L’OPPOSITION REFUSE LA MAIN TENDUE DE MACKY
La tension autour du projet de généralisation du système de parrainage à tous les candidats à l’élection présidentielle n’est pas partie pour baisser, en dépit de la disposition affichée par le régime à «dialoguer»
La tension autour du projet de généralisation du système de parrainage à tous les candidats à l’élection présidentielle n’est pas partie pour baisser, en dépit de la disposition affichée par le régime à «dialoguer» avec l’opposition en vue de revoir à la baisse le pourcentage de signatures de 1% de l’électorat. Interpellés hier, lundi 9 avril, dans la foulée du ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall qui avait esquissé les contours possibles d’un gentleman agreement sur le pourcentage de parrains, le Professeur Issa Sall, député et leader du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), Pape Médoune Sow, président des Cadres du Grand parti et Dr Cheikh Tidiane Seck, président de la Fédération nationale des cadres libéraux (Fncl) et membre du comité directeur du Pds, ont pratiquement réitéré la position de principe de leur formation politique. En rejetant sans fioritures la main tendue du chef de l’Etat qui serait disposé, selon certaines sources, à recevoir l’opposition pour une solution de sortie de crise.
PROFESSEUR ISSA SALL, DEPUTE ET LEADER DU PARTI DE L’UNITÉ ET DU RASSEMBLEMENT (PUR) : «Même avec deux signatures, nous ne sommes pas d’accord»
La diminution du nombre de signatures ne règle pas le parrainage. Nous demandons qu’il soit purement et simplement retiré pour les raisons suivantes : son inconstitutionnalité et sa faisabilité. Il n’y a pas d’arrangement que les gens peuvent faire car cette réforme est déjà anticonstitutionnelle. Si vous lisez l’article 103, il est mentionné que la forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du président de la République ne peuvent faire l’objet de révision. Alors que le fait de parler de parrainage entre dans le mode d’élection. Les gens sont en train de faire la distinction entre le mode d’élection et le scrutin, alors que c’est la même chose. C’est un tout parce que c’est un processus qui va des inscriptions au scrutin, même au-delà du scrutin, même du recours au niveau du Conseil constitutionnel. Rien que l’article 103 fait voir que cette mesure est anticonstitutionnelle. Donc, nous voulons qu’on le supprime tout simplement. Il n’y a pas à mettre 10% ou 20%. La Constitution dit que les candidats indépendants doivent être parrainés et les partis politiques ne doivent pas être parrainés. Ça, c’est la Constitution.
En plus, on ne peut pas attendre qu’on soit à quelques mois des élections pour tripatouiller la Constitution. Donc, pour nous, il s’agit de supprimer purement et simplement ce parrainage... Nous, ce que nous demandons, ce n’est pas une réduction des 1%, 2% ou la moitié ou encore 1/3 des signatures, mais simplement qu’on retire le parrainage pour la paix dans ce pays et qu’on aille aux élections. On aurait demandé à l’actuel chef de l’Etat cette affaire en 2012, mais il n’aurait même pas 5000 signatures. Donc, pourquoi veut-il demander 70000 signatures aux gens ? Ce n’est pas parce qu’il a peur d’être battu qu’il doit le faire. Il faut qu’on parte sur le même pied, nous tous, et que le meilleur gagne. De toutes les façons, le Bon Dieu, lui, il a déjà ses résultats. Il (Macky-ndlr) aurait mis 100 000 ou 200 000 signatures, les gens l’auront. Nous, on avait 155 000 voix aux législatives, on aurait pu redoubler d’effort et avoir même deux fois plus que ça. Mais, c’est une question de principe, c’est pourquoi même avec deux signatures, nous ne sommes pas d’accord.
PAPE MÉDOUNE SOW, PRÉSIDENT DES CADRES DU GRAND PARTI : «Au niveau du Grand parti, on n’est pas disposé à dialoguer…»
«Nous, au niveau du Grand parti, on n’est pas disposé à dialoguer dans l’application du parrainage tel qu’il est défini actuellement pour la prochaine élection présidentielle. Il n’en est pas question. Les gens ont déjà commencé à travailler leur stratégie pour cette prochaine présidentielle prévue dans dix mois et on ne peut pas accepter qu’on change de règles du jeu. Le régime en place avait toute la latitude de proposer ce changement, lors des réformes constitutionnelles de 2016. Il a préféré attendre après les législatives du 30 juillet dernier parce qu’il prévoyait d’inciter la multiplication des listes afin de remporter cette élection à un seul tour. Maintenant, comme on va vers une élection à deux tours, le régime veut maximiser ses chances en jouant sur le nombre de candidatures, à travers le système de parrainage.
