L’ÉTAT DU SÉNÉGAL FIXÉ SUR SORT AUJOURD’HUI
La Cour d’appel a mis en délibéré sa décision sur l’exception d’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’Etat dans le procès de Khalifa Sall et Cie
La Cour d’appel a mis en délibéré sa décision sur l’exception d’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’Etat dans le procès de Khalifa Sall et Cie. Le juge Demba Kandji a annoncé que c’est aujourd’hui, vendredi, qu’il livre sa décision sur cette exception soulevée par la défense.
C’est aujourd’hui que l’Agent judiciaire et les avocats de l’Etat seront édifies sur leur constitution de partie civile, dans le cadre du procès en appel de l’affaire de la caisse d’avance de la Ville de Dakar opposant l’Etat du Sénégal au député-maire Khalifa Ababacar Sall. En effet, après deux journées de débat sur l’exception d’irrecevabilité de la constitution partie civile de l’Etat soulevée par les avocats de la défense, le juge Demba Kandji, Premier président de la Cour d’appel de Dakar, a annoncé hier, jeudi 19 juillet, qu’il livre son verdict ce jour, vendredi 20 juillet. Il faut souligner que durant ces deux journées d’échange sur cette exception, les trois parties présentes à ce procès (avocats de Khalifa Sall et compagnie, leurs confrères de la ville de Dakar et ceux de l’Etat du Sénégal) ont essayé chacune en ce qui la concernait de convaincre du bien-fondé de sa requête. Il faut dire que c’est la place de l’Etat dans ce procès qui est rudement mise à l’épreuve.
En effet, au cas où le juge Demba Kandji prendrait une décision dans le sens de conforter la constatation des avocats de la défense, l’Agent judiciaire de l’Etat et les avocats de l’Etat n’auront plus le droit de réclamer quoi que ce soit. Ils quitteront tout bonnement cette affaire en laissant seule la ville de Dakar et la défense. Cette éventualité peut être une chance de sortir pour Khalifa Sall puisque la ville de Dakar, depuis le début de cette affaire, a toujours nié avoir subi un quelconque préjudice. Elle estime en effet que les fonds incriminés lui appartiennent et c’est elle qui les a mis à la disposition de son maire Khalifa Sall.
Autrement dit, en l’absence d’un demandeur, c’est toute l’accusation qui tomberait comme un château de cartes du fait que le député-maire de Dakar se retrouverait seul face au tribunal, en l’absence d’accusateur. A souligner que, lors de ces deux jours d’échanges sur cette exception d’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal, la défense semblait converger vers la même direction. Se fondant sur le principe de la libre administration et de l’autonomie des collectivités territoriales, consacré par le Code général des collectivités locales, les avocats de la défense ont tous réclamé la sortie de l’Etat du Sénégal de ce procès.
Premier avocat de la défense à prendre la parole hier, jeudi, pour démontrer à la Cour l’immixtion non-fondée de l’Etat dans ce procès, Me Abou Dialy Kane a estimé que l’Etat, comme il a l’habitude de le faire dans tous les autres procès à connotation politique, fait du forcing dans cette affaire. Sous ce rapport, la robe noire a invité la Cour d’appel à «remettre à sa place cet Etat envahissant». En effet, selon lui, l’Etat est incapable de démontrer à la Cour qu’il a subi un préjudice dans cette affaire.
Poursuivant son argumentaire, Me Kane qui cite le Code de procédure pénale, déclarera que l’article 2 de cette architecture juridique dit clairement que la personne qui se réclame partie civile doit justifier qu’elle a souffert de l’infraction ou du délit commis. Or, comme l’a dit sans ambages la robe noire : «En première instance, les percepteurs l’ont dit et répété que les sommes incriminées appartenaient exclusivement à la mairie de Dakar».
La défense nie à l’état le droit de se constituer partie civile
Prenant à son retour la parole devant la barre, Me El Hadj Amadou Sall, ancien Garde des Sceaux sous Me Wade, a abondé dans le même sens tout en indiquant lui-aussi à l’endroit de la Cour que «l’Agent judiciaire de l’Etat n’a pas sa place ici». «Il ne sert à rien de l’évoquer, il n’a aucune interférence dans ce qu’on fait et le jugement rendu en première instance a bien dit que l’Etat n’est pas en mesure de justifier un préjudice», a ajouté l’avocat de la défense.
