LES RISQUES D'UN SCRUTIN NON SINCÈRE
Avec déjà 87 prétendants pour un fauteuil, le Sénégal va connaître l’une de ses élections les plus controversées - Et l’instauration du parrainage va servir à recaler de gros calibres
La publication de la liste des candidats à la candidature de l’élection présidentielle dont le premier tour est fixé au 24 février 2019 donne du tournis aux électeurs sénégalais. Estimant sans doute qu’un n’importe qui y est arrivé par chance, n’importe qui croit en ses chances d’arriver au pinacle dans six mois. Mais avoir déjà 87 prétendants, et la liste n’est pas encore close, donnerait raison aux actuels tenants de l’Etat, eux qui y ont théorisé et forcé le parrainage des candidatures, à travers un vote sans débat à l’Assemblée nationale. Mais l’affaire s’avère être un piège des deux côtés, avec les frustrations d’aspirants et les contestations en vue.
La majorité est capable de mobiliser des ressources humaines et surtout financières permettant de trouver les signatures nécessaires au parrainage de son candidat, si ce n’est déjà fait. Ce que l’opposition et beaucoup de candidats indépendants seront incapables de satisfaire. Parce que le prix d’une voix de parrainage risque d’être très cher pour nombre de challengers.
Le coup du pouvoir assuré avec des candidats à la candidature aussi fantoches, relevés sur la liste des 87 dévoilée, il ne reste plus qu’à l’opinion de tout de suite se dire que le régime de Macky Sall a raison d’imposer la collecte de parrains pour les candidatures. Il est clair que si la volonté du pouvoir était de vraiment faire le tri, il aurait dû commencer par exiger d’avance la caution aux candidats avant de donner à ceux qui auront fait un tour à la Caisse des dépôts et consignations les bulletins pour le parrainage. Mais puisque cela arrange le pouvoir de faire constater cette inflation de liste, il a cautionné cette pagaille en vue. Mais avec plus de 87 candidats à la candidature dont certains seraient parrainés par qui on sait, comme lors des élections législatives du 30 juillet 2017, le pouvoir a d’ores et déjà semé les germes d’une contestation. Car, avec l’aide du Conseil constitutionnel, qui va faire et refaire les comptes pour éliminer certains caciques qui n’auraient pas satisfait aux exigences, des leaders vont vite appeler au boycott du scrutin et vilipender le régime auprès de la communauté internationale.
Si tout cela se termine par un bras de fer avec boycott, les élections seront entachées d’insincérité. Et celui qui sera élu sera sans doute légal, mais pas légitime.
Le pouvoir justifie le parrainage par la nécessité de rationaliser le nombre de candidats. Pourtant, lors des trois dernières élections présidentielles, le Sénégal n’a pas connu de floraison de candidatures pouvant nécessiter un tamisage. L’élection présidentielle de 2000 n’a enregistré que 8 candidats : il s’agissait d’Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Moustapha Niasse, Landing Savané, Djibo Ka, Iba Der Thiam, Serigne Ousseynou Fall, Cheikh Abdoulaye Dièye et Mademba Sock.
En 2007, le scrutin a presque enregistré le double de celui d’avant. Ils étaient quinze sur la ligne de départ: Abdoulaye Bathily, Alioune Mbaye, Doudou Ndoye, Cheikh Bamba Dièye, Idrissa Seck, Louis Jacques Senghor, Mamadou Lamine Diallo, Mame Adama Gueye, Modou Dia, Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Robert Sagna, Talla Sylla, Abdoulaye Wade, Landing Savané.
Et lors de l’élection de Macky Sall en 2012, ils étaient 14 en course. Le président sortant, Abdoulaye Wade qui briguait un troisième mandat, faisait face à trois de ses anciens Premiers ministres, Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Macky Sall. Outre ces quatre précités, dix autres prétendants complétaient la liste : Ousmane Tanor Dieng, Mor Dieng, Cheikh Tidiane Gadio, Cheikh Bamba Dièye, Doudou Ndoye, Djibril Ngom, Ibrahima Fall, Oumar Khassimou Dia et deux femmes Diouma Dieng Diakhaté et Amsatou Sow Sidibé.