MACKY DOIT D’ABORD RÉORGANISER SON PARTI
Abdoulaye Ndiaye, député Apr à Grand-Yoff
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A Grand-Yoff, les responsables n’émettent plus sur la même longueur d’ondes. C’est l’avis du député Abdoulaye Ndiaye, qui prévient que ces divergences posent un «risque réel» sur la réélection du Président Macky Sall lors de la prochaine Présidentielle. Depuis l’Assemblée nationale où cet entretien est réalisé, le parlementaire appelle le chef de l’Apr à «d’abord réorganiser» le parti avant de penser à «élargir» la coalition Benno bokk yaakaar.
Quelle est la situation de l’Apr au niveau de votre commune Grand-Yoff ?
A dire vrai, retenons que le climat au sein du parti est délétère à Grand-Yoff. Et c’est la conséquence du comportement de certains responsables de la commune. Quoi qu’on puisse dire, je suis la mémoire vivante de l’Apr à Grand-Yoff parce que je fais partie des membres fondateurs de ce parti. En 2009, lors d’une rencontre avec le Président Macky Sall, je lui ai demandé de mettre en place un cadre de concertation appelé «Coordination provisoire». Je prends en témoin le ministre Mahmout Saleh.
Macky Sall, dans sa réponse, nous avait donné son feu vert et mon établissement privé faisait office de siège du parti à Grand-Yoff. De 2009 à 2012, nous avons déroulé un dispositif important de massification qui nous a permis de nous installer dans tous les quartiers phares de la commune. Il y avait une harmonie qui nous a permis de réaliser des performances lors de la Présidentielle de 2012.
Nous avons obtenu ces résultats face à des sommités de la scène politique comme Khalifa Sall et des dignitaires du parti au pouvoir de l’époque comme l’ancien ministre Babacar Ndaw. C’est par la suite qu’il y a eu des dissidences créées par un groupe qui a pensé autrement pour renforcer le parti.
A la vielle des Locales de 2014, le Premier ministre Mimi Touré est venu me voir dans l’optique de fédérer toutes les forces du parti. Nous avons réfléchi et j’avais donné mon accord. Malheureusement, à cause des dissidences, nous avons perdu et, jusqu’à maintenant, nous n’avons pas trouvé les causes de notre défaite. J’ai subi énormément de coups qui, finalement, ont desservi le parti.
Irez-vous jusqu’à quitter le parti au regard de vos frustrations ?
Je suis toujours dans le parti mais j’ai changé de paradigme. Premièrement, je suis du mouvement associatif. J’ai été président d’Asc pendant longtemps. J’ai eu à collaborer avec une Ong qui a renforcé mon capital-expérience et j’étais l’un des précurseurs du plan de développement de Grand-Yoff. Donc, je me suis dit pourquoi ne pas reprendre mon bâton de pèlerin pour m’investir dans les activités citoyennes.
Avec des amis, nous avons décidé de mettre en place une structure dénommée «Grand Yoff dou dess ganaw». C’est une plateforme citoyenne apolitique. C’est une manière de répondre à certaines préoccupations des populations. Cette commune dispose de ressources humaines de qualité. Mais elle n’a pas de cadre d’échange sur les problématiques de développement.
Nous avons déjà organisé une activité sur la sécurité et la deuxième portera sur une randonnée pédestre placée sous le thème de la mutuelle de santé. Dans les jours à venir, nous allons créer un grand cadre intitulé «Apr pratiquée autrement». C’est pour donner à tous ces frustrés la possibilité d’accompagner le Président Macky Sall.
Qui sont ces responsables de l’Apr qui ont provoqué ce climat délétère ?
Pour le moment, je préfère taire leur nom. Le moment venu, je le dirais.
Cheikh Bakhoum, qui vous a accusé d’avoir tripatouillé la liste de l’Apr lors des Locales à Grand-Yoff, en fait-il partie ?
Encore une fois, je préfère ne pas citer des noms. Mais j’attire l’attention de la direction de l’Apr. Je leur demande d’essayer de trouver le meilleur mécanisme pour mettre un terme à ces pratiques qui ne nous honorent pas.
Est-ce donc l’ex-Premier ministre Aminata Touré dont vous étiez très proche lors des Locales ?
Je ne peux pas en parler. En tout cas, j’ai subi des déceptions, des crocs-en-jambe.
Etes-vous toujours aussi proche de Mimi Touré ?
Ce que je peux vous dire, c’est que depuis le mois de Ramadan, je ne l’ai pas vue.
Pourquoi ?
