POUR ABDOULAYE DAOUDA DIALLO, L’HEURE DE PRENDRE SON DESTIN EN MAINS A SONNÉ
Jamais deux sans trois, dit-on. Si l’adage se vérifiait cette fois-ci, c’est quasi certain que Abdoulaye Daouda Diallo serait la troisième personnalité d’envergure à claquer la porte de l’APR après Aly Ngouille Ndiaye et Mame Boye Diao
Jamais deux sans trois, dit-on. Si l’adage se vérifiait cette fois-ci, c’est quasi certain que Abdoulaye Daouda Diallo serait la troisième personnalité d’envergure à claquer la porte de l’APR après Aly Ngouille Ndiaye, jusque-là ministre de l’Agriculture, et Mame Boye Diao, limogé mardi de ses fonctions de directeur général de la Causse des dépôts et consignations (Cdc). La déclaration de rupture de celui qui dit incarner l’« APR Authentique » serait une question d’heures. L’heure de prendre son destin en main semble avoir sonné après une vingtaine d’années de compagnonnage avec le président Macky Sall. Ah des dés (ADD) sont jetés !
Décidément, le vent des démissions qui secoue la majorité présidentielle est loin de s’estomper. La saignée prédite après le choix porté par le président de la République sur Amadou Ba pour porter les couleurs de la majorité sortante à la prochaine élection présidentielle risque bel et bien de se produire. Mais de tous les départs, annoncés ou effectifs, celui qui risque de susciter le plus de commentaires — et aussi faire le plus de mal à Benno Bokk Yaakar (BBY) — est sans conteste celui d’Abdoulaye Daouda Diallo. Ce du fait de sa longue et riche trajectoire politique. L’actuel président du Conseil économique, social et environnemental a reçu plusieurs coups qui ont failli compromettre sa carrière politique. Mais, à force de conviction et de courage, il a su encaisser ces coups dont certains l’ont fait trébucher avant de se relever et poursuivre son chemin dans l’univers impitoyable de la politique où n’ont de place que les plus téméraires, les plus cyniques voire les tueurs de sang-froid. Dans ses nouveaux habits «d’opposant» à un régime dont il fut l’un des plus solides piliers 12 ans durant, il fa lui falloir faire l’apprentissage de l’adversité. Ou, plutôt, oublier les lambris dorés pour réapprendre à traverser le désert, lui qui a connu cette traversée durant les temps héroïques où, sans hésiter, il avait renoncé à tous les privilèges et avantages pour suivre son mentor Macky Sall dans sa rébellion contre le président Abdoulaye Wade. Ironie de l’histoire, cette fois-ci c’est lui qui prend les armes contre celui qui s’était révolté contre Wade ! Celui que l’on a toujours taxé d’être timide, posé et parfois même mou, devra donc sortir les griffes pour remporter le combat le plus difficile de sa carrière politique et peut-être de sa vie.
Ah! Des dés (ADD) sont jetés en attendant d’autres si bien sûr Abdoulaye Daouda Diallo décide de quitter le navire de l’APR. Tout porte à croire qu’il va aller dans ce sens puisqu’il semble avoir déjà fait ses valises. Ses proches assurent que rien ne peut plus le faire revenir sur sa décision de rompre les amarres avec son frère de lait Macky Sall. Un frère devenu président de la République à l’endroit de qui il a fait preuve de fidélité et d’engagement à tous points de vues. Sur cela, ses probables ex-compagnons de l’APR ne diront pas le contraire et le président Macky Sall en premier
Un homme persécuté par Me Wade à cause de son soutien à Macky Sall
En effet, l’actuel maire de Boki Dialloube, dans le département de Podor, a très tôt fait acte d’allégeance au patron de l’APR. Il a toujours été proche de l’actuel président de la République. Lorsque Macky Sall avait été obligé de démissionner de son poste de président de l’Assemblée nationale et ayant décidé pour cette raison de quitter le PDS alors au pouvoir, ADD avait été parmi les premiers à le suivre.
Limogé de son poste de secrétaire général de l’Ipres pour cause de proximité avec le banni, il décide de retourner à la Direction Générale des Impôts et Domaines pour se voir nommer Adjoint au Chef de la DPI. Il résiste aux pressions innommables exercées sur lui et s’arme d’une dignité digne d’éloges doublée d’un stoïcisme d’aloi. Il fait le dos rond face à la bourrasque et continue de soutenir Macky Sall. Mieux, avec ses maigres moyens, il va battre campagne tous les weekends dans son terroir de Podor bravant la poussière et la chaleur afin de prêcher la bonne parole de son mentor. Et en 2012, à la surprise générale, le leader de l’Alliance Pour la République, (APR), un parti dont ADD a participé à la création, est élu. Une victoire dont il peut se glorifier du fait des bons résultats enregistrés dans son fief politique.
