RÉVÉLATIONS SUR L'ÉLÉMENT DU MFDC APPRÉHENDÉ À DAKAR
Après le porte-parole du gouvernement, qui avait confirmé l’information, le procureur de la République a livré mercredi les détails de l’arrestation d'Ousmane Kabiline Diatta, le 8 juin dernier dans la capitale
Le Quotidien l’avait révélée en exclusivité. Après le porte-parole du gouvernement, qui avait confirmé l’arrestation de Ousmane Kabiline Diatta, le procureur de la République a brisé hier le silence pour donner les détails de l’arrestation de cet élément du Mfdc à Dakar, le 8 juin dernier, jour de manifestation de Yewwi askan wi. Amady Diouf a ouvert une information judiciaire pour «complot et autres infractions contre l’autorité de l’Etat, participation à un mouvement insurrectionnel, actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, culture et trafic de chanvre indien» et confié le dossier au Doyen des juges d’instruction. Le procureur de la République, qui annonce que ses supposés acolytes sont en fuite, a tenu hier un point de presse au Palais de justice pour dérouler le film de l’arrestation de M. Diatta.
«Je voudrais tout d’abord, mesdames et messieurs de la presse, à l’entame de mon propos, en ma qualité de chef du Parquet du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar, vous exprimer mes remerciements pour avoir bien voulu accepter de prendre part à ce présent point de presse que j’ai convoqué et dont l’unique but est de vous entretenir et, à travers vous, l’opinion publique, sur les derniers développements consécutifs à l’arrestation le 8 juin 2022, à Dakar, de Ousmane Kabiline Diatta, membre actif du Mfdc (Ndlr: Mouvement des forces démocratiques de la Casamance).
Ce point de presse rentre dans le cadre de la communication institutionnelle du ministère public, prévue par les dispositions de l’article 11 du Code de procédure pénale, qui autorisent le procureur de la République, dans le respect de la présomption d’innocence et des droits fondamentaux de la personne mise en cause, «à communiquer sur des éléments objectifs de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des indices ou charges retenues contre les personnes mises en cause à l’effet de prévenir la divulgation d’éléments parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public».
Sous ce rapport, l’arrestation de M. Ousmane Kabiline Diatta, largement médiatisée, qui a suscité plusieurs commentaires dans l’opinion, parfois inexacts ou approximatifs, et la gravité incontestable des faits justifient ainsi l’obligation et le devoir du ministère public de satisfaire le droit à l’information du citoyen sur le niveau des menaces sécuritaires alléguées et l’état d’avancement des investigations dans cette affaire.
Résumé des faits
De l’économie de la procédure, je tiens à confirmer, à l’attention de nos concitoyens, l’arrestation effective, de la garde à vue et du déferrement de Ousmane Kabiline Diatta, haut responsable du Mfdc, considéré par les Forces de défense et de sécurité comme le second et le bras armé d’une aile dure de la rébellion dirigée par Paul Aloukassine Basséne.
Le mis en cause dont l’arrestation a mobilisé d’importants moyens humains et techniques, a été repéré par les Forces de défense et de sécurité alors qu’il s’apprêtait à venir à Dakar assister, selon les sources numériques, à la manifestation du 8 juin 2022. Les mêmes renseignements ont révélé que d’autres éléments du Mfdc avaient, dans les mêmes circonstances, fait cap sur Dakar où ils devaient se joindre au mis en cause et participer ensemble à ladite manifestation, avec l’idée bien manifestée, dans les échanges, de profiter de toute opportunité pour s’adonner à des opérations de pillage, de destruction et d’atteinte à l’intégrité physique de personnes vraisemblablement innocentes.
État de la procédure
En l’état, les investigations se poursuivent dans la perspective de mettre aux arrêts les autres membres du groupe, qui ont réussi à se fondre dans la nature dès l’arrestation de leur camarade Ousmane Diatta. Pour autant, les enquêtes menées avec promptitude, savoir-faire, engagement et professionnalisme par les enquêteurs de la gendarmerie dont il me plait de porter ici témoignage, ont permis de cerner l’itinéraire, le parcours et le profil psychologique de Ousmane Kabiline Diatta, qui apparaît incontestablement comme un combattant aguerri qui a fait ses preuves aussi bien durant les combats dans le maquis que dans les tâches opérationnelles d’encadrement et de mobilisation des membres de l’aile civile du Mfdc, tâches qui lui étaient souvent dévolues.