Je vous le dirais plus tard.
Que pensez-vous de la sortie de Macky Sall qui a ordonné aux responsables de l’Apr de taire leurs querelles ?
Ce n’est pas un problème spécifique à Grand-Yoff ; il est global. Au début, notre seul objectif était de voir comment porter Macky Sall à la tête du pays. On s’est mobilisés pour atteindre ce but. On ne savait pas qui est qui ? On mutualisait nos efforts. Mais aujourd’hui que cet objectif est atteint, chacun tire de son côté. Moi, j’accuse la direction du parti qui a laissé faire.
Ce climat «délétère», comme vous le dites, ne risque-t-il pas de plomber les chances de votre leader d’avoir un second mandat ?
Absolument ! Si nous n’arrivons pas à trouver les vraies réponses, nous pouvons dire que le risque est réel, surtout à Grand-Yoff. Je crois qu’il y a urgence de revoir la situation et de trouver des solutions.
A l’occasion du 7ème anniversaire de l’Apr, le Président a indiqué qu’il a décidé d’élargir la coalition Benno bokk yaakaar à d’autres forces. Ne devrait-il pas régler d’abord la situation de son parti ?
Dans l’optique de l’obtention d’un second mandat, je le comprends. Mais, je lui demande d’abord de réorganiser son parti avant d’élargir la coalition Benno bokk yaakaar. Il faut essayer de voir pourquoi les choses ne fonctionnement plus ? C’est cela la grande question à laquelle il doit apporter des réponses.
Le président de l’Assemblée nationale a fustigé l’absentéisme des députés lors du vote du budget. Qu’en dites-vous ?
L’approche du président Niasse n’est pas bonne. Il est le président de cette institution et, par conséquent, sa parole est importante. Il devait réunir le Bureau et convoquer tous les députés pour poser le débat. On sait tous que le Président Macky Sall était à Touba. Donc, tous les députés responsables de l’Apr de la région sont allés l’accueillir. Il y avait des députés qui étaient malades et d’autres pour des raisons justifiées.
Les députés qui habitent dans les régions ont droit à 300 litres d’essence. Ils font deux voyages entre leurs localités et Dakar ; leur carburant est épuisé et ils vont payer de leurs propres poches. Si vous y ajoutez ceux de l’opposition qui ont boycotté les séances, vous aurez une Assemblée forcément clairsemée.
Maintenant, cela n’enlève en rien la pertinence du débat. Il faut qu’on trouve un moyen pour régler l’absentéisme des députés. Nous sommes payés à la fin de chaque mois pour faire notre travail. Il faut faire des ponctions sur les salaires des absents.
Pourtant, le Pr Pape Demba Sy affirme qu’il existe dans le Règlement intérieur des dispositions pour sanctionner les députés qui sont absents...
Qu’il nous le montre ! Je crois que le problème ne se situe pas là. On dit que les députés ne font rien. Pourtant, il y en a qui, quelle que soit la situation, sont toujours à l’Assemblée nationale. On doit récompenser le mérite. Ceux qui viennent régulièrement et ont une compétence avérée doivent être promus dans la répartition des postes de responsabilités.
Il y a des collègues qui sont découragés par cette situation et qui ne viennent plus. Les médias doivent faire des enquêtes sur ces députés qui font l’Assemblée buissonnière. Il y a des députés qui ne sont intéressés que par leur salaire de 1,3 million.
Récemment, des proches de Khalifa Sall ont accusé l’Apr d’avoir voulu faire capoter la réélection de ce dernier à la présidence de Cglua. Qu’en pensez-vous ?
Cela a été démenti par des voix autorisées de l’Apr. Il faut savoir que c’est de bonne guerre parce qu’il y a des proches de Khalifa Sall qui veulent que ce dernier soit candidat à la prochaine Présidentielle. Par conséquent, ils font dans la manipulation pour faire croire à l’opinion que l’Etat tente d’anéantir Khalifa.
Aujourd’hui, je voudrais travailler à rapprocher le Président Macky Sall et le maire de Dakar, Khalifa Sall. C’est possible. Si le Président me donne son feu vert, je pourrais entrer en contact avec Khalifa. Malheureusement au Sénégal, on aime plus diviser que de réunir.
Votre projet n’est-il pas voué à l’échec avec les divergences nées entre l’Etat et Khalifa Sall sur l’emprunt obligataire, l’Acte 3, la gestion des ordures... ?
C’était juste un problème de communication. Mais je vous assure que je peux réunir autour d’une table le maire Khalifa Sall et le Président Macky Sall.