LOCALES SOUS HAUTE TENSION
Regain de violences politiques, Cena hors mandat, bras de fer préfets-Cours d’appel, le climat politique reste plus que jamais tendu.
Le processus électoral en cours pour les prochaines joutes municipales et départementales n’a assurément rien de rassurant pour une démocratie qui se veut apaisée. En effet, à moins de trois mois du 23 janvier 2022, date fixée par le décret n° 2021-562 du 10 mai 2021 pour la tenue du scrutin local, la tension semble avoir atteint un niveau plus qu’inquiétant à cause de la détérioration du climat politico-social. A cela s’ajoute un sentiment de rupture de confiance vis-à-vis de certain organes essentiels dans le bon déroulement des élections. Zoom sur ces divers dysfonctionnements qui annoncent un cocktail explosif pour les locales de janvier.
L es prochaines élections municipales et départementales constituent un véritable défi pour la démocratie sénégalaise. A moins de deux mois de la date du 23 janvier, le climat politique reste plus que jamais tendu. Depuis quelques temps, l’environnement politique est marqué par une escalade de la tension, sous fond d’invectives et de propos va-t’en guerre. Dernière en date, l’arrestation débridée suivie de la libération de l’opposant et maire sortant de la commune de Mermoz Sacré-Cœur, Barthélémy Toye Dias, non moins candidat tête de liste de Yewwi Askan Wi pour la mairie de Dakar, le mercredi 17 novembre, dans la matinée. Alors qu’il s’apprêtait à rejoindre ses partisans avec qui il avait prévu une caravane de distribution de flyers relativement au meeting de son investiture pré- vue le dimanche 21 novembre, Barthélémy Dias a été a interpellé près de chez lui par des éléments de la police de Dieuppeul qui, visiblement, surveillaient ses mouvements.
Cette arrestation avait poussé ses partisans à prendre d’assaut les alentours de ce commissariat pour réclamer la libé- ration immédiate de leur candidat. Une situation qui avait obligé les forces de l’ordre à faire usage des grenades lacrymogènes pour les disperser. Cet évènement intervenait quelques jours après la guérira urbaine qui a opposé le même Barthé- lémy Toye Dias aux forces de l’ordre dans certaines artères de Dakar, le 10 novembre dernier. Convoqué au tribunal dans le cadre de son appel devant la Cour d’appel de Dakar dans l’affaire du meurtre de Ndiaga Diouf, Barthélémy Toye Dias qui voulait faire une caravane avec certains leaders de la coalition Yewwi askan wi dont Ousmane Sonko de Pastef Les Patriotes et Malick Gakou du Grand Parti s’est vu refuser cette promenade par l’important dispositif policier placé aux alentours de sa maison. Face à son refus d’obtempérer, il s’en est suivi une confrontation entre ses partisans et les forces de la Police dans les rues de la capitale.
Auparavant, c’est dans la région de Ziguinchor que s’est manifestée la tension politique opposant des partisans du leader de Pastef, Ousmane Sonko, par ailleurs candidat de Yewwi Askan Wi pour la mairie de Ziguinchor à ceux de Doudou Ka, directeur de campagne de Benoît Samba et Seydou Sané, respectivement tê- tes de liste de la majorité aux élections municipales et départementales. Cette situation de tension entre acteurs politiques eux-mêmes, et forces de l’ordre par ailleurs, est d’autant plus inquiétante que le chef de l’Etat ne semble pas encore être dans les dispositions de siffler la fin de la récréation. Et pour cause, s’exprimant depuis Paris où il séjournait dans le cadre du Forum de Paris sur la paix, le président Macky Sall a profité d’une rencontre avec ses militants établis dans la capitale française pour mettre en garde ses opposants. « Ceux qui s’agitent pour profiter de certaines situations afin de mener leur manipulation, qu’ils se le tiennent pour dit : je ne laisserai personne s’y aventurer car j’ai le devoir de protéger ce pays ». Et le chef de l’Etat, que ses adversaires soupçonnent de pré- parer un troisième mandat, d’insister : « Quand j’ai été dans l’opposition, je n’ai jamais eu peur. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais céder face à ces campagnes inutiles d’intimidation».
CENA, UN GENDARME HORS-LA-LOI
Outre cette escalade de la tension entre partisans du pouvoir et ceux de l’opposition, le processus électoral en cours pour les prochaines joutes locales souffre également de l’absence de confiance des acteurs vis-à- vis de certains acteurs essentiels dans le bon déroulement de ces élections. Chargée ainsi d’assurer le respect par toutes les parties prenantes au processus électoral dont le ministère de l’Intérieur, l’administration territoriale (préfets et souspréfets) de même que les partis politiques et les candidats mais aussi du contrôle et de la supervision des toutes les opérations électorales, la Cena qui joue un rôle essentiel dans le dispositif électoral fait aujourd’hui face à un sérieux problème de conformité à la Loi. En effet, sur les 12 membres qui la composent, pas moins de quatre ont bouclé leur mandat de 6 ans depuis fort longtemps. Parmi eux, se trouvent le Président Doudou Ndir, en poste depuis 2009. La conséquence de cette situation est que ces retraités de la Cena maintenus en fonction par le chef de l’Etat ne sont plus protégés par le principe de l’inamovibilité qui régit le personnel de cet organe. Autrement dit, le chef de l’Etat pourrait à tout moment décider de les débarquer à tout va, notamment si ces derniers s’aventuraient à prendre des décisions contraires aux intérêts de sa coalition Benno Bokk Yaakaar dans le cadre du processus électoral en cours.
BRAS DE FER INEDIT PRE- FETS CONTRE PRESIDENTS DE COURS D’APPELS
La guéguerre entre fonctionnaires de la Justice et leurs collè- gues de l’Administration territoriale autour de l’annulation des décisions de rejet des listes de candidatures de l’opposition est tout autant un fait assez inédit qui participe à raviver la tension autour des élections locales de 2022. En effet, suite à l’annulation des décisions prises par les préfets et les sous-préfets relativement aux listes de l’opposition, le ministre de l’Intérieur, Antoine Felix Diome, après avoir publiquement témoigné tout son soutien à l’administration territoriale lors de l’inauguration du Commissariat d’Arrondissement des Parcelles assainies aurait, selon nos confrères du jour « Enquête », «demandé de ne pas intégrer les listes supposées validées par la Cour d’appel, aucune notification officielle n’étant encore faite ». Loin de s’en tenir là, l’actuel ministre de l’Intérieur, magistrat de fonction, a également demandé, toujours selon nos confrères, aux préfets et sous-préfets de se pourvoir en cassation. Autrement dit, d’attaquer à leur tour le jugement rendu par les présidents des Cour d’appel. Il faut dire que cette injonction faite aux administrateurs civils pose un sérieux problème en ce sens que cela pourrait conforter le sentiment de leur subordination au régime en place. Ces différents impairs qui environnement le processus électoral vers les élections locales de janvier prochain ont fini, à dire vrai, de susciter moult appré- hensions de la part de certains observateurs. Lesquels redoutent que le jeu de la démocratie en finisse par être biaisé et reléguer le Sénégal dans des lendemains post-électoraux lourds de conséquences. Alors même que les élections législatives sont en principe programmées pour la même année 2022.