travail, qui imposent à tout travailleur, respect, courtoisie, loyauté, et une bonne manière de servir, sous peine de licenciement pour faute lourde. Il s'y ajoute, qu'étant fonctionnaire et haut cadre ayant accès à des informations, il est tenu à un certain nombre d'obligations liées à son statut et qui sont consacrées par le Code de déontologie des agents de la Dgid à l'égard de l'État et à ses institutions, même en dehors de son cadre professionnel et aux contribuables.
Mais, Ousmane Sonko fait de la politique comme d'autres fonctionnaires le font dans votre parti, comme le ministre de l'Intérieur et celui de l'Économie, Abdoulaye Daouda Diallo et Amadou Ba, eux-mêmes inspecteur des impôts. Pourquoi cette distinction de traitement ?
Le militantisme politique des personnes précitées n‘expose pas l'État qui est sacré en ce qu'il concourt au nom de son pouvoir régalien à la sécurité de tous les citoyens de tout bord, ainsi que leurs biens. Le Sénégal a toujours eu de grands opposants qui étaient en même temps de grands fonctionnaires de l'État, comme son ancien collègue, le ministre de l'Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo, opposant à l'époque, qui en savait beaucoup, certainement de graves choses, comme les gros scandales fonciers sous l'ancien régime. Il ne s'en est jamais servi contre le pouvoir d'alors. Sonko, au contraire, n‘a épargné ni l'État, ni l'Assemblée nationale, ni le Président Macky Sall, ni les politiques publiques de l'État, ni le Pse, ni le Pudc, ni d'autres contribuables, ni Aliou Sall, ni Youssou Ndour qu'il aurait même traité de «délinquant fiscal» à travers la presse. Même si la sanction est justifiée, je sollicite de l'État qu'il ramène la radiation à d'autres sanctions, blâme, suspension. Cependant, il gagnerait à être plus regardant dans ses comportements. Pour le cas de l'ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, il ne tardera pas à être convaincu de l'idée que les Sénégalais se font de la loyauté, la fidélité, la sincérité, dans les relations. Je renvoie les Sénégalais à ce qu'on pourrait considérer, aujourd'hui, comme Mémoires d'Outre Tombe, les conseils que feu son père, le grand juge Kéba Mbaye, au soir de sa vie, lui avait prodigués, comme l'obligation de respect envers son Premier ministre et son président de la République, qui est de surcroît un ami qui lui a tout donné.
Vous êtes dur avec Abdoul Mbaye...
Qui pouvait penser un jour que ce dernier, dont on ne connaît aucune action, aucun fait dans les évènements politiques, sociaux, patriotiques, même les grèves au lycée, qui ont marqué ce pays, se trouve subitement, comme par un coup de baguette magique, dans un conte, propulsé au rang de Premier ministre, en lieu et place de grands cadres dans nos rangs, sortis de très grande écoles, très compétents, comme mes amis le ministre Diène Farba Sarr, Abdoulaye Daouda Diallo et Thierno Alassane Sall, et d'autres, fins connaisseurs de l'État, fidèles compagnons du Président. S'agissant de notre frère, Aliou Sall, nous saluons sa démission. Mais, qu'il ne s'arrête pas en si bon chemin ! En tant que frère du Président, pour ne pas être son talon d'Achille, face à ces gens méchants, qui n'ont plus d'arguments contre le Président sur ses politiques publiques et ses réalisations quotidiennes, je l'invite à se désengager, désormais, complètement de tout ce qui touche au pétrole, gaz et autres au Sénégal ou ailleurs.
Mais, il s'agit de centaines de milliards que l'État aurait perdus lors des cessions d'actions faites par Petro Tim Limited à Timis Corporation, et les cessions d'actions de cette dernière à Kosmos Energy, sans s'acquitter des droits d'enregistrement, de taxes de plus value de cession, en violation du Code pétrolier et fiscal ?