L’opposition n’a jamais refusé de dialoguer avec qui que ce soit. Cependant, on voudrait que le dialogue soit sincère. Que les décisions qui vont être prises soient appliquées afin que ce ne soit pas la volonté d’une seule personne, en l’occurrence le président de la République qui impose ce qu’il veut aux autres. On a tous vu ce qui s’est passé lors des dernières concertations autour du processus électoral auxquelles nous n’avons pas pris part. Le président de la République a tranché en faveur du parrainage alors que tout le monde était contre ce parrainage, à part les représentants du pouvoir. On a également vu que le bulletin unique que tout le monde avait approuvé, sauf les représentants du pouvoir, a été mis de côté. Ensuite, ce qu’on est en train de faire implique un tripatouillage de la Constitution. Comment dans un environnement de suspicion par rapport à tout ce qui a été fait lors des dernières élections législatives, on veut se permettre encore une fois de plus de toucher la Constitution, à dix mois de l’élection présidentielle. Si vous regardez dans l’acte du projet de loi envoyé à l’Assemblée nationale même, il n’a pas fait état d’un dialogue. Est-ce qu’il ne fallait pas au préalable échanger sur ce texte avec toutes les parties prenantes du processus électoral avant de le soumettre à l’Assemblée nationale, vu que ce qu’ils (Macky Sall et ses alliés-ndlr) veulent modifier ne concerne pas le président de la République mais le candidat qui va à l’élection. Parce qu’en 2019, l’élection ne concernera pas le président de la République mais plutôt le président du parti au pouvoir.
Pis encore, dans le projet de loi envoyé à l’Assemblée nationale, on demande la signature d’un pourcentage du fichier électoral et, en même temps, on dit qu’une personne ne peut parrainer qu’un seul candidat. Sur le plan juridique, le parrainage n’est pas pris en charge par les articles 3 et 4 de la Constitution mais par l’article 29. Cela démontre que c’est une exception. Le régime en place veut prendre le parrainage qui est une exception au niveau de la Constitution pour en faire une règle générale.
DR CHEIKH TIDIANE SECK, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES CADRES LIBÉRAUX (FNCL) ET MEMBRE DU COMITÉ DIRECTEUR DU PDS : «Il n’est pas question pour nous de dialoguer sur le parrainage»
La position de principe du Parti démocratique sénégalais, c’est de rejeter tout ce qui est parrainage et tout ce qui est sorti des négociations autour du dialogue dit politique et de poser le débat sur le processus électoral dans son ensemble. Nous rejetons le parrainage, y compris le taux de 1% et même de 0.5%. Cela ne nous intéresse pas. Nous ne pouvons pas accepter qu’on tripatouille la Constitution à la veille de l’élection présidentielle. L’opposition, dans le cadre de l’Initiative pour des élections démocratiques (Ied), a adressé une correspondance au président de la République, il y a de cela six mois pour demander à le rencontrer autour de huit points mais le chef de l’Etat est resté silencieux et n’a pas, jusqu’à l’heure où je vous parle, voulu répondre à cette lettre.
Maintenant, s’il est dans les dispositions de rencontrer l’opposition, il sait comment faire pour y parvenir. Cependant, je précise seulement que nous, partis de l’opposition réunis autour de l’Ied, avons toujours été dans les dispositions pour discuter autour du processus électoral. Pour autant, il n’est pas question pour nous de dialoguer sur le parrainage. Nous rejetons tout simplement ce système, nous ne pouvons pas accepter qu’à la veille de l’élection présidentielle, on retouche les règles du jeu en apportant des modifications au Code électoral et à la Constitution sans qu’il ait au préalable un large consensus des acteurs. Nous sommes disposés à négocier avec le président de la République sur les huit points concernant le processus électoral mais pas sur le parrainage.