QUAND LES OUTSIDERS S'IMPOSENT
A la suite des neuf candidats admis, depuis le premier tour, EnQuête revient sur les secrets de la réussite des 11 candidats qui ont validé, hier, leurs parrainages.
Rose Wardini : Pour l’honneur des femmes
Sur la liste des 21 candidats ayant réussi leurs parrainages, elle est sans doute la moins attendue. Elle, c’est Rose Wardini, gynécologue obstétricienne, engagée en politique depuis quelques années. La sœur de l’ancienne maire de Dakar Soham El Wardini a surpris tout le monde d’abord en passant au deuxième tour, mais encore plus en validant les plus de 31 000 parrains qui lui restaient pour valider son parrainage. Ils sont nombreux les observateurs à se demander par où elle est passée. Il faut souligner que la présidente de Médisol International s’active dans le social, depuis plusieurs années. Et forte de cette riche œuvre dans le social, elle a créé en 2009 le Mouvement citoyen pour le développement qu’elle présente souvent comme un mouvement actif dans la politique de développement. Candidate malheureuse à la mairie de Kaolack en 2022, elle vise pour 2024 la présidence de la République.
Boubacar Camara : le pont entre le système et l’anti-système
Ancien Directeur Général de la Douane, Kamah comme l’appellent affectueusement ses militants est un des ponts entre le système et l’anti-système. Pilier de la coalition Sonko Président en 2019, ancien proche collaborateur de Karim Wade au ministère du Ciel et de la Terre (il était son secrétaire général), le leader du Parti de la construction et de la solidarité a été au cœur des négociations ayant abouti à la mise en place de l’inter-coalition Yewwi Wallu, lors des dernières élections législatives, étant l’un des rares acteurs directs qui échangeait avec Karim Wade depuis Doha. Peu attendu lors des parrainages, Kamah a également été une belle surprise. Certains n’ont d’ailleurs pas manqué de désigner Pastef comme étant son principal pourvoyeur de parrains ; des accusations qui ne sont pas encore prouvées. Pour rappel, l’inspecteur général d’Etat a été recalé en 2019 au stade des parrainages, avant de rejoindre le candidat de Sonko Président.
Déthié Fall : L’ancien gardien des données électorales de Yewwi et de Rewmi
Il a la double chance d’être ancien mandataire d’Idrissa Seck et ancien mandataire de la grande coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi. A ce titre, Déthié connait non seulement les rouages du parrainage qu’il titille depuis 2019, mais il dispose également d’une bonne maitrise des bases de données électorales, aussi bien de Yewwi Askan Wi que de Rewmi. Polytechnicien, méthodique et fin manœuvrier, le président du PRP s’est en plus très tôt lancé dans la course à la Présidentielle pour convaincre les parrains. Pour la Présidentielle, il devra compter sur lui-même et ses militants pour espérer faire une percée électorale.
Cheikh Tidiane Dièye : La proximité avec Sonko constitue sa principale force
Sa force, c’est surtout d’être un proche parmi les proches d’Ousmane Sonko. Non seulement, il partage avec lui le même fief à Ziguinchor, mais Dr a aussi un parcours presque similaire avec le maire de Ziguinchor. Tous deux ont en effet fréquenté le lycée Djignabo, tous deux ont par la suite rejoint l’université Gaston Berger de Saint-Louis. Alors que le patriote en chef optait pour le Droit pour ensuite devenir inspecteur des Impôts, le leader de Sénégal Bi Nu Begg a fait Sociologie avant de passer une bonne partie de sa carrière dans la société civile, d’abord au Forum Civil, ensuite à Enda/Cacid. Mais le candidat de la coalition président Bi Nu Begg est surtout connu pour ses qualités d’expert international, connu à travers le monde pour ses prises de position dans la défense des pays du Continent. Il a joué un rôle clé lors des assises nationales sous la houlette du président Amadou Makhtar Mbow. Sa réussite à la présidentielle, si sa candidature est validée, dépend de la caution de Ousmane Sonko. Mais son plus grand adversaire, c’est l’autre candidat de Pastef Bassirou Diomaye Faye.
