MACKY, LE SUSPENSE JUSQU’AU BOUT
C’est toujours le suspense autour de la désignation du candidat du pouvoir pour la présidentielle. Quoique cela puisse lui coûter, le chef de l’Etat reste fidèle à son principe consistant à prendre tout son temps pour trancher une décision importante
A six mois de l’élection présidentielle, la coalition Benno Bokk yaakaar (BBy) ne connaît toujours pas son candidat. Le choix du bon profil a été confié au Président Macky Sall. Mais pour qui connaît le chef de l’Etat, il prend tout son temps avant de prendre des décisions. une telle attitude « lassante ou ennuyante », est devenue une coutume chez le président de la république.
Agir lentement mais sûrement !» Telle est la méthode politique de Macky Sall jugée souvent agaçante. Il n’est apparemment pas prêt à changer d’attitude. La preuve, c’est toujours le suspense autour de la désignation du candidat du pouvoir pour la prochaine élection présidentielle du 25 février 2024. Quoique cela puisse lui coûter, le chef de l’Etat reste fidèle à son principe consistant à prendre tout son temps quand il s’agit de prendre une décision importante.
Conséquence : cela laisse transparaître de grandes divisions au sein de la mouvance présidentielle. En attendant que Macky Sall se départisse de son impérieuse tâche consistant à désigner un candidat pour la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), certains de ses partisans, gagnés par l’impatience, n’hésitent pas à pousser le bouchon trop loin en lançant ouvertement une propagande pour vendre leur profil. Très discret jusque-là, quelqu’un comme l’ancien Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne a indiqué publiquement à travers ses comptes de réseaux sociaux qu’il présente le meilleur profil pour la coalition présidentielle. Il a caché son jeu jusque-là avant de court-circuiter les autres protagonistes en l’occurrence Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, Aly Ngouille Ndiaye, etc. Cette offensive risque ainsi d’enclencher une «guerre» de positionnement et de marketing politique qui risque de laisser des séquelles. Il est évident que cela ne peut nullement être favorable à BBY. A l’heure qu’il est, la coalition devait dépasser ce débat et être portée sur le travail et la vision à vendre aux Sénégalais en 2024.
Mieux encore, à six mois de la compétition électorale, elle devrait travailler à rassembler son appareil politique autour de son candidat, surtout les candidats à la candidature déchus ainsi que les militants et autres sympathisants réticents. Que nenni ! Et tout cela est dû à la méthode Macky Sall. Certes, cela lui a été favorable à plusieurs reprises ; mais les dernières élections législatives devraient l’alerter et lui permettre de relativiser son principe. Le Président Sall avait décidé de sortir à la dernière minute les listes de BBY avec comme conséquence des erreurs sur la liste suppléante nationale. Même si celles-ci n’ont pas été fatales, le fait d’attendre au dernier moment pour publier les listes ne permet pas aux leaders désignés têtes de file de se préparer suffisamment. Aussi, cela ne permet pas au chef de l’Etat de pouvoir gérer à temps certaines crises et certaines frustrations dans un contexte de montée en puissance de l’opposition. A la fin, la coalition présidentielle avait gagné par un score étriqué. N'eût été le ralliement de Pape Diop de Bokk Gis Gis qui a joué un sale coup à l’opposition, il y aurait eu une cohabitation à l’Assemblée nationale
Le choix du président de l’Assemblée nationale a été également fait à la dernière minute. Le chef de l’Etat a surpris tout le monde y compris ses partisans en imposant Amadou Mame Diop. Macky Sall n’avait pas hésité d’ailleurs à mettre ses députés sous surveillance jusqu’au vote final. Ils ont tous été réunis dans un hôtel à Saly où ils ont quitté pour rejoindre l’hémicycle. C’est une fois dans l’enceinte du Parlement qu’ils ont découvert tous le nom de celui qui allait occuper le perchoir.
RENONCIATION A UNE TROISIEME CANDIDATURE, REDUCTION MANDAT, FORMATION D’UN NOUVEAU GOUVERNEMENT…
Macky Sall est à vrai dire un habitué de la prise de décision de dernière minute. On se rappelle en 2019, il avait surpris plus d’un en annonçant la suppression du poste de Premier ministre à l’issue de sa victoire au scrutin présidentiel. Par la suite, il a tardé à publier la liste de la nouvelle équipe qui devrait travailler avec lui en tant que nouveau chef du gouvernement. Il a fallu deux mois (dimanche 7 avril 2019) avant qu’il ne publie la liste de la nouvelle équipe qu’il a qualifiée de «gouvernement de combat». Après la restauration du poste de Premier ministre en décembre 2021, le chef de l’Etat a attendu neuf mois, le 17 septembre 2022, pour procéder à la nomination du Premier ministre et à la formation du nouveau gouvernement sous la tutelle d’Amadou Ba. Un autre fait qui conforte l’idée selon laquelle Macky Sall est un homme qui n’agit qu’à la dernière minute, c’est sa décision de renoncer à une troisième candidature pour un mandat présidentiel. Il a attendu le 3 juillet, à sept mois de la présidentielle, pour dire publiquement qu’il serait out pour cette échéance alors qu’une bonne partie de ses partisans se préparait à soutenir sa candidature. Ils disaient urbi et orbi qu’ils avaient un seul et unique candidat, en l’occurrence Macky Sall.
En renonçant à une troisième candidature pour la Présidentielle de 2024, Macky Sall a évité au Sénégal la tragédie des mandats de trop. Malgré toutes les agitations et pressions exercées sur lui, il est allé jusqu’au bout de sa logique en refusant de se prononcer sur sa candidature jusqu’à sept mois de la Présidentielle. Macky Sall a cependant maintenu le flou pendant quatre ans en ayant comme principal argumentaire ceci : «On m’a donné un mandat et je suis en train de l’exécuter. Si je dis que je ne suis pas candidat, personne ne se mettra au travail dans mon gouvernement. Qu’on le dise ou pas, chacun va essayer de se positionner. Et les gens ne travailleront pas durant les cinq ans. Je ne vois pas d’intérêt à en parler. Si je dis que je suis candidat, il y aura des marches tous les jours. Et pour le moment, je préfère ne pas en parler car cette question n'est pas à l'ordre du jour. Au moment opportun, je vais me prononcer. » Un dernier fait qui atteste cette tendance de Macky Sall à traîner dans ses prises de décision, c’est sa promesse de campagne en 2012 de réduire son mandat de 7 à 5 ans. Il avait finalement attendu quatre ans après son élection, en 2016, pour se prononcer. Il s’était ainsi engouffré dans la brèche qui lui avait été offerte par le Conseil constitutionnel qu’il avait sollicité pour un avis et qui lui avait dit clairement qu’il ne pouvait pas réduire son mandat en cours.