OUMAR SARR NE POURRA JAMAIS ÊTRE REMPLACÉ
Lamine Bâ, porte-parole adjoint du secrétaire général du Pds
Le porte-parole adjoint du secrétaire général du Parti démocratique sénégalais estime que le Président Macky Sall doit respecter sa parole en réduisant son mandat de sept à cinq ans. Lamine Bâ dénonce l’emprisonnement de son frère de parti, Oumar Sarr, qui d’ailleurs ne pourra jamais être remplacé. Même si d’autres comme Cheikh Tidiane Sy peuvent gérer les réunions et encadrer les militants et responsables libéraux.
Quel commentaire faites-vous de cette controverse autour de la réduction du mandat présidentiel ?
Je n’ai pas de problème particulier par rapport à cette question. Mon seul souci, c’est le respect du calendrier républicain qui est un principe sacro-saint dans une démocratie. Le candidat Macky Sall avait fait la promesse, devant le Peuple sénégalais, de réduire son mandat de sept à cinq ans une fois élu. Et tout le monde attendait de lui qui chantait tant la bonne gouvernance, la gestion sobre et vertueuse, qu’il puisse faire respecter sa parole de la manière la plus profitable pour l’économie et la démocratie du pays.
Malheureusement, trois ans après, nous sommes toujours dans l’incertitude, voire l’angoisse républicaine. Je le dis parce que l’article 27 de la Constitution dit que «le mandat dure sept ans et il est renouvelable une seule fois». Cette disposition étant claire, on aurait quand même, peut-être, pu faire l’économie de tout ce débat inutile, toute cette gymnastique, tout ce gâchis économique auquel nous allons assister dans les prochains jours.
La volonté du Président de réduire son mandat en passant par un référendum est devenu aujourd’hui, non pas un référendum sur la durée, mais une révision constitutionnelle. Donc, il met la question dans son projet de révision constitutionnelle.
D’ailleurs, le référendum est-il la voie la plus appropriée pour réduire le mandat du président de la République ? N’y a-t-il pas d’autres moyens, leviers, ou mécanismes juridico-politiques qui pourraient permettre au Président de le faire en épargnant au Sénégal des milliards qui auraient pu, peut-être, servir à payer les enseignants, à construire des hôpitaux, etc. ?
Concrètement, quelle voie préférez-vous ?
Vous savez, la Constitution prévoit des dispositions très claires. Et comme cela relève d’un engagement personnel du Président Macky Sall, qu’est-ce qui l’empêche de démissionner ? Il a la majorité, il met en œuvre des politiques qu’il dit être les bonnes et les meilleures pour les populations. Dans certaines démocraties, on organise des élections anticipées, à plus forte raison de vouloir faire respecter sa parole. Il peut le faire et retourner conquérir le suffrage des Sénégalais.
Donc, je pense que s’il veut le faire, il peut ouvrir des consultations, recevoir les plus grands juristes constitutionnalistes de ce pays. De ce point de vue, il trouvera la bonne solution. Il est avec des gens qui s’étaient réunis dans le cadre des Assises nationales et qui avaient retenu un certain nombre de ruptures comme le régime parlementaire, le non cumul de la charge de président de la République et de chef parti, une Cour à la place d’un Conseil constitutionnel, etc.
Le Président Macky Sall a-t-il dit non aux conclusions des Assises ? Quelle est la position des «Assisards» par rapport à ce nouveau comportement du Président qui a pourtant signé la Charte des Assises sans réserve. Bref, il y a toute une série de problématiques cachées sur lesquelles nous n’avons pas encore de réponses.
Dans son message à la Nation, le Président a annoncé 15 points dont le renforcement du statut de l’opposition. Etes-vous en phase avec lui sur cette question ?
Nous ne lui demandons pas un nouveau statut. D’abord, il s’agit pour nous de faire respecter ce que la Constitution prévoit dans notre pays, c’est-à-dire un statut pour l’opposition. On a même voulu mettre cela en œuvre au temps de Wade. Et je dois rappeler qu’il y avait le conflit entre le Parti socialiste et l’Afp sur la représentativité de l’opposition.
Donc, il n’y a rien de nouveau. Le président de la République a-t-il une fois associé l’opposition sénégalaise qui n’est pas sortie dans la rue pour faire comme eux avant 2012, dans ses consultations ? Qu’est-ce qu’il a fait pour nous et avec nous pour conforter ce que la loi nous donne ? Nos droits sont ballonnés dans ce pays, nous n’avons droit ni à la manifestation ni à la marche. Celui qui vous prive de vos droits, s’il vous promet la lune, allez-vous le croire ? Non !
Que pensez-vous de l’emprisonnement de Oumar Sarr dans le cadre de l’affaire Lamine Diack ?
Je vis l’emprisonnement de Oumar Sarr comme une expression du recul démocratique dans notre pays. Nous sommes arrivés à une situation très grave. Oumar Sarr est un député qui jouit d’une immunité parlementaire. Et nous savons tous le régime juridique alloué à cette immunité. On outrepasse tout cela en le prenant en pleine session. Il n’a fait que reprendre des propos publiés dans le journal Le Monde, c’est-à-dire que «Lamine Diack a pris de l’argent sale pour venir renverser le régime du Président Abdoulaye Wade».