Succédant à leurs confrères à la barre, Me Ciré Clédor Ly, Demba Ciré Bathily, Me François Sarr, Ndèye Fatou Touré et Me Borso Pouye pour ne citer que ceux-là, ont également conforté cette position en expliquant à la Cour que ce qui a été reproché à Khalifa Sall, c’est d’avoir détourné, dans le cadre de ses agissements en tant que maire, les deniers publics de la ville de Dakar et non comme agent de l’Etat. L’argument a été le même, du côté de la partie civile version Ville de Dakar. Prenant la parole à la suite des avocats de l’Etat, Me Jean Sylva et son confrère Me Ousseynou Gaye ont plaidé l’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal. «L’Etat du Sénégal sera incapable de prouver que dans la caisse d’avance de la ville, il y a des fonds qui lui appartenaient. L’unicité de caisse évoquée par les avocats de l’Etat pour justifier leur présence dans ce procès ne signifie rien du tout, il s’agit juste d’un principe par lequel la loi demande à l’ensemble des collectivités locales d’ouvrir leurs comptes au Trésor public mais cela ne veut pas dire que cet argent appartient à l’Etat. Sinon, les banques se réclameraient propriétaires de l’argent déposé par leur client dans ses comptes», a expliqué Me Gaye.
ECHOS... ECHOS...
ME ABOU DIALY KANE AUX AVOCATS DE L’ETAT : «Votre comportement n’honore pas la justice»
Premier avocat de la défense à prendre la parole dès la reprise de l’audience pour livrer son argumentaire sur l’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal dans ce procès en appel de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, Me Abou Dialy Kane a fait un sévère rappel à l’ordre de ses confrères représentant l’Etat du Sénégal dans cette affaire. S’adressant à Me Yérim Thiam, l’avocat de la défense invité ses confrères à se comporter comme des avocats et non comme des membres de la Cour. «En tant qu’avocats de l’Etat du Sénégal, vous n’avez rien à faire dans ce procès. En plus, je dois vous rappeler que votre comportement, depuis le début de ce procès, n’honore pas la justice. Vous faites comme si vous étiez des membres de la Cour, vous avez même des gardes du corps, c’est votre droit et je vous le concède mais sachez que vous êtes des avocats au même titre que nous autres. Vous n’avez pas le droit de passer par la même porte que la Cour. Ce n’est pas normal et pas bon pour l’image de la justice que vous empruntez la porte réservée aux membres de la Cour. Ressaisissez-vous et sachez que vous n’êtes pas des avocats plus que les autres, comportez-vous donc comme tels».
PUBLICATION IN EXTENSO SUR LE NET DU VERDICT DE LA COUR D’APPEL AU MOMENT DE LA LECTURE DU DELIBERE : Me Ndèye Fatou Touré sonne l’alerte et s’indigne
Le débat sur la diffusion des documents confidentiels de la justice dans les médias a refait surface hier, lors du cinquième jour du procès en appel dans l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar opposant l’Etat du Sénégal au député-maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall. Prenant la parole devant la barre à la suite de son confrère de la défense Me Kane, Me Ndèye Fatou Touré a demandé de la sérénité dans ce procès avant de se faire porteparole de ses confrères de la défense pour déplorer ce qu’elle qualifie de «faits qui n’honorent pas la justice sénégalaise, notamment la Cour d’appel de Dakar». Poursuivant sa plaidoirie, l’avocate de la défense a notamment fustigé la publication in extenso du jugement que le président de la Cour d’appel de Dakar n’avait pas fini de lire intégralement. Et de préciser que cette publication dans un site appartenant à un groupe de presse dont le patron est un ministre conseiller auprès du président de la République est intervenue quelques minutes après le verdict. S’adressant ainsi au juge Demba Kandji, l’avocate déclarera : «ces faits nous inquiètent en tant qu’avocats de a défense. Nous nous demandons comment les journalistes de ce site sont entrés en possession de la copie du jugement au moment même où vous faisiez sa lecture, avant même les avocats qui n’ont pas encore reçu copie»