QUAND «LA FRUSTRATION» DECHAINE LES PASSIONS POLITIQUES !
Le glissement de terrain de la haute fonction publique vers le champ politique tend de plus en plus à prospérer au Sénégal
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Le glissement de terrain de la haute fonction publique vers le champ politique tend de plus en plus à prospérer au Sénégal. Démissionnaires ou révoqués de la fonction publique, ces hauts fonctionnaires de l’Etat, à savoir l’ex-Inspecteur des Impôts et domaines, Ousmane Sonko, l’ex-magistrat Ibrahima Hamidou Dème, ou encore le Capitaine Amadou Dièye semblent «étouffer» au sein de leur corporation, car justifiant presque que tous leur engagement politique par la «frustration». Quid de ceux qui ont été éjectés de leur siège pour avoir voulu faire «correctement» leur travail ?
Aujourd’hui, le Capitaine Mamadou Dièye, hier le juge Ibrahima Hamidou Dème, avant-hier l’inspecteur des Impôts et domaines, Ousmane Sonko. La liste des démissionnaires et révoqués de la fonction publique sénégalaise commence à s’allonger. Leur dénominateur commun reste sans équivoque leur engagement politique, avec comme un seul et même leitmotiv, à savoir la frustration comme élément déclencheur de leur engagement dans le champ politique. En effet, sur les raisons de son entrée en politique, le député non-inscrit, Ousmane Sonko qui dit pourtant faire partie des Sénégalais qui n’aimaient pas du tout la politique jusqu’en 2014, explique être «frustré par ces politiciens», qui étaient tous pareils à ses yeux. Mieux, le patron du parti Pastef/Les patriotes dit avoir pris conscience, étant Haut fonctionnaire, de beaucoup de choses. C’est-à-dire que «nous avons tous une grande responsabilité car les gens qui doivent faire la politique, qui en ont les compétences et la formation et qui en ont la probité, ont tendance à fuir la politique en disant que c’est trop sale», justifie-t-il. Donc, il dit faire la politique pour ne pas laisser le terrain vide «aux gens qui n’ont aucune envergure, ni vertu et qui ne considèrent l’Etat que comme un moyen d’enrichissement personnel».
De son coté, l’ex-magistrat Ibrahima Hamidou Dème qui s’est engagé en politique avec son mouvement “Ensemble“, a fait un sévère réquisitoire sur la marche du pays dirigé par le président Macky Sall. Pour justifier son engagement politique, l’ancien parquetier qui dénonce une dépendance de la magistrature vis-à-vis de l’Exécutif n’a, pour autant, pas épargné les autres secteurs. Pour lui, «les Sénégalais sont écrasés par le coût élevé de la vie, le chômage chronique et sont obligés de subir l’insécurité, l’indiscipline, la corruption et l’insalubrité».
Le Capitaine Mamadou Dièye, actuellement entre les mains de l’armée n’en dira pas moins. Il précisera que «la raison de cette démission n’est ni un problème avec quelqu’un encore moins une question de perspective de carrière floue, au contraire, j’aurais bien pu y avoir un grand avenir». Se voulant plus clair, il indiquera que «j’ai démissionné parce que dans cette armée ou j’ai été, je n’ai trouvé ni mon éducation, ni ma conviction, ni même la formation que j’ai subie». Mieux, il dit avoir constaté que le pays est «méconnaissable au regard de tout ce qui se passe». Ainsi donc, pour avoir compris que «la politique est la voie sacrée en termes de représentation et de défense des intérêts d’un peuple», selon lui, il comptait se lancer dans ledit milieu. La suite, on la connait.
Des cas, parmi tant d’autres, qu’il ne faut très certainement pas isoler des limogeages de postes de certains hauts fonctionnaires pour avoir voulu faire normalement leur boulot. Ça semble être le cas pour l’ex-présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), Nafissatou Ngom Keita. Son départ sonnerait, selon certains, comme une revanche de ces Dg et autres autorités épinglés dans leur gestion, pour fautes lourdes. Elle aurait payé, à en croire d’autres, pour son obstination à fouiller dans le dossier du pétrole qui incriminerait le frère du président, Aliou Sall. Un cas qui ressemble tant soit peu à celui de l’ex-ministre de l’Energie, Thierno Alassane Sall. Si le régime soutient l’avoir démis de ses fonctions, ses souteneurs et autres indiscrétions parlent d’une divergence entre lui et le régime sur la gestion des blocs de pétrole. La différence entre ces deux personnalités serait que la première citée ne s’est pas officiellement engouffrée dans la politique, au moment où l’ancien ministre s’est dressé en opposant contre le président Macky Sall et son régime.
REFORMER POUR PERMETTRE A CERTAINS CORPS DE FAIRE DE LA POLITIQUE : «Je préconise seulement la prudence», dixit Pr Guèye
Le Sénégal n’est pas la France. Nous n’avons pas la même trajectoire, ni la même histoire. Le niveau de développement politique n’est pas le même. Alors, il faut faire très attention avant de s’engager dans une telle voie. Moi, je préconiserais la prudence avant de s’y engager. Parce que la France est une démocratie qui a une tradition sans commune mesure avec celle sénégalaise. Au Sénégal, nous en sommes encore à la politique du ventre, au clientélisme. Ce n’est pas forcément le cas de la France qui a atteint un niveau de développement politique qui lui permet peut être d’aller vers ce genre de solution. Je ne sais pas si nous avons un niveau de politique qui nous permet déjà, aujourd’hui, d’emprunter cette voie-là. Je préconise seulement la prudence et une étude sérieuse des implications que ça pourrait avoir avant de s’y engager. Parce que nous n’avons pas encore une forte tradition démocratique. Nous avons encore du chemin à faire.