Une fois élu, le président Sall, pour le récompenser de son apport, le nomme successivement ministre délégué chargé du Budget, ministre de l’Intérieur, ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement puis ministre des Finances et du Budget ! Il ne quitte le Gouvernement que pour aller occuper les prestigieuses fonctions de ministre d’État Directeur de Cabinet du Président de la République. Après quelques mois à ce poste, il est propulsé Président du CESE (Conseil économique, social et environnemental), ce qui fait de lui la troisième ou quatrième personnalité de l’Etat. A cette « station », et compte tenu de son long compagnonnage avec le président de la République, de sa légitimité politique incontestable en tant que membre fondateur de l’APR, de ses excellents résultats électoraux à tous les scrutins, de son bilan à la tête de tous les ministères qu’il a eu à diriger, ADD pensait être en pole position pour être le dauphin de Macky Sall au cas où ce dernier ne briguerait pas un troisième mandat. Hélas, ce dernier lui a préféré son ennemi juré qu’est Amadou Ba. Un poignard dans le dos d’Abdoulaye Daouda Diallo qui ne pouvait supporter cela venant d’un homme qu’il a toujours servi loyalement avec efficacité et discrétion. Déjà, lorsqu’il avait fallu choisir un Premier ministre après le rétablissement de la fonction, le président Sall avait jeté son dévolu sur Amadou Ba. Abdoulaye Daouda Diallo avait refusé de rester dans un Gouvernement dirigé par ce dernier. Le Président l’avait donc appelé à ses côtés comme ministre d’Etat, directeur de cabinet. Et voilà que, pou ce qui est aussi du candidat de Benno Bokk Yaakar, le même Macky Sall lui préfère encore une fois Amadou Ba. Cette fois-ci, trop c’est trop a dû considérer le président du Conseil économique, social et environnemental. Mais pour cette fois-ci ADD, après certainement avoir consulté la Var, estime que la nomination de son plus grand ennemi est une erreur, une faute impardonnable commise par celui qu’il a toujours considéré comme un mentor. Après avoir murement réfléchi et consulté ses proches, il est arrivé à la conclusion que le seul moyen de laver l’affront, c’est d’en découdre directement avec son «ennemi» lors de la prochaine présidentielle. Qui sortira victorieux de ce combat ? Bien malin serait qui pourrait répondre à cette question pour le moment.
Un destin à prendre en main
Alors que tous les regards étaient fixés jusque-là sur la « mère des batailles » électorales qui va opposer la majorité et l’opposition (dont le chef est en prison !), désormais c’est une autre, épique et fratricide, qui va passionner les Sénégalais. Il s’agit de celle entre Amadou Ba contre Abdoulaye Dawda Diallo. Ce pour toutes les raisons citées plus haut. Parmi les soutiens de l’actuel Président du CESE, il faut citer le député Abdou M’Bow dont la proximité avec ADD est un secret de polichinelle. Bien qu’il ne soit pas un poids lourd de l’APR — à Thiès, il a toujours perdu face à l’opposition —, Abdou Mbow n’en est pas moins militant de la première heure du parti présidentiel et constitue un symbole de légitimité. En plus, au vu de sa longévité à l’Assemblée nationale, il pourra sans doute influencer certains de ses collègues à monter sur son nouveau cheval. On parle d’ailleurs d’une vingtaine de députés qui auraient déjà fait acte d’allégeance à ADD.
Connu pour entretenir de bonnes relations avec les familles religieuses du Fouta, le mari de la notaire Tamaro Seydi a entrepris depuis longtemps des visites de courtoisie pour solliciter leurs soutiens. Pour rester dans cette partie nord du pays considérée comme le titre foncier de l’APR la guerre y sera des plus ardues. Connu pour être l’homme à tout faire du Président Macky Sall, le tout-puissant et milliardaire Farba Ngom a très tôt décliné le nom de son candidat qui n’est autre que l’actuel Premier ministre. Il pourrait offrir le département de Matam sur un plateau à Amadou Ba. Encore que, s’il est confirmé que le milliardaire Harouna Dia, qui finança la campagne électorale victorieuse de Macky Sall en 2012, est un des animateurs de l’ « APR » authentique aux côtés de Abdoulaye Daouda Diallo, alors la conquête du département de Matam ne serait pas une partie de plaisir pour Amadou Ba. Il s’y ajoute qu’il nous revient que des maires qui ont toujours contesté le favoritisme du Président envers le maire des Agnam seraient prêts à basculer dans l’escarcelle du responsable de Podor. Ils expliquent à qui veut l’entendre qu’ils ne comptent pas suivre un arriviste au détriment d’un militant de la toute première heure. Seulement voilà, ADD lui-même ne sera pas en roue libre dans son bastion qu’est le département de Podor puisqu’il devra faire face à l’adversité du tout-puissant maire de Podor, le richissime Mamadou Racine Sy mais également de la ministre des Affaires étrangères, Aïssata Tall Sall, sans compter le ministre de l’Education nationale, Cheikh Oumar Hann qui n’a jamais voulu le voir en peinture et dispose d’une base solide à Ndioum.
Toutefois face à Amadou Ba, actuel Premier ministre, très réseauté, bénéficiant de la bénédiction du président de la République et disposant de l’appareil de l’État, du soutien d’une bonne partie de l’APR (en tout cas pour l’heure) et de sa propre force politique, rien n’est gagné ni perdu d’avance. Une chose est sûre : entre Amadou Ba et Abdoulaye Daouda Diallo, ça va saigner ! Pour le plus grand plaisir de l’opposition…