"OUSMANE SONKO SERA UN PRISONNIER D'OPINION SI L'ÉTAT…"
Seydi Gassama, président Amnesty International/Senegal
De l’avis du président de la section sénégalaise d’Amnesty international, la convocation du leader du parti « Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) au conseil de discipline de la Fonction publique va à l’encontre de la gestion sobre et vertueuse prônée par l’actuel régime. Interpellé par Sud quotidien sur l’audition avortée de l’inspecteur principal des impôts et domaines devant ce tribunal des fonctionnaires de l’État pour violation de son droit de réserve, Seydi Gasama a qualifié cette démarche des autorités de «tentative de liquidation professionnelle d’un prochain adversaire politique». Qui plus est, le droit-de-l’hommiste n’a pas manqué de prévenir que « si l’État du Sénégal radie et envoie Sonko en prison, il sera pour nous un prisonnier d’opinion ».
Comment appréciez-vous l’audition avortée de l’inspecteur principal des impôts et domaines, Ousmane Sonko, par ailleurs leader du parti politique Pastef, le mercredi 24 aout dernier ?
Nous, nous considérons à Amnesty international Sénégal qu’Ousmane Sonko est un lanceur d’alerte. Car c’est quelqu’un qui, de par sa position, est au courant d’informations qui portent préjudice aux droits humains, à l’économie et à la transparence, à la bonne gouvernance et au bien public en général. Tout ce qu’il a fait, c’est de porter à la connaissance des citoyens un certain nombre de faits qui sont très préjudiciables à l’économie nationale, à la volonté affirmée des autorités de ce pays. Il défend et promouvoit la transparence et la bonne gouvernance de ce pays. Nous ne voyons donc pas des raisons pour lesquelles il doit être persécuté. Pourquoi ils veulent le radier de la fonction publique ? Surtout qu’il le dit lui-même que les informations qu’il a diffusées sont les informations qui sont disponibles pour les différents supports de communication du gouvernement. Il n’a fait que les interpréter tout en fonction des compétences qu’il a en tant qu’inspecteur des impôts ; il traite ces impôts qu’il donne au public.
À la suite de cette audition avortée, beaucoup d’acteurs ont vite établi un lien entre cette affaire et celle concernant l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye pour parler d’une politique d’harcèlement de potentiels adversaires de l’actuel régime. Qu’en dites-vous ?
Le président Macky Sall doit encourager, si réellement sa volonté de promouvoir la gestion sobre et vertueuse est réelle. Il doit donc encourager et promouvoir les hommes comme Ousmane Sonko. Malheureusement, nous assistons à une tentative de persécution, une tentative de liquidation professionnelle d’Ousmane Sonko en tant que prochain adversaire politique. J‘espère donc que tous les militants des droits humains et de la bonne gouvernance, de la transparence, nous tous allons nous unir pour justement dénoncer cette volonté de liquidation de l’Etat du Sénégal. Il n’est pas question que nous laissions Sonko vivre le même sort que celui qu’a subi le colonel Abdoulaye Aziz Ndao de la Gendarmerie, le commissaire Keita de la Police et Nafi Ngom Keita de l’Ofnac. Tout simplement parce qu’il n’y aura plus personne pour dénoncer les malversations dont sont responsables les membres du système. Ce qui sonnera la mort de la lutte contre la non-transparence et les crimes économiques dans ce pays. C’est pour cela que nous considérons Sonko comme un Edward Snowden qui fut un fonctionnaire du gouvernement américain. C’est en qualité de fonctionnaire qu’il était au courant des informations qu’il a délivrées. Pour nous donc, il est un lanceur d’alerte et si l’État du Sénégal le radie et l’envoie en prison, il sera pour nous un prisonnier d’opinion.