Bassirou Diomaye Faye : Le Plan B plébiscité par Pastef
Si ce n’était Ousmane Sonko, ce serait sans doute lui. Dans la galaxie Pastef, difficile de trouver quelqu’un qui ressemble autant au leader, quelqu’un qui est aussi adulé que lui au niveau de la base affective. Pour beaucoup, BDF est le clone d’Ousmane Sonko. Même fougue. Même verve. Même tempérament. Même amour pour les arts martiaux. Même look : souvent crâne rasé, barbe bien taillée. Aujourd’hui, tous les deux sont en prison, mais lui a la chance de garder intactes ses chances d’être éligible. D’ailleurs, à ce jour, il est le seul candidat assumé par Pastef, en dehors de celui du plan A Ousmane Sonko. Si le parti a parrainé Habib Sy, il aura du mal à défendre une telle candidature auprès de ses électeurs. Plusieurs observateurs avertis y voient un parrainage de diversion, et une simple reconnaissance envers quelqu’un qui s’est souvent battu à leurs côtés. Son seul rival sérieux, s’il en est, reste Dr Cheikh Tidiane Dièye. A moins que ce dernier n’ait été désigné juste pour parer à une éventuelle invalidation. Issu d’une famille socialiste, Bassirou a été un candidat malheureux dans son fief à Ndiaganiao, mais pour la présidentielle c’est une autre réalité.
Idrissa Seck : Une mort évitée de justesse
Deuxième à la dernière élection présidentielle organisée dans le pays, Idrissa Seck a fait peur à son électorat, lors de ces parrainages. Envoyé au deuxième tour, Idy a démontré qu’il ne faudrait peut-être pas l’enterrer trop vite. Son mandataire Ass Babacar Gueye ne manque pas de répondre aux détracteurs de son candidat. ‘’Vous savez, le Rewmi a un appareil fort. Notre parrainage nous l’avons réussi en moins d’un mois. Nos fiches nous proviennent de 417 communes différentes du Sénégal. Là, en trois jours, nous avons pu mobiliser plus de 50 000 parrains…’’, souligne Monsieur Gueye qui insiste sur le statut de Rewmi. Aujourd’hui, force est de constater qu’Idy n’est plus maitre incontesté de son fief de Thiès. Il ne pèse pas non plus grand-chose ni à l’Assemblée nationale ni au niveau des collectivités territoriales. Il faudra travailler dur pour faire partie de ceux qui vont jouer les premiers rôles à la prochaine présidentielle.
Aliou Mamadou Dia : Quand le PUR mise sur un technocrate
C’est l’un des rares technocrates dans la course pour la prochaine présidentielle. Candidat du Parti de l’unité et du rassemblement, Aliou Mamadou Dia était jusque-là le représentant résident du PNUD au Cameroun. Fonctionnaire international, il avait servi auparavant au Togo et appuyé plusieurs pays dans leurs politiques de développement. ‘’Au cours des dernières années, Aliou Mamadou Dia a travaillé et soutenu plus de 30 bureaux pays du PNUD en Afrique dans la mise en œuvre de leurs programmes pays (CPD) et des résultats et produits du Cadre de Coopération notamment sur les produits et résultats liés à la durabilité de l'environnement, au renforcement de la résilience et à la lutte contre le changement climatique’’, note Dakaractu. C’est donc un AS des politiques de développement que le guide moral des Moustarchidine wal Moustarchidates est allé débaucher pour faire mieux qu’en 2019, en conduisant le Mouvement vers une victoire en 2024. Pour le parrainage, il a su profiter de l’appareil redoutable du PUR.
El hadji Malick Gakou, Mamadou Lamine Diallo, Thierno Alassane Sall : La revanche des éternels outsiders
Enfin ! Malick Gakou pourrait participer à une élection majeure en tant que tête de file. Souvent présenté comme un outsider, l’homme a rarement accepté de jouer les premiers rôles dans une grande compétition électorale. En 2014, alors que tout le monde le présenté comme le maitre incontesté de Guédiawaye, il avait refusé de se battre, préférant laisser un boulevard au frère du président Aliou Sall, dans le cadre du compagnonnage entre l’AFP son ex parti et l’Alliance pour la République.
En 2017, lors des législatives, il avait accepté de se ranger sérieusement derrière Khalifa Sall et Idrissa Seck. Lors des dernières locales et législatives, il a encore préféré se cacher derrière Ameth Aidara. Ce dernier lui rend d’ailleurs bien cette grande générosité en le soutenant activement pour la prochaine présidentielle. Depuis son départ de l’AFP, Gakou n’a jamais aspiré à autre chose qu’à la présidentielle de la République. Empêché en 2019 de participer à la compétition, il a réussi cette fois à dépasser ce cap et peut bien continuer sa course. Le candidat mise beaucoup sur l’électorat de Yewwi pour s’imposer à la prochaine présidentielle.
Leurs trajectoires sont certes opposées. Mais ils ont le même rêve depuis 2019. Recalés à l’époque à cause du parrainage, ils ont pris cette fois une sérieuse option de participer à la compétition. Alors que Diallo a jusque-là été un allié fidèle du Parti démocratique sénégalais, Thierno Alassane Sall, lui, est issu de l’Alliance pour la République qu’il s’est juré de combattre depuis 2017.
