«MACKY SALL MONTRE DES SIGNES DE VULNERABILITE QUI FONT PEUR»
Jean Charles Biagui, enseignant-chercheur en Sciences politiques à l'Ucad, décèle des signes de «vulnérabilité» et de «faiblesse» dans la communication du chef de l'État, à l'aune de l'affaire Petrotim qui secoue le pays
En pleine crise causée par le scandale autour des contrats pétroliers et gaziers impliquant son frère Aliou Sall, le chef de l’Etat, Macky Sall procède à un remaniement de son staff de communication, mais aussi à la restructuration de son parti au niveau des femmes et des jeunes. Un réaménagement qui semble inquiéter l’Enseignant-chercheur en Science politique à la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Ucad, Jean Charles Biagui qui y décèle des signes de «vulnérabilité» et de «faiblesse» de sa communication. Le Professeur propose à la place une reprise en main des choses par des actes forts, tel qu’un discours à la Nation, une dissolution du gouvernement et éventuellement une mise en place d’une commission indépendante d’enquête.
«Les remaniements récemment observés au sein du cabinet présidentiel ne font que confirmer les faiblesses considérables de la communication gouvernementale en même temps qu’ils révèlent une importante cacophonie au sommet de l’Etat. Ce dernier semble incapable de mettre au point une stratégie adéquate de gestion de crise. En restructurant son pôle de communication après tant de fautes graves, le pouvoir perd ainsi la bataille de l’opinion. Il montre par ailleurs des signes de vulnérabilité qui font peur. Les tenants du pouvoir sont en train de donner une image peu reluisante de la classe politique dirigeante. Plus précisément, ils donnent le sentiment que nos gouvernants ont des cabinets qui ne comprennent pas les logiques de la communication politique au 21ième siècle ».
FAIRE TRES VITE PROFIL BAS QUAND LES FAITS SONT ELOQUENTS
« Il ne faut jamais donner l’impression qu’on est en position de faiblesse mais il faut faire très vite profil bas lorsque les faits sont probants. Le moment de la communication ne doit jamais vous être imposé par les évènements ou par un quelconque acteur. Il doit résulter d’une stratégie bien définie, coordonnée et dont les finalités sont bien pensées. Comment un gouvernement peut-il confondre information et communication; communication politique classique et communication de crise? A quoi cela sert-il de démissionner maintenant (je parle de Aliou Sall) et de remanier ses «Hommes de communication» lorsque les évènements et les faits ont depuis le début montré une culpabilité presque certaine? »
INCOMPREHENSION DES ENJEUX DE LA CRISE
«En observant les changements opérés au niveau de la structure de communication du président, nous constatons que malheureusement, le pouvoir n’a pas compris les enjeux de la crise. Il semble privilégier des personnalités rodées aux invectives, aux justifications forcées. Bref, à la politique politicienne à la sénégalaise. On met ainsi en avant des personnalités qui utilisent la mauvaise rhétorique, c’est-à-dire cette façon de s’exprimer en tenant exclusivement compte de l’efficacité et en tordant le cou à la logique et à l’éthique. Il est clair qu’il n’est pas facile de convaincre dans cette perspective. Le président Macky Sall et son gouvernement sont donc peu convaincants. Le président de la République devrait d’ailleurs reprendre la main. Au lieu de faire des réaménagements sans issue politique à long terme, il devrait plutôt s’adresser de manière solennelle à la Nation, annoncer la dissolution du gouvernement, mettre à la disposition de la justice toutes les personnes citées dans le “Aliousallgate” et créer une commission indépendante d’enquête».