NON, SONKO N'A PAS REÇU 195 MILLES DOLLARS DE LA PART D'UNE COMPAGNIE PÉTROLIÈRE
De nombreux médias sénégalais ont affirmé que le candidat à l’élection présidentielle Ousmane Sonko avait reçu 195 000 dollars de la part d’une société pétrolière britannique - Cette affirmation ne repose que sur des faux grossiers
Ousmane Sonko, candidat à la présidentielle sénégalaise engagé contre la corruption, aurait-il bénéficié des largesses d’une société pétrolière britannique ? C’est en tout cas ce qu’affirment de nombreux sites sénégalais. “La compagnie pétrolière Tullow Oil, légalement écartée de l’exploitation des ressources pétro-gazières découvertes au Sénégal, s’engage à apporter un soutien financier massif et discret, estimé à 195 000 dollars, à Ousmane Sonko”, lit-on dans un article du site DakarActu daté du 10 janvier - et depuis très partagé sur les réseaux sociaux.
“En outre de solliciter sa filiale du Ghana pour financer l’opération, la très lointaine Afrique du Sud était choisie pour abriter les pourparlers secrets entre Sonko, décrit par Tullow comme « un jeune leader émergent » et des dirigeants du major britannique”, affirme Dakaractu en évoquant des “documents confidentiels” prouvant ces affirmations.
D’où provient cette information ?
A l’origine de cette rumeur, un article publié dans la rubrique “opinion” du site d’information ghanéen Modern Ghana le 9 janvier. “Un jeune prodige de la vie politique sénégalaise, Ousmane Sonko, a déjà bénéficié de financements de la part d’une grande compagnie pétrolière européenne afin d’assurer sa victoire aux élections, pour qu’il puisse, en retour, proposer à cette compagnie d’avantageux contrats pétroliers”, lit-on.
L’article a depuis été supprimé, mais il est toujours visible sur le site Webarchive. Contactée, la rédaction de Modern Ghana n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP. Dès le 10 janvier, il a été repris par de très nombreux médias au Sénégal. “L’Observateur”, quotidien sénégalais, a consacré le 11 janvier sa une à “l’affaire Sonko”. Le journal dévoile deux documents présentés comme des preuves des versements d’argent à M. Sonko, dont l’AFP a pu se procurer une copie.
Plusieurs détails nous font douter de l’authenticité de ce document : des fautes d’orthographe, un faible niveau de langue, l’absence de cachet ou de signature officielle. Contacté par l’AFP, George Cazenove, directeur de la communication de la compagnie Tullow, confirme que ce document est un faux grossier. “La compagnie Tullow n’a jamais versé d’argent à Ousmane Sonko. Les documents circulant au Sénégal sont contrefaits. Ils n’ont pas été signés, n’ont pas l’en-tête de Tullow et sont rédigés dans un anglais extrêmement sommaire”.
Contacté par l’AFP, El Hadj Malick Ndiaye, secrétaire national à la communication du parti d’Ousmane Sonko, a lui aussi démenti cette information. “M. Sonko n’a jamais reçu d’argent de la part de cette société, ce sont des fake news”.
La journaliste à l’origine de l’affaire existe-t-elle vraiment ?
Nombre d’internautes ont, très vite, émis des doutes sur l’existence de la journaliste à l’origine de cette information, Michelle Damsen. Une recherche approfondie sur différents moteurs de recherches, français ou étrangers, ne donne aucune occurrence d’une journaliste portant ce nom.
Une journaliste britannique nommée Michelle Madsen, qui se présente comme “poète, écrivain, journaliste et activiste”, a été interpellée par des internautes sénégalais. "Je ne suis pas l’auteur de cet article”,a-t-elle affirmé sur Facebook. “Mais c’est une bien étrange coïncidence que le nom de l’auteur de cet article soit si proche du mien - Modern Ghana est-elle une publication fiable ?”. Contactée par l’AFP, Michelle Madsen a confirmé qu’elle n’avait jamais écrit cet article. “C’est très étrange. Je n’ai rien à voir avec cette histoire. Cela ressemble à une campagne de dénigrement massive”, a-t-elle ajouté.
Le site sénégalais Senenews, connu pour diffuser de nombreuses fausses informations, a publié un article prétendant dévoiler une photographie de Michelle Damsen. Une simple recherche inversée permet de constater qu’il ne s’agit pas d’une journaliste anglaise, mais… de la chanteuse belge Lara Fabian.