L’EXÉCUTIF MET AU PAS LE LÉGISLATIF
Convocation de l'Assemblée nationale
Elus par le peuple, les députés de la 13e législature attendent toujours la signature, par le président de la République, du décret portant leur convocation. Pour le moment, les tractations vont bon train.
30 juillet-24 août 2017. Déjà 25 jours se sont écoulés, depuis que les Sénégalais ont mis un terme au mandat de certains députés, en élisant d’autres à leurs places. Depuis lors, la place Soweto est vide. La vie de cette institution fondamentale dans une démocratie qui se respecte, est suspendue aux humeurs du chef de l’Exécutif, le président de la République Macky Sall.
Tout le monde attend qu’il sonne la fin de la récréation, pour que les nouveaux parlementaires rentrent en classe. En effet, explique le spécialiste du Droit constitutionnel Ndiogou Sarr, c’est au président de la République qu’il revient la prérogative de convoquer la nouvelle Assemblée nationale. L’enseignant à la faculté des Sciences juridiques et politiques estime que dans les pays où le chef de l’Etat mesure l’enjeu de cette institution, cela se fait dans des délais raisonnables. Au Sénégal, les nouveaux élus devront prendre leur mal en patience. Car le gouvernement est en vacances. Et cela déteint sur toutes les activités.
Cette situation ne crée-t-elle pas un vide dans le fonctionnement de ce pouvoir consacré par la Charte fondamentale ? Ndiogou Sarr, sans être catégorique, voit mal comment les anciens députés pourraient être amenés à exercer cette fonction. ‘’Dès lors que les résultats définitifs des élections sont publiés par le Conseil constitutionnel, je ne vois pas comment on pourrait appeler les anciens députés à voter des lois’’, déclare le professeur. Pendant ce temps, d’autres avancent que la 12e législature reste habilitée à voter des lois jusqu’à l’installation de la nouvelle Assemblée.
Par conséquent, la question qui se pose est de savoir si Me El Hadj Diouf et Cie devront percevoir leur salaire à la fin de ce mois ?
Loin de ce débat autour de cette période transitoire, Théodore Chérif Monteil, primo-député, estime qu’il faudrait revoir les rapports entre les pouvoirs Exécutif et Législatif. Selon lui, tout devrait être revu pour rendre au Parlement ses pleins pouvoirs. Il déclare : ‘’Je pense que la séparation des pouvoirs doit être effective. Et le règlement intérieur, tel qu’il se présente actuellement, présente beaucoup d’anomalies qu’il va falloir réviser. Il en est de même de la Constitution. Le sort de l’Assemblée nationale ne doit pas dépendre du bon vouloir du président de la République. En ce moment, sur beaucoup de questions, c’est le cas. Sans être prétentieux, nous allons essayer d’y apporter des corrections. Comme nous allons apporter notre contribution sur plein de sujets qui nous tiennent à cœur.’’
‘’Le sort de l’Assemblée ne doit pas dépendre du bon vouloir du président de la République’’
Pour Monteil, la prochaine rentrée aura un goût particulier. Jamais il n’a été membre du Parlement. Il sera certes le seul représentant de son parti. Mais il compte défendre avec détermination ses convictions au sein de l’Hémicycle. Compte-t-il se battre en solo ? Ou va-t-il le faire dans le cadre d’un groupe parlementaire ? Il renvoie la question à ses mandants qui, dit-il, vont se réunir dans les prochains jours pour statuer sur la question. Toutefois, le nouveau député exprime sa satisfaction de faire partie de la prochaine Assemblée et espère profiter des ‘’moments très importants’’ pour la République, notamment le vote de la Loi des finances.
Comme un élève de CI, il va découvrir ce qu’est la rentrée parlementaire. Il dit : ‘’Je pense que les premiers mois, je vais beaucoup apprendre, mais sur certaines questions je peux beaucoup apporter à l’Assemblée nationale et à mes collègues.’’
Si, pour le primo-député, l’heure est à la préparation, pour les redoublants, on ne se précipite point. Joint par téléphone, Abdou Mbow, ancien vice-président à l’Assemblée nationale, déclare être en voyage. Du côté de la Coalition gagnante Wattu Senegaal également, c’est silence radio. Tous attendent le chef de l’Etat qui, selon certaines indiscrétions, ne va pas agir avant le mois de septembre.
‘’L’heure est surtout aux réglages sur le prochain bureau de l’Assemblée nationale’’, informent nos sources sous le couvert de l’anonymat. Le chef de l’Etat Macky Sall va-t-il renouveler sa confiance à Moustapha Niasse ? Le Premier ministre Mahammad Boun Abdalla Dionne et les ministres élus sous la bannière de Benno Bokk Yaakaar vont-ils rentrer en classe ? Beaucoup de questions qui restent en suspens.
Préparatifs pour la rentrée
Une chose est sûre : pour le moment, seules deux coalitions ont les moyens de constituer leurs groupes parlementaires sans avoir besoin de former des alliances. Il s’agit de Benno Bokk Yaakaar avec ses 125 députés et de la Coalition gagnante Wàttu Senegaal qui en compte 19.
En effet, pour constituer un groupe parlementaire, rappelle Ndiogou Sarr, il faut au moins 15 députés. Derrière ces deux plus grandes forces de la prochaine législature, vient la coalition Mankoo Taxawu Senegaal avec ses 7 représentants.
Les camarades de Khalifa Sall vont-ils rejoindre les libéraux pour former avec eux un groupe fort ? Eux aussi préfèrent donner leur langue au chat, étant donné qu’ils ne se sont pas encore réunis sur cette question. Préoccupés par la libération de leur leader, les khalifistes sont en train de cogiter sur la stratégie à mettre en œuvre pour arriver à leurs fins. Certains d’entre eux ont déjà émis le souhait de voir Abdoulaye Wade présider la séance d’ouverture pour poser le débat sur la suspension des poursuites contre Khalifa Ababacar Sall.
Ainsi, ces deux blocs de l’opposition comptent travailler ensemble pour poser des peaux de banane le long des allées menant à la place Soweto. Ce qui augure une rentrée tumultueuse à l’Assemblée nationale.
Mais, à en croire le constitutionnaliste Ndiogou Sarr, cette stratégie peut difficilement prospérer. ‘’Car, à l’Assemblée nationale, toutes les décisions se prennent par vote. Et puis, les pouvoirs du président d’âge sont limités’’, argumente-t-il.
En tout cas, ce sera un combat de gladiateurs que suivra de près le Parti de l’unité et du rassemblement (PUR), la quatrième force du Parlement, qui exclut toute idée de rejoindre d’autres groupes. Son chef de file, Issa Sall, a déjà fait savoir que son parti ne se rangera derrière aucun groupe.
Outre ces quatre formations, seront aussi à l’Assemblée nationale 10 autres coalitions. Il s’agit de Kaddu Askan Wi à travers Abdoulaye Baldé et Moustapha Guirassy. Les autres coalitions ou partis ont chacun un représentant. C’est le cas du néo-politicien Ousmane Sonko, des transfuges de Macky 2012 Théodore Chérif Monteil et Ibrahima Abou Nguette, du non aligné la journaliste Sokhna Dieng Mbacké, de la socialiste Aïssata Tall Sall, des anciens libéraux Modou Diagne Fada et Aïda Mbodj, de l’ancien ministre Cheikh Tidiane Gadio et de l’homme d’affaires Diop Sy.
Tous ces députés auront la lourde mission de redorer le blason de l’Assemblée nationale, suite à la 12e législature décrite comme étant la plus ‘’nulle’’ par certains de ses membres.