Il n’y a pas plus grave que ces propos. On ne dit rien et on vient le prendre. Oumar Sarr, un chef de parti, est envoyé en prison pour avoir dit ce qu’il pense des aveux de Lamine Diack. Tout cela prouve que le Président Macky Sall, qui avait dit depuis Kaffrine qu’il allait «réduire l’opposition à sa plus simple expression», est dans son rôle.
Son objectif, c’est de mettre en prison tous les dignitaires du Pds, son candidat Karim Wade, Toussaint Manga, patron des jeunes du parti, Victor Sadio Diouf, leader du Meel, Amina Nguirane qui vient d’être élargie, Abdoul Aziz Diop, patron des cadres, etc.
Et jamais dans l’histoire politique du Sénégal vous pourrez identifier une époque, une période, où un seul parti de ce pays a subi autant de brimades et d’acharnement sur ses dignitaires. Malgré tout, nous essayons de résister.
Cheikh Tidiane Sy a été choisi pour assurer l’intérim de Oumar Sarr à la tête du Pds. Est-il l’homme qu’il faut ?
Ecoutez, vous verrez demain d’autres Cheikh Tidiane Sy. Ceux qui sont dehors ne connaissent pas le fonctionnement du Parti démocratique sénégalais. Oumar Sarr n’est pas remplacé parce qu’il ne pourra jamais être remplacé. C’était lui qui coordonnait les activités du parti jusqu’au moment de son arrestation.
Et c’est par la suite que nous avons choisi Cheikh Tidiane Sy. Nous sommes le premier parti de l’opposition au Sénégal. Donc, nous devons disposer d’une bonne direction capable de porter le combat et de nous mener vers les objectifs que nous nous sommes fixé.
Sous ce rapport, Oumar Sarr a joué pleinement son rôle. Cheikh Tidiane Sy, c’est l’une des plus grandes personnalités du parti. Et il y en a d’autres qui ne sont pas tentées par être devant ou diriger. De part leurs expériences, c’est tout à fait normal qu’on puisse faire appelle à eux pour qu’ils viennent assurer la présidence de nos réunions, nous aider et nous encadrer.
Pourquoi dites-vous que Oumar Sarr est irremplaçable ?
Parce qu’il a joué pleinement son rôle. Et c’était plus dur qu’aujourd’hui. Nous avons vécu trois ans pendant lesquels le parti a fait face aux premières années de la seconde alternance qui ont été marquées par des conférences de presse du procureur de la République qui avait listé des gens du Pds dans le cadre de la traque des biens mal acquis. Le régime a interdit à nos dirigeants de sortir et s’est acharné sur eux en envoyant tous les corps de contrôle fouiller dans leur plus grande intimité. Et au finish, ils n’ont rien.
Actuellement, on est en train de poser le débat sur la légitimité du pouvoir en place qu’il faut suivre avec beaucoup d’intérêt parce que nous estimons qu’il y a de la triche avouée par Lamine Diack. Et le Code électoral de notre pays interdit qu’un citoyen aille dehors prendre de l’argent pour venir financer un ou des partis politiques.
Et c’est encore plus grave quand il s’agit de l’argent sale. C’est pourquoi nous demandons qu’une enquête soit ouverte pour situer toutes les responsabilités par rapport aux élections de 2009 et 2012. Et je signale que les juridictions françaises ont ouvert une enquête sur Lamine Diack et une période qui concerne 2006 et 2015.
Peut-on dire que c’est Wade qui dicte toutes vos stratégies de lutte contre Macky Sall depuis Versailles ?
Oui, c’est lui qui donne les pistes parce qu’il est le patron du parti, le secrétaire général national. A distance ou près de nous, cela importe peu. Il est notre père et les militants ont demandé, depuis le dernier congrès, qu’il reste à la tête du parti jusqu’après 2017.
Aujourd’hui, puisque nous sommes dans une situation difficile, compliquée, c’est de son rôle, son devoir, de venir nous assister comme il l’a toujours fait. Donc, de Paris, il veille aux activités du parti, regarde de près ce que fait le Pds. Et c’est à lui de nous dire les orientations et les voies pour atteindre les résultats escomptés.
Etes-vous en train de dire que vous êtes incapables de porter le combat sans Abdoulaye Wade ?
Non ! Entendons-nous sur le combat qu’il faut mener. Faudrait-il prendre les armes ou faire comme Y’en a marre, la société civile d’alors ? Aller à la Place de l’Obélisque, chercher de l’argent sale dehors, venir mettre ce pays à feu et à sang, défier la République, tuer des jeunes citoyens innocents, et compromettre la carrière de nos vaillants soldats et policiers ?
Non, je ne le crois pas. Donc, je pense que la meilleure attitude serait d’aller dans le sens de travailler à ce que les consciences soient éveillées pour qu’on puisse bâtir un Sénégal nouveau et fort autour du compromis et du dialogue social. Sans une démarche de cette nature, nous allons prendre les armes.
Et dans tous les pays où on a pris les armes, on a vu ce que cela a donné. Il faut donc aller vers la conscientisation du Peuple, la moralisation de la vie politique pour asseoir une nouvelle donne qui ira dans le sens de renforcer notre démocratie.