« SANS KHALIFA SALL, IL N’Y AURA PAS DE SCRUTIN EN FRANCE ET LE RESTE DE L’EUROPE »
Le 17 avril dernier, à Paris, le cortège du président de la République Macky Sall était conspué avant d’être « enfariné » par des manifestants sénégalais en colère contre la loi sur le parrainage - ENTRETIEN AVEC L'INSTIGATEUR
Le 17 avril dernier, à Paris, le cortège du président de la République Macky Sall était conspué avant d’être « enfariné » par des manifestants sénégalais en colère contre la loi sur le parrainage. Le principal instigateur de cette manifestation inédite n’était autre que l’ancien international de basketball, notre compatriote Lopy Diagne. Qui se trouve présentement à Dakar où il est venu passer la Tabaski en famille. « Le Témoin » a réussi à localiser l’ « enfarineur » du Président pour un entretien exclusif !
Le Témoin : En avril dernier, le cortège du président de la République a été violemment sifflé dans les rues de Paris avant d’être « enfariné » par des manifestants en colère au premier rang desquels il y avait vous. Que s’est-il réellement passé ce jour-là ?
Lopy Diagne : Ce qui s’est passé ce jour-là à Paris n’était rien d’autre qu’une révolte de la part de la communauté sénégalaise vivant en France. Laquelle tenait à manifester sa colère contre la loi sur le parrainage initiée parle président Macky Sall. Si je vous dis que ces manifestations étaient spontanées, vous n’allez pas me croire ! Et pourtant, c’est la réalité puisque tout a été décidé le jour même, c’est-à-dire à l’arrivée du président Macky Sall à Paris. C’est à la place Trocadéro qu’on s’est réussi à l’instigation de Babacar Diop du Pds, Cheikh Sall du parti Pastef d’Ousmane Sonko et moi Lopy Diagne, le khalifiste. Et si notre projet de manifestation avait connu une forte adhésion à la fois massive et spontanée, c’est du fait de voir le président Macky Sall fuir le Sénégal deux jours avant le vote prévu de cette loi, le 19 avril, pour venir se refugier à Paris. Un tel comportement a provoqué la furie des militants de l’opposition au sein de la diaspora en France. Les nombreux opposants dispersés dans les rues et ruelles du 18e arrondissement se sont joints à moi pour aller assiéger le consulat du Sénégal à Paris. Informés que le président Sall n’allait plus venir au consulat, nous avons convergé vers la Résidence du Sénégal à Paris où Macky Sall devait déposer ses valises. Car entre le Consulat et la Résidence, il fallait seulement quinze minutes de marche. Et dès que le cortège présidentiel a aperçu la foule en colère, il s’est mis à tourner en rond en effectuant trois fois le tour du rond-point de la Place Trocadéro. Sans doute le temps de divertir les manifestants et d’attendre les forces de police pour se frayer un passage menant vers la Résidence. Le cortège présidentiel ne pouvait pas faire autrement puisque nous avions bloqué les différentes ruelles. C’est à cet instant précis que l’idée m’est venue d’aller acheter des œufs dans une épicerie se trouvant à côté pour « oeuillasser », pour ne pas dire caillasser le cortège présidentiel. C’était juste une forme non violente d’exprimer notre désapprobation contre la loi sur le parrainage que l’Assemblée nationale de Macky Sall s’apprêtait à voter.
Pourquoi alors y a-t-il eu la farine en lieu et place des œufs ?
Une très bonne question ! D’ailleurs, je prends à témoin mes deux camarades de lutte Babacar Diop et Cheikh Sall. Car, lorsque nous sommes entrés dans l’épicerie pour acheter des œufs, nous n’avions pas 8 euros en pièces de monnaie du fait que le paiement par carte « bleue » n’est accepté qu’à partir de 10 euros. Et nous n’avions plus de temps à perdre, nous avons acheté un sachet de farine à 1,80 euro. Malheureusement, à notre retour de l’épicerie, le président Sall était déjà dans la Résidence. Comme nous étions décidés à nous faire entendre et manifester notre colère, j’ai enfariné le cortège stationné devant la résidence. Et le cameraman du nom de Belly Sy, venant aux nouvelles, a malheureusement essuyé des jets de farine. Dans la mêlée, d’autres camarades de l’opposition ont envahi le cortège du chef de l’Etat, en huant et sifflant pour dire non au projet de loi sur le parrainage en vue de la présidentielle de 2019. Les policiers de Paris avaient toutes les peines du monde à s’interposer entre les manifestants de l’opposition que nous sommes et les nervis de l’Apr recrutés par un ancien lutteur de l’écurie de Fass nommé Boy Naar
Y avait-t-il eu des arrestations par la police ?
