OUSMANE SONKO/LANSANA GAGNY SAKHO, CONTROVERSE AUTOUR D’UNE RENCONTRE AVORTÉE
La séance d'explication entre Sonko et le DG de l'Onas sur la gestion des inondations, n'aura finalement pas lieu ce vendredi au motif d'un agenda trop chargé de Lansana Sakho. Un prétexte pour éviter des questions embarrassantes ?

La séance de travail entre le leader des « Patriotes » Ousmane Sonko et le directeur de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas), Lansana Gagny Sakho, n’aura finalement pas lieu ce vendredi matin comme initialement prévu. Interpellé par « Le Témoin » sur cette rencontre avortée, l’ancien parlementaire, Moustapha Diakhaté, reproche à Ousmane Sonko de vouloir violer sciemment la loi organique de l’Assemblée nationale à ce niveau. L’analyste politique et ancien journaliste à Sud Quotidien, Bacary Domingo Mané, a, quant à lui, indiqué que c’était suicidaire pour le patron de l’Onas de faire face à Ousmane Sonko d’autant plus que le gouvernement lui-même a fait part de manquements dans la gestion des inondations.
Finalement, le face-à-face entre Ousmane Sonko et Lansana Gagny Sakho, prévu ce vendredi, n’aura pas lieu. Une séance de travail annoncée depuis deux jours et au cours de laquelle le Dg de l’Onas, M. Sakho devait montrer, documents à l’appui, tout ce que la société qu’il dirige a réalisé comme travaux d’assainissement. Et, donc, pour lutter contre les inondations. Après avoir donné son accord pour recevoir le député de l’opposition, le directeur de l’Onas a été « contraint » d’annuler la rencontre pour des raisons de calendrier chargé. Cependant, tout en saluant l’esprit du Dg de l’Onas, le leader de Pastef s’est dot pas convaincu par le motif évoqué pour annuler la rencontre. Beaucoup de Sénégalais également croient qu’il y a eu une forte pression sur Lansana Gagny Sakho pour qu’il annule la rencontre convenue avec M. Ousmane Sonko. Pour rappel, c’est pourtant le Dg de l’Onas qui, au cours d’une émission dans une radio de la place, avait lancé un défi au leader de Pastef, se disant prêt à le recevoir « dès lundi matin » — l’émission a été diffusée le dimanche — pour lui montrer, documents à l’appui, que le Gouvernement avait bien investi les milliards avancés dans la lutte contre les inondations… Finalement, on l’a vu, M. Sakho a rétropédalé. Sur cette rencontre avortée, l’ancien président du groupe parlementaire de Benno bok Yakaar (BBY), Moustapha Diakhaté, a apporté des précisions de taille. Selon lui, elle ne pouvait pas avoir lieu car le député Ousmane Sonko n’avait pas le droit d’avoir une séance de travail avec le directeur général d’une société.
« Lansana s’est peut-être trompé de bonne foi, mais Sonko, en tant que député, ne pouvait pas ignorer la loi organique de l’Assemblée nationale qui interdit qu’un député agisse de la sorte »
« Lansana Gagny Sakho s’est peut-être trompé de bonne foi. Un directeur ne peut pas rencontrer un parlementaire. Parce que le député ne peut s’adresser qu’à un ministre. Et pour s’adresser à un ministre, il faut nécessairement qu’il passe par le président de l’Assemblée nationale. On peut dire que Lansana, lui, s’est trompé de bonne foi, mais Sonko, lui, ne peut pas ignorer qu’en tant que député, il ne peut prendre dans une direction des documents sans passer par le biais de la présidence de l’Assemblée nationale (…).
Pour s’adresser au ministre, le député est obligé de passer par le président de l’Assemblée nationale qui transmet la demande au ministre chargé de ces informations. C’est pourquoi je dis que Lansana s’est peut-être trompé de bonne foi , mais Sonko, en tant que député ne doit pas agir de la sorte. Ceci n’est pas un point de vue politique, mais technique. Parce que, ce que je dis là, c’est le règlement intérieur de l’Assemblée nationale et que le député doit respecter tout comme le directeur de l’Onas », a expliqué l’ancien parlementaire Moustapha Diakhaté. Selon lui, on ne doit même pas évoquer de pressions subies par le directeur général de l’Onas. Parce que la rencontre qui était prévue va à l’encontre de la loi organique de l’Assemblée nationale. « On ne peut même pas parler, dans ce cas de figure, de pressions ou autres que le directeur de l’Onas aurait subies. C’est une loi de la République. Si M. Sakho le faisait, il aurait violé une loi de la République. Je ne sais pas les raisons pour lesquelles la rencontre a été reportée, mais je sais que la rencontre ne devait pas avoir lieu. Car, elle est en porte-àfaux avec le règlement de l’Assemblée nationale qui est une loi organique de la République », assène l’ancien patron des députés de la majorité présidentielle.