Cette affaire, au-delà même des enjeux économiques, politiques, dès lors qu'elle sera tranchée par la justice contribuera à l'avancée du droit au niveau jurisprudentiel, doctrinal. Il faut noter que ces points de discorde ne sauraient être analysés sous l'angle exclusif du Code fiscal, ou du Code pétrolier. D'autres éléments spécifiques à ce secteur d'activités, les accords, conventions entre États, comme l'Omc, le droit public économique, le droit commercial, le droit international privé, public, les usages, les politiques d'attractivité face à la concurrence doivent être pris en compte. Le ministre- conseiller juridique du Président, Ismaël Madior Fall, a invoqué le caractère non-clair des dispositions du Code pétrolier, en tentant d'expliquer cette controverse. Je parlerai plutôt de la complexité et la technicité des règles applicables en l'espèce. Les préoccupations majeures des uns et des autres, c'est l'incitation à l'investissement, en évitant la double imposition et l'évasion fiscale. Mais, il faut admettre que ce type de contrats est rangé dans la catégorie des contrats aléatoires, où l'une des parties, l'investisseur privé prend de gros risques, qui engagent des milliards de dépenses par jour, en l'espèce, pour des résultats incertains, contrairement à l'autre partie, l'État du Sénégal, qui ne prend aucun risque, qui ne sort aucun centime, mais qui sera intéressé en cas de résultats concluants. Et comme on le dit en droit, «L'aléa chasse la lésion». Mais, la question du paiement des droits d'enregistrement et des plus values ne devrait pas être l'arbre qui cache la forêt des importantes mesures très protectrices des intérêts de l'État et des populations qui ont été bien pris en compte par le Code Pétrolier et par ces contrats. A titre conservatoire et par souci de transparence, au regard des dispositions du Code pétrolier et des contrats en question, les contractants, Petro Timis Limited, Timis Corporation, Kosmos Energy, sont tenus de faire une comptabilité séparée des opérations pétrolières qui permettent d‘établir un compte de pertes et profits et un bilan faisant ressortir, tant les résultats desdites opérations que les éléments d'actif et de passif qui y sont affectés ou s'y rattachant. En plus, les gisements ou accumulations naturelles d'hydrocarbures existant dans le sous-sol de la République du Sénégal, sont la propriété exclusive de l'État, qui se réservera le droit d'entreprendre pour son compte des opérations pétrolières. Au niveau des dispositions fiscales, l'État percevra des taux d'exploitation jusqu'à dix pour cent des productions pétrolières.
Que gagne concrètement l'État du Sénégal dans tout cela ?
L'État perçoit 30% au titre de l'impôt sur les bénéfices nets des sociétés contractantes pour leurs opérations pétrolières. Ce qui clôt, en partie, le débat sur la plus value, dès lors qu'elle est incluse comme produits dans l'assiette pour la détermination de l'impôt sur le bénéfice. Et enfin, ce qui est plus intéressant, c'est que l'État, en sus de ses 10% de parts dans le partage de la production restante de pétrole ou de gaz, percevra, sans bourse délier, sur la production restante, selon la production journalière, un pourcentage de 35% sur 3000 barils, contre 65% pour les investisseurs, et 54% pour une production de 120000 barils, et 58% pour plus de 120000 barils, contre 46% pour les investisseurs, sans parler des milliers d'emplois qui seront créés. Si on y ajoute l'ancrage constant du Président dans la gouvernance transparente et patriotique qui lui a valu d'inscrire dans un des quatorze points du référendum de mars 2016 les ressources naturelles dans la catégorie des droits nouveaux, la création du Comité national pour la transparence dans les industries extractives (Itie), la ratification de la Convention multilatérale de l'Ocde et du Conseil de l'Europe concernant l'assistance mutuelle en matière fiscale, la création du Cos Petro gaz, après l'Ofnac, doit-on sérieusement s'inquiéter du sort de nos ressources ? Pour le pétrole, comme le gaz, l'or, le zircon, la transparence ne doit pas être synonyme de déballage, de mensonges, de diffamations. Il faut déplorer l'attitude très frileuse du gouvernement, du parti et de la Coalition présidentielle, muette au niveau de la communication qui, comme tétanisée, a tardé à réagir spontanément, pour éclairer l'opinion et rétablir la réalité des faits.
Mais, était-ce une raison pour réprimer de façon aussi violente la marche de l'opposition ? Dès lors que la marche est un droit constitutionnel, n'y a-t-il pas, aujourd'hui, un recul démocratique, avec le Président Macky Sall ?
La marche est un droit consacré par la Constitution du Sénégal. Mais, partout dans le monde, elle s'exerce dans le cadre des lois et règlements qui définissent les modalités de sa mise en oeuvre pour la protection d'autres droits, libertés. Je regrette la tournure des évènements, lorsque les manifestants ont voulu forcer le cordon de la police, pour aller au ministère de l'Intérieur. Je fustige surtout l'attitude d'une certaine société civile qui ne l'est que de nom, de par certaines postures et déclarations. Le droit de manifester coexiste avec d‘autres droits comme la liberté de culte.
Pensez-vous que les images de cette journée qui ont fait le tour du monde et les réactions de l'Union européenne concernant la gestion du pétrole font honneur au Sénégal ?
Les déclarations faisant état de remontrances de l'Union européenne sont pures affabulations. Ce n'est pas avec le Président Macky Sall que le Sénégal va transiger sa souveraineté et sa dignité. Aujourd'hui, les grands foyers de tension en Afrique et dans le reste du monde ont comme enjeux essentiels le contrôle des ressources naturelles de pétrole, de gaz, minerais, avec des mouvements terroristes, djihadistes, Boko Haram. Si certains veulent se servir du prétexte de ces contrats, qu'ils considèrent comme suspects, pour décourager les actuels investisseurs, au profit de leurs clients, de puissants lobbies, les grands majors à l'affût, sponsors des mouvements terroristes, pour créer le chaos et rendre le Sénégal ingouvernable, c'est peine perdue. Les Sénégalais ne sauraient être des pétrolivores, encore moins des gazivores.