MULTIPLE PHOTOSL'OPPOSITION PRESSE… ÉTAT ET PROCUREUR
Traitement des dossiers d'audits impliquant la mal gouvernance des membres du camp au pouvoir
Réciprocité obligeant à moins d'une justice à double vitesse, la diligence avec laquelle a été menée la procédure judiciaire liée à la caisse d'avance de la mairie de Dakar devait être appliquée à tous les dossiers d'audits des corps de contrôle de l'État, surtout ceux impliquant la mal gouvernance des patrons de structures publiques ou parapubliques, membres ou proches du parti au pouvoir. C'est là la conviction de l'opposition politique sénégalaise dont certains membres interpellent directement, dans cet article de Sud quotidien, le pouvoir central et son bras armé, le procureur de la République, pour un traitement sans faux-semblant de ces dossiers. Du député Thierno Bocoum de Rewmi à sa collègue Hélène Tine de Bess Du Niakk, en passant par Malick Noël Seck de Fnsp/Mom Sa Rew, l'État et le procureur sont mis devant leurs responsabilités dans le traitement de ces dossiers. Même si l'argumentaire diffère d'un acteur politique à un autre !
Thierno Bocoum, député Rewmi : "Le président ne peut pas se réfugier derrière le procureur"
Le président de la République ne peut pas se réfugier derrière le procureur. Il est clair que si le procureur reçoit des dossiers du président de la République, il n'y a aucune raison pour qu'il y pose son coude. Le problème ne se situe pas à ce niveau. Il ne faut pas qu'on nous fasse de la diversion. C'est le président de la République qui a dit aux journalistes, dans une interview accordée à Jeune Afrique, "qu'ils seraient étonnés s'ils connaissaient le nombre de dossiers auxquels il n'a pas donné suite". Donc, c'est lui même qui a fait l'aveu qu'il détient par-devers lui des dossiers auxquels il a décidé de ne pas donner suite. Nous pensons que si le procureur reçoit les dossiers, il n'a aucune raison de ne pas faire son travail. La politisation des dossiers, c'est au niveau du président de la République et il ne faut pas qu'on nous divertisse.
La deuxième chose est qu'il faut comprendre que l'IGE fait son travail tous les jours. Tous les jours, l'IGE a la possibilité d'aller contrôler la gestion des derniers publics dans les services publics. Cela veut dire que l'opinion est juste au courant de certains dossiers. Parce que, contrairement à l'Ofnac qui a la possibilité de publier par tous les moyens ses rapports, l'IGE donne ses audits directement au président de la République. Donc, l'opinion publique n'a pas une idée du nombre de dossiers traités et transmis au président. Il faut que le président nous éclaircisse sur le nombre de dossiers qui sont dans ses tiroirs et qui lui ont été confiés par l'IGE. Quand il dit qu'on serait surpris par le nombre de dossiers qu'il a bloqués, c'est parce qu'il sait qu'il a des dossiers dont on n'a pas connaissance. Ce sont tous ces dossiers qui doivent être déposés devant la justice, lorsque la recommandation de l'IGE est de les transmettre à la justice pour qu'une enquête judiciaire soit ouverte. Le problème se situe donc au niveau du président qui prend les dossiers qu'il veut diligenter et les soumet au procureur. Il n'a qu'à prendre les autres dossiers qui le dérangent ou impliquent manifestement ses proches dans des détournements pour les remettre au procureur. A partir de ce moment, on verra si le procureur fait son travail ou pas.
Helene Tine, député De Bess Du Niak : "S'il (Procureur) n'y répond pas, ça veut dire que c'est un inquisiteur"
De toute façon, ce que nous savons par exemple pour ce qui est des rapports de l'Ofnac, c'est que ce corps de contrôle a des prérogatives qui lui permettent de saisir directement le procureur. Suite au premier rapport qui porte sur la gestion de 2015, l'Ofnac a donc déposé le dossier sur la table du procureur depuis près d'un an. Maintenant, pour les autres dossiers des autres corps de contrôle, si le président de la République dit qu'il a déposé tous les dossiers sur la table du procureur, nous devons nous demander légitimement sur la base de quels critères le procureur traite les dossiers qui lui sont soumis. Est-ce que c'est sur une base équitable, impersonnelle ? C'est cela la question qui mérite d'être posée parce que nous, nous sommes pour la redevabilité pour que tout Sénégalais à qui sont confiées des charges publiques, puisse rendre compte.