Sous ce rapport, les renseignements ont révélé qu’enrôlé très tôt dans les rangs du Mfdc, M. Ousmane Kabiline Diatta, qui a gravi tous les échelons pour devenir un haut responsable respecté et écouté par toutes les factions du mouvement, était impliqué dans toutes les attaques et actions d’harcèlement menées ces dernières années contre les militaires de l’Armée nationale et les populations civiles durant les braquages.
Il a déclaré en effet avoir arrêté ses études après son Cfee (Ndlr Certificat de fin d’études élémentaire) obtenu à Ziguinchor, puis a rejoint la base de Diakoumougne où il a fourbi ses armes et reçu une formation aussi bien solide que complète de combattant. Il a déclaré avoir été muté dans différentes bases, notamment à l’Etat-major de Berkamandioka, au campement de Mandina, à la base de Kassolole où, outre le rôle de combattant, il a servi comme agent de liaison entre César Atoute Badiate et le commandant de la base de Diakaye. Ses pérégrinations l’ont conduit plus tard à la base de Kourek, où il est resté quinze ans avec des figures marquantes de la rébellion telles que Daouda Camara alias Guillaume Soro, Papis Assine et Djibe Diatta, homme fort du Fogny, et il précisait qu’il a commandé personnellement le détachement qui a récupéré et lancé l’assaut contre la base de l’Etat-major de Barkamandika qu’il avait attaquée à revers, selon ses propres déclarations. Il soulignait avoir travaillé avec acharnement à la réunification du mouvement et c’est dans cette perspective qu’il a cherché à installer une base à Vélingara, où il avait l’ambition de réunir toutes les factions du Mfdc, mais les opérations de reconnaissance de terrain dont il a dû procéder n’ont pas été concluantes.
Poursuivant, il soulignait aussi être un trafiquant de chanvre indien, produit dont il s’adonne à la culture. Invité à s’expliquer sur les raisons de sa présence à Dakar, il a été très évolutif dans ses explications ; évoquant d’abord le besoin d’acheter un mouton qui l’a conduit d’abord à Kaolack puis à Dakar, en passant par Mbour, mais paradoxalement il aurait soutenu auprès de son logeur qu’il était de passage principalement à Dakar pour acheter des chaussures pour ses frères. Ces moyens de défense, pour le moins puériles, sont d’autant plus fragiles qu’ils n’ont été confortés par aucun élément de la procédure, dans la mesure où la personne citée, celle censée lui vendre le mouton, a pris la poudre d’escampette dès l’arrestation du mis en cause et n’a, pour le moment, pu être retrouvée en dépit des recherches intenses lancées par les enquêteurs et il s’y ajoute que le nommé Maurice, l’autre personne évoquée, a tenu lors de son audition, des déclarations contradictoires à celles du mis en cause sur bien des points essentiels.
Au terme de l’enquête, il reste établi que le parcours de Ousmane Kabiline Diatta, à l’image probablement de ses acolytes en fuite, traduit à coup sûr l’idée d’un individu tenace, déterminé et aguerri par les épreuves et longues années de combat vécues. Dès lors, il apparaît sous ce rapport comme un individu dangereux représentant une menace pour la paix, la tranquillité et la sécurité publique, au même titre que ses acolytes en fuite.
C’est pourquoi j’ai demandé aux Forces de sécurité, agissant sous mon autorité dans le cadre de la police judiciaire, de poursuivre les investigations avec rigueur et détermination et de me présenter toutes les personnes impliquées dans cette affaire, en lien avec les rebelles, afin qu’ils répondent de leurs actes.
Pour l’instant, j’ai ouvert une information judiciaire contre Ousmane Kabiline Diatta et ses acolytes, qui est confiée au Doyen des juges d’instruction pour complot et autres infractions contre l’autorité de l’Etat, participation à un mouvement insurrectionnel, actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, culture et trafic de chanvre indien. Le mandat de dépôt a été requis ainsi qu’une délégation judicaire pour poursuite des recherches en cours.»