Aucun manifestant n’a été arrêté par la police, aucun opposant n’a été brutalisé par les forces de l’ordre ! Et pourtant, nous n’avions pas d’autorisation de manifester bien que le préfet de police de Paris m’ait conseillé par la suite que, pour la prochaine fois, il faudra déposer une déclaration de manifestation qui sera acceptée. Vous voyez comment la France est un pays de liberté ! Un très beau pays où le droit à manifester pacifiquement fait partie des libertés fondamentales. Parce qu’en dehors de la manifestation, l’opposition n’a aucun instrument ou pouvoir pour s’exprimer publiquement dans la rue. Bien évidemment, si c’était ici à Dakar, nous allions tous mourir entre les mains des policiers. En tout cas, mes co-compatriotes et moi ne nous sommes pas trompés d’avoir choisi la double nationalité c’est-à-dire sénégalaise et française. Car, la France est un exemple en matière de libertés démocratiques.
Pourtant, à la fin vos manifestations hostiles, le président Macky Sall aurait été trop fair-play au point de dire à ses militants que si l’opposition est arrivée à leur mener la vie difficile à Paris, c’est parce qu’ils se mènent des guerres fratricides.
Non ! Le président Macky Sall n’a pas été fairplay ! Seulement, il a été surpris par cette manifestation inédite qu’aucun responsable de l’Apr ou de Bby n’avait vu venir. Pire, l’Apr et Bby sont trop minoritaires en France comme partout en Europe pour tenir tête à une opposition unie et solidaire.
Selon vous, qui connaissez très bien la situation là-bas, quels sont les partis politiques sénégalais les mieux représentés en France ?
Vous savez, si je réponds à votre question, j’imagine des lecteurs dire que ce sont les propos d’un partisan de Khalifa Sall. Seulement, j’aurais souhaité que le président de la République sollicite les services d’un institut de sondage français pour avoir une large idée de son impopularité à quelques mois de la présidentielle de 2019. Partout où je pars en France comme en Italie, en Espagne ou en Allemagne, les Sénégalais ne me parlent que de Khalifa Sall, Karim Wade et Ousmane Sonko. A ma grande surprise, le parti Pastef d’Ousmane Sonko fait une progression fulgurante en matière de notoriété et de popularité. Khalifa Sall, lui, a gagné en sympathie à cause de son emprisonnement. Moi, je suis dakarois! Et je n’ai jamais pensé soutenir les actions ou activités politiques de Khalifa Sall qui est mon maire. Mais c’est au lendemain de son arrestation que j’ai décidé d’être un militant révolutionnaire afin de combattre le régime autoritaire et policier de Macky Sall. Et pourtant, j’ai ma société à Paris et je travaille bien pour gagner ma vie. Je ne suis pas un chômeur qui s’active dans les manifestations de l’opposition. Donc, si je perds toute une journée de travail en France pour venir manifester ma colère contre le président Macky Sall, c’est parce que le Sénégal va trop mal ! Et l’emprisonnement arbitraire de trop, c’est celui de Barthélémy Dias dont les propos jugés outrageux ne méritaient vraiment pas une si lourde peine. En tout cas, l’emprisonnement de Barthélémy Dias fait trop mal aux Sénégalais de la Diaspora. Vous savez, Barth a eu la chance d’accéder facilement aux médias (télévision et radio) contrairement aux millions de « Barthélémy Dias » fondus dans la masse silencieuse. Ces millions de « Barth » ont le même courage et la même témérité que le maire de Mermoz, mais malheureusement ils n’ont pas accès aux médias pour assurer la relève. Juste pour dire qu’en mettant en prison Barthélémy Dias, il y en aura d’autres qui, bientôt, vont apparaître. Allez dans les réseaux et médias sociaux, vous verrez que ca va chauffer pour la présidentielle 2019
Pensez-vous que la candidature Khalifa Sall sera validée par le Conseil constitutionnel ?
Si Khalifa Sall n’est pas candidat pour la présidentielle de 2019, il n’y aura pas de vote en France ni ailleurs en Europe. Déjà, tous les opposants de la diaspora ont déjà planifié un plan dans ce sens. Peut-être que les Sénégalais vont voter dans les bureaux au Sénégal, mais pas en France et le reste de l’Europe. En temps opportun, nous allons aviser les responsables de l’Union européenne pour les sensibiliser sur la façon dont nous allons empêcher le scrutin sénégalais en Europe. D’ailleurs, je vous donne une information de taille ! Karim Wade sera désigné par les libéraux pour représenter la famille libérale à la prochaine réunion de l’Internationale libérale prévue à Dakar dans le courant de novembre prochain. Autrement dit, je vois mal comment le président Sall pourra-t il l’empêcher de venir à Dakar pour assister à cette réunion de l’Internationale libérale !