En ce qui les concerne, Mamadou Lamine Diallo et Thierno Alassane Sall prennent leur revanche sur l’histoire. Souvent attendus, rarement au rendez-vous, ils ont enfin des chances de faire valoir leurs statuts. Leurs trajectoires sont certes différentes. Mais ils ont le même rêve depuis 2019. Recalés à l’époque à cause du parrainage, ils ont pris cette fois une sérieuse option de participer à la compétition. Alors que Diallo a jusque-là été un allié fidèle du Parti démocratique sénégalais qui l’a souvent mené à l’Assemblée nationale, Sall, lui, est issu de l’Alliance pour la République qu’il s’est juré de combattre depuis 2017. Tous les deux ont pu apprendre de leurs erreurs de 2019.
Serigne Mboup et Papa Djibril Fall : Les candidats de la confirmation
L’un est homme d’affaires, l’autre journaliste. Mais ils ont la particularité d’être tous les deux nouveaux dans l’arène politique et jouent déjà les premiers rôles. Alors que le premier (Serigne Mboup) a réussi son entrée en matière aux élections locales, en remportant haut la main la mairie de Kaolack devant des ténors de la majorité présidentielle, le second a fait sensation lors de son baptême de feu aux élections législatives de 2022. Aujourd’hui, ils ont la particularité de ne s’identifier ni à la majorité présidentielle ni à l’opposition. En réussissant au parrainage là où beaucoup de ténors, y compris d’anciens premiers ministres ont échoué, ils confirment qu’ils ne sont pas dans la politique pour jouer les seconds rôles.
Mahammed Boun Abdallah Dionne, Aly Ngouille Ndiaye, Mame Boye Diao : les principales menaces pour Amadou Ba
Ils sont les plus grandes menaces pour le candidat de la majorité Amadou Ba. En effet, jusque-là, le camp présidentiel a été le maitre incontesté dans les zones de Linguère, dans le Fouladou et dans le Saloum. Si pour Boun Dionne il est difficile d’évaluer le poids politique, pour Aly Ngouille Ndiaye et Mame Boye Diao, respectivement maire de Lingère et de Kolda, ils pourraient faire mal dans le Djolof et le Fouladou. Pour Boun Dionne, pendant longtemps, il a non seulement été premier ministre de Macky Sall, bras droit, mais aussi ancien tête de liste de la majorité présidentielle aux législatives de 2017. A ce titre, il connait très bien les forces et faiblesses du camp présidentiel qu’il espère vaincre à la prochaine présidentielle.
Pourquoi les recours ont peu de chance d’aboutir
C'est la fin de la phase de contrôle des parrainages. La prochaine étape, c'est la publication de la liste des candidats retenus après l'examen de leurs dossiers dans le fond.
Selon la loi électorale, cette liste doit être publiée au plus tard le 20 janvier. C'est par la suite seulement que les délais de recours seront ouverts. "Le droit de réclamation contre la liste est ouvert à tout candidat", dispose le Code électoral à son article L127 al 1er.
Quel est donc le sort des recours déjà déposés devant le greffe du Conseil constitutionnel ? De l'avis de certains spécialistes, le Conseil pourrait les déclarer irrecevables pour méconnaissance de la disposition précitée. Ils pourront toutefois revenir à la charge après la publication.
A noter qu’à l’issue de ce second tour des parrainages, douze candidats ont validé leur parrainage. Par contre, Bougane Gueye Dani, Dr Abdourahmane Diouf, le maire de Sandiara Serigne Gueye Diop, l’ancienne Première ministre Aminata Touré seront, entre autres, les grands absents de la prochaine présidentielle, éliminées à l’issue de ce deuxième tour.
RESULTATS DES CANDIDATS AYANT REUSSI AU 2e TOUR
- Rose Wardini : 45 031 parrains validés ;
- Idrissa Seck : 45 768 parrains validés ;
- Aliou Mamadou Dia : 48 362 parrains validés ;
- Serigne Mboup : 53 553 parrains validés ;
- Papa Djibril Fall : 47 223 parrains validés ;
- Mamadou Lamine Diallo : 48 961 parrains validés ;
- Mahammed Boun Abdallah Dionne a validé avec 47 778 parrains ;
- Elh Malick Gakou a validé avec 54 520 ;
- Aly Ngouille Ndiaye a validé avec 55 185 parrains ;
- Mame Boye Diao a validé avec 53 022 ;
- Bassirou Diomaye Faye a validé avec 45 729 ;
- Thierno Alassane Sall a validé avec 49 821 parrains.