MACKY EST AU CŒUR DE CE QU'IL DÉNONCE
On assiste aujourd’hui au Sénégal à des recasements publics et internes d’agents non assermentés dans la fonction publique. Ce qui décrédibilise de plus en plus l’administration. Le chef de l’Etat, qui en a fait le constat, serait complice de la situation
Au Sénégal, on assiste aujourd’hui à des «recasements publics et internes» d’agents non assermentés dans la Fonction publique. Ce qui décrédibilise de plus en plus l’administration. Le chef de l’Etat, qui en a fait l’aveu, serait un complice de cette situation, selon des syndicalistes d’enseignants qui proposent la restructuration des recrutements sur la base de dossiers.
L’administration aurait toujours été un appendice de protection contre les prédateurs et autres magouilleurs qui mettent à genou ou carrément à terre des structures et autres entreprises en très peu de temps. C’était une administration de qualité suivant les règles de l’art. Mais aujourd’hui, elle est truffée d’agents non assermentés recasés par des personnalités haut placées. Beaucoup n’ont pas les qualifications pour exécuter les tâches pour lesquelles ils sont recrutés. «On recrute quelqu’un qui a un bac plus 2, qui perçoit un salaire qui fait 5 fois celui de l’enseignant. Ce sont des personnes qui n’ont pas les profils requis pour être recrutées, mais que l’on recrute sur des bases politiciennes, de clientélisme et de népotisme. Dans la fonction publique, pour occuper certains postes, il faut être un fonctionnaire de la hiérarchie A. Mais les autorités contournent les règles par des contrats spéciaux.
La masse salariale est bouffée par ces agents et des institutions comme le CESE. On utilise des moyens de contournements, et c’est ce qui est à l’origine de ces dérives», estime Ndongo Sarr du Cadre unitaire des syndicats de l’enseignement moyen et secondaire du Sénégal (Cusems). «Le plus souvent, ce sont les neveux, les nièces, les amis des directeurs qui constituent cette pléthore de personnels qui ne savent pas faire ce qui les attend comme tâches dans l’administration, et qui sont là à consommer le budget de l’Etat. Ce ne sont pas que des taupes, mais ce sont aussi des gens placés par des hauts gradés. C’est pourquoi, aussi, il n’y a pas de secret professionnel dans certaines structures étatiques», enfonce son collègue Dr Modou Ngom qui s’indigne surtout des «recasements internes». «Parfois, quand il y a un poste vacant, au lieu de faire un appel à candidatures pour des agents assermentés, les responsables demandent aux collaborateurs d’aller faire une formation payante de master par exemple et de revenir pour ledit poste. C’est comme ça qu’on engouffre les gens dans les postes de directions et c’est scandaleux !» estime-t-il.
Des critères de recrutement qui laissent à désirer
En effet, les critères de recrutement dans la Fonction publique laissent à désirer, et permettent le recrutement de personnes non qualifiées qui touchent des salaires sans aucun rapport avec leurs qualifications. C’est le chef de l’Etat, lui-même, qui dénonce les recrutements anarchiques et clientélistes. Il estime qu’ils devraient être bannis de l’administration afin de maintenir la qualité dans les structures publiques et préserver le budget de l’Etat. Un aveu d’échec, selon des syndicalistes d’enseignants comme le secrétaire général du Cusems Authentique, Dame Mbodj, qui considère que le président de la République est «au cœur de ce qu’il dénonce» car c’est lui qui nomme aux emplois civils et militaires. Dame Mbodj assène ses vérités. «Il doit être au courant de tout et bien informé. Cet effet de surprise dénote qu’il n’est pas à la hauteur», a-t-il martelé.
«C’est lui qui a nommé le ministre de la Fonction publique. Cela veut dire que les critères ne sont plus respectés. Il l’avoue, c’est parce qu’il y a catastrophe, des failles et des agents du ministère des Affaires étrangères ont été épinglés et des députés à l’Assemblée nationale incriminés dans le trafic de passeports diplomatiques», rappelle pour sa part Tamsir Bakhoum alias Ngoloum du Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal (Saemss) qui dénonce cette «mauvaise politique de l’Etat» et demande au président Sall de «revoir son entourage». Selon lui, le chef de l’Etat doit surtout ordonner que les recrutements dans la Fonction publique se fassent conformément aux principes administratifs. Ce pour donner la chance à tout le monde et recruter sur la base de dossiers et non de clientélisme.
Docteur Modou Ngom, chargé de la formation au Cusems, plaide lui aussi pour le recrutement sur dossiers en mettant en place un comité dans lequel les membres pourraient mesurer le travail à abattre par des personnes qualifiées à proposer à l’autorité pour nommer le meilleur profil. « Autrement dit, il faut des candidatures publiques avec des comités indépendants qui trient les dossiers, classent les candidats les plus méritants qu’ils proposent à l’autorité qui va se charger du recrutement. Il faudrait aussi qu’on remette un cahier des charges aux nouvelles recrues pour leur signifier clairement que, si elles ne travaillent pas, elles seront remerciées. C’est comme ça qu’on doit restructurer les recrutements. Si on fait recours à cette méthode, le Sénégal va décoller.
Aussi, si les Sénégalais savaient que le directeur ne peut recruter personne dans sa famille, que tout se fait sur la base de qualifications, alors ils allaient arrêter de mettre la pression sur certains directeurs membres de leurs familles», propose notre interlocuteur. Pour lui, il faut instaurer impérativement des concours et d’autres types de recrutement basés sur des dossiers et des appels à candidatures...