« Connaissant la pertinence de Sonko, à une telle occasion, il ne raterait pas le gouvernement »
Nullement convaincu par cet argumentaire « technique », l’analyste politique bacary Domingo Mané prend le contre-pied de l’ancien député M. Diakhaté. Selon le journaliste, le rôle du député c’est également d’informer son peuple. « Je pense que le report peut bel et bien se comprendre dans un contexte où l’opposition est très critique envers les tenants du pouvoir. On a déjà entendu le Pastef faire une sortie sur le Plan décennal (de lutte contre les inondations, Ndlr) avec des chiffres à l’appui pour montrer que les autorités politiques qui dirigent ce pays ont échoué sur toute la ligne. Parce que, selon lui, sur un budget de plus de 167 milliards, il semble qu’il n’y a que 26 % de ce montant qui a été dépensé. Nous avons également entendu les représentants de Pastef sur les plateaux de télévision et les studios de radio qui n’ont pas été tendres avec le régime en place. Si, dans ce contexte-là, le directeur de l’Onas, a cru bien faire en donnant des informations qu’il trouve, lui, fiables, à Ousmane Sonko, on peut comprendre que ses supérieurs lui demandent de surseoir à cette idée. Mais dans un pays normal, le député a la mission de défendre les intérêts des populations, il est dans l’obligation d’aller à la recherche des informations », estime M. Mané.
L’ancien dirpub de « Sud Quotidien » indique que le leader de Pastef était dans son droit de parler au Dg de l’Onas qui s’occupe de cette question de l’actualité brûlante. « Le fait de demander à M. Sakho une audience dans le but d’avoir des éclairages sur la gestion des inondations est un exercice qui entre en droite ligne dans les prérogatives d’un parlementaire », soutient-il. Quant à des pressions qu’aurait subies le directeur général de l’Onas afin d’annuler la rencontre prévue aujourd’hui, notre interlocuteur estime que rien ne le prouve.
A en croire bacary Domingo Mané, il serait suicidaire pour Sakho de rencontrer Sonko qui aurait utilisé d’éventuelles failles dans son exposé pour expliquer aux populations l’échec du régime dans ce domaine. « Je ne saurais dire de façon péremptoire que Lansana Gagny Sakho a subi une pression du pouvoir en place. Mais les éléments de contexte auxquels j’ai fait allusion plutôt peuvent nous amener à penser que, quelque part, il a subi cette pression. Parce que je vous ai dit que nous sommes dans un contexte d’inondations où il y a eu beaucoup de dégâts ont été causés et même mort d’homme. Donc, cela veut dire que quand on se réfère aux humeurs du peuple, on se rendra compte que les victimes de ces inondations ne sont pas du tout contentes. Nous avons vu le leader de Pastef aller dans les zones inondées où il a apporté son soutien moral aux populations. bien avant cela, nous l’avons entendu, lui, Ousmane Sonko, dire que le gouvernement a échoué dans la gestion des inondations en faisant référence au Plan décennal qui aurait coûté aux alentours de 167 milliards de FCFA. Il se trouve que, selon Pastef, le gouvernement n’a même pas dépensé 50 % de cet argent et en serait aux environs de 26% de cette enveloppe. Les « Patriotes » en concluent que le gouvernement a failli à sa mission et a échoué lamentablement sur la question des inondations », explique le confrère.
Avant de poursuivre : « Dans ce contexte, si le gouvernement acceptait, à travers le choix M. Sakho, de recevoir le député Ousmane Sonko, celui-ci n’hésiterait pas à poser les bonnes questions et je ne suis pas sûr que Gagny Sakho ait toutes les réponses aux questions soulevées par l’ancien inspecteur des impôts. Ousmane Sonko aurait pu exploiter la rencontre avec le Dg de l’Onas pour, encore une fois, démontrer à suffisance que le gouvernement a échoué dans la gestion des inondations. Sonko pourrait également, après son face à face avec le Dg de l’Onas, interpréter les hésitations de M. Sakho, souligner les contradictions supposées dans son discours, exploiter les failles éventuelles. Tout cela pour démontrer qu’en réalité, les gens du pouvoir ne maitrisent pas ou ne sont pas compétentes pour gérer les inondations. Si on reste dans la politique politicienne, on peut supposer que les tenants du pouvoir ont eu ce flair d’arrêter cette machine. Connaissant la pertinence de Sonko, si une telle occasion lui était donnée, il ne raterait pas le gouvernement », conclut Bakary Domingo Mané.