Maintenant qu'il y a une procédure concernant un quelconque Sénégalais, il faudrait que les autorités judiciaires, le procureur notamment, puissent le faire sur une base impersonnelle, équitable, comme le dit la loi. Parce que le cas de Khalifa Sall nous amène à nous poser ces questions-là légitimement. On se demande légitimement si la démarche du procureur repose sur une base juste, équitable et impersonnelle. Aujourd'hui, si le président de la République a déposé tous les dossiers sur la table du procureur, il faut que celui-ci rassure les Sénégalais par qui il est payé. Il doit dire le droit. Il faut qu'il nous rassure sur sa démarche. Parce que le dossier qui fait polémique aujourd'hui, le cas Khalifa Sall, fait partie des derniers dossiers qui lui ont été transmis. Maintenant à quel rythme il traite les dossiers ? Sur la base de quels critères ? C'est la question que nous posons au procureur. Est-ce que nous avons un procureur ou un inquisiteur ? Traite-il les dossiers, selon leur ordre d'arrivée ? Qu'a-t-il fait des 9 dossiers de l'Ofnac qui sont dans ses tiroirs ? Et les autres rapports de l'IGE et des autres corps de contrôle que le chef de l'État dit avoir déposés, qu'en a-t-il fait ? Pourquoi a-t-il traité en priorité le dernier rapport de l'IGE? Pourquoi dans ce rapport, il a ciblé particulièrement le cas Khalifa Sall ? S'il est procureur, il doit pouvoir répondre à ça. S'il n'y répond pas, ça veut dire que c'est un inquisiteur et qu'il n'est pas procureur.
Malick Noel Seck, leader du Front National Du Salut Public/Mom Sa Rew : "Soit on poursuit tous ceux qui sont soupçonnés... soit on ne fait rien du tout"
On se souvient de l'interview du président où il disait qu'il y a beaucoup de gens qui se seraient retrouvés en prison s'il n'avait pas mis le coude sur leur dossier. Je crois que lui-même avait dit qu'il avait mis le coude sur beaucoup de dossiers et non sur un seul dossier. Partant de là, s'il dit aujourd'hui le contraire de ce qu'il a dit en premier lieu, on ne sait plus où se situe la vérité. C'est cette contradiction qui pose problème. Il jette le doute sur tout ce qu'il peut dire au delà de ça.
Si jamais les dossiers ont été transmis au procureur et que celui n'a rien fait, ça veut dire que la justice est carrément, même pas aux ordres, mais à la botte de l'Exécutif. Ça veut dire que la justice ne va rien faire qui va déranger l'Exécutif. On peut comprendre le système, tel qu'il est aujourd'hui, avec des dossiers qui passent par le président avant d'être transmis à la justice. Le président sert de filtre. Mais, si jamais il n'y a plus de filtre et que la justice s'auto-filtre ou choisit les dossiers sur lesquels il va s'engager ou pas, le problème est beaucoup plus grave qu'on le pense. Parce que nous sommes d'avis que la justice est instrumentalisée. Mais, si jamais aujourd'hui la justice s'instrumentalise d'elle-même, bonjour les dégâts.
Aujourd'hui, nous sommes pour que tous les hommes publics puissent rendre des comptes sur la gestion de nos deniers. Le fait que Khalifa Sall ait été entendu ne me dérange pas. Ce qui me dérange, c'est qu'il soit entendu et que d'autres, comme le patron du Coud, ou Awa "Coudou" Ndiaye ne soient pas inquiétés. Cela sous-entend une justice qui va à deux vitesses et cela n'est pas juste. C'est ce que nous condamnons. Soit on poursuit tous ceux qui sont soupçonnés et on essaie de faire la lumière sur la gestion de tous nos deniers, quels que soient ceux qui les ont gérés, soit on ne fait rien du tout.