NE PAS VOTER C’EST VOTER
Une seule posture s’impose : refuser de choisir entre la peste du "oui" et le choléra du "non". Ce mot d’ordre a tout son sens face au référendum
Il faut faire la genèse du référendum pour s’apercevoir qu’il s’agit d’une mascarade orchestrée par le Président Maky Sall que les partis, personnalités politiques individuelles et mouvements dits de la «société civile» coalisés pour le «non» souhaitent sanctionner pour leur profit.
Faut-il rappeler que tout est parti de la charte de bonne gouvernance démocratique proposée par les Assisses nationales en 2009 ?
On se souvient que Maky Sall alors président de l’Alliance pour la République (APR) nouvellement créée, bien que se déclarant membre de l’opposition, se garda d’y participer ou même d’apporter sa caution aux organisateurs.
C’est seulement après le premier tour de l’élection présidentielle de 2012 qui lui avait attribué 26,58% des suffrages contre 34,8% au Président Abdoulaye Wade qu’il apposa sa signature à la Charte intégrant ainsi la coalition de l’opposition Benno siggil senegaal.
Il prendra d’ailleurs ses distances d’avec les recommandations contenues dans ce document dès après son élection.
Ainsi répondant à Monsieur Talla Sylla qui s’étonnait qu’il n’ait pris aucune initiative pour mettre en œuvre la charte de la bonne gouvernance, plus d’un an après son élection, le Président Macky Sall déclarera ceci : «J’ai un programme dénommé ‘’Yoonu yokkuté’’ et c’est ce programme qu’on a élu pour le deuxième tour. Maintenant comme j’ai signé la charte des Assises nationales, j’ai dit que nous allons fortement nous inspirer des conclusions de ces Assises nationales. Cela est clair, à ce que je sache.»
Il avait déjà du reste porté un coup de canif à la charte de bonne gouvernance en revenant dès les premiers mois de sa présidence sur la suppression du Sénat, recommandation centrale dans le réarrangement institutionnel préconisé par les Assisses nationales.
Dès que la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) fut finalement instituée sous la présidence de l’ancien président des Assises nationales, le professeur Amadou Makhtar Mbow, une campagne de désinformation fut lancée. Il s’agissait d’accroitre l’idée que le Président n’était pas tenu par sa signature parce qu’il aurait été abusé et qu’il aurait d’ailleurs émis des réserves.
Il s’agissait ainsi de justifier l’intention du président de la République de prendre des recommandations de la CNRI ce qui lui conviendrait.
Le président de la République pu ainsi prétendre qu’il n’avait jamais donné son adhésion ni à l’instauration d’un régime parlementaire ni à la réduction du mandat présidentiel à cinq ans avec effet immédiat.
Son parti se répandra ensuite dans les médias pour faire croire, ainsi que Monsieur Cheikh Oumar Hanne, cadre de l’APR et maire de Ndioum le soutiendra, que «Macky Sall a signé de bonne foi mais il a été abusé…».
Monsieur Mamadou Lamine Loum, cheville ouvrière des Assises nationales et vice-président de la CNRI dû alors faire cette mise au point cinglante : «Personne n’a signé la charte de bonne gouvernance avec des réserves. Je le dis car j’étais là.»
Toujours est-il qu’on a rejeté du rapport de la CNRI toutes les propositions introduisant de véritables réformes structurantes. Il s’agit notamment de la proposition interdisant au président de la République d’être en même temps membre dirigeant d’un parti politique ou d’une association nationale. De celle instaurant une démocratie participative permettant l’initiative législative ou référendaire du peuple. De celle consacrant l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature par rapport au président de la République. De la constitutionnalisation du droit d’accès à l’information administrative et de la protection des données personnelles. De celle relative au principe d’une assistance de l’Etat aux communautés religieuses, de manière transparente et sans discrimination et de celle recommandant la traduction et la large diffusion de la Constitution en langues nationales.
Ainsi donc ce référendum n’a pas seulement pour objet de faire accepter au peuple sénégalais l’institution effective du quinquennat mais après le premier mandat de sept ans de l’actuel locataire du palais de l’Avenue Léopold Sédar Senghor.
Il s’agit surtout d’obtenir l’aval du peuple pour enterrer définitivement un projet de réforme des institutions qui a été nourri par des milliers de Sénégalais à l’occasion des Assises nationales et qui aurait instauré une gouvernance véritablement démocratique et populaire dans ce pays. Projet de réformes auquel Macky Sall avait donné son adhésion pleine et entière en signant la charte de la bonne gouvernance, ce qui lui avait valu le vote de bien de Sénégalais.
Voter «non», donc ? Il faut d’abord regarder ceux qui appellent à ce vote. Cette coalition hétéroclite est, il faut bien le reconnaitre, sous la coupe et la direction du Parti démocratique sénégalais (PDS) et de son bras armé, le Front patriotique pour la défense de la République (FPDR).
Le Rewmi d’Idrissa Seck, Bok gis gis de Pape Diop et l’Union des centristes du Sénégal d’Abdoulaye Baldé se retrouvent aussi dans cette coalition derrière la casaque bleue. De même que And Jef tendance Decroix et le Grand Parti de Malick Gackou.
Pour cette coalition le referendum constitue clairement le match revanche des élections de 2012. Pour qui en doute, il suffit d’écouter le discours de campagne de ses différents membres. Il s’agit d’écourter le mandat du Président de la République, de libérer Karim Wade et de restaurer le Sopi dans toute sa splendeur d’antan.
Pour d’autres coalisés du «non» comme Idrissa Seck, Gackou ou certaines figures de la «société civile», Souleymane Ndéné Ndiaye, les transfuges du PS que sont Madame Aïssata Tall Sall et Khalifa Sall, les professeurs Malick Ndiaye, Amsata Sow Sidibé et Abdoul Mbaye, il s’agit plutôt de se positionner soi-même en vue de la prochaine présidentielle.
C’est pourquoi il est incompréhensible que d’authentiques mouvements de la société civile tels Y’en a marre, le M23, la Raddho et des partis de gauche, le RND, Taxaw Tem, notamment, se retrouvent dans cette coalition du «non».
Si ce dimanche le «non» l’emportait, ils auront servi de soutiers à la restauration libérale après avoir servi de marchepied à celui qui aura enterré les Assises nationales.
Il ne s’agit pas bien évidemment de s’allier au camp du «oui», ce panier à crabes contenant ce qui reste de Bennoo bokk yaakaar c’est-à-dire cette armée sans état-major qu’est devenue l’Alliance des forces de Progrès de Moustapha Niasse, ce lambeau du Parti socialiste autour d’Ousmane Tanor Dieng, l’état-major sans troupes du PIT, cette LD qui a perdu ses repères et cette coquille vide qu’est devenue And Jef/Pads de Landing Savané.
La coalition du «oui» est d’autant moins attirante qu’elle s’est attifée des barons d’hier comme Habib Thiam et de tous les transhumants de la dernière heure, de Djibo Ka à Me Ousmane Séye en passant par Abdourahim Agne.
En réalité une seule posture s’impose : refuser de choisir entre la peste du «oui» et le choléra du «non». «Ne pas voter, c’est voter», disait déjà Cheikh Anta Diop. Ce mot d’ordre a tout son sens face au référendum.