SI LES SÉNÉGALAIS NE SE RETROUVENT PAS DANS CE QUE MACKY SALL FAIT
IBRAHIMA BADIANE, COORDONNATEUR DE «BENNO SIGGIL SENEGAAL»
Coordonnateur de «Benno Siggil Senegaal» (BSS) et membre du Secrétariat exécutif permanent de «Benno bokk yakaar», Ibrahima Badiane ne fait pas dans la dentelle, lorsqu’il s’agit pour lui de diagnostiquer les maux qui gangrènent la coalition au pouvoir. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le président de l’Union des forces nouvelles (Ufn) assène, sans détour, ses vérités.
Où en est «Benno Siggil Senegaal» dans la perspective des prochaines joutes électorales ?
Pour ce qui concerne «Benno Siggil Senegaal», la dernière réunion, lundi dernier, nous a permis de déterminer un certain nombre d'activités et de désigner des responsables pour mener ces activités-là. Et parmi ces activités, il y a la mise en place des comités locaux. Nous aurons 45 comités de base. Nous pensons que, pour préparer les Législatives qui auront lieu en 2017, il faut nécessairement qu'il y ait des comités de base qui puissent servir de réceptacle à ce que nous faisons. Ça nous permettra de faire des tournées, d'aller parler aux populations, de nous préparer, de redynamiser nos bases, et également de communiquer sur le Plan Sénégal émergent et les nombreuses réalisations que le Président a faites. Malheureusement, «Benno bokk yakaar» (Bby), jusqu'à présent, n'est pas parvenu à bien communiquer sur ce domaine. Et au-delà de la mise en place de ces comités locaux, «Benno Siggil Senegaal» est en train de mettre en place un comité de réflexion pour produire un document qui devrait nous servir de base de discussions avec notre futur candidat, Macky Sall. Car même si on ne l'a pas dit, jusqu'à présent, il n'y a pas un deuxième candidat. Lui, tout le monde sait qu'il est candidat à sa réélection. Nous sommes en train de préparer un document. Parce que nous pensons que 2017 ne sera pas comme 2012, lorsque nous l'avions soutenu sans condition.
Est-ce à dire que vous comptez discuter sérieusement avec le Président Macky Sall ?
Avant d'aller à la prochaine Présidentielle, il faut nécessairement qu'on puisse discuter avec lui, qu'on lui dise notre façon de voir en ce qui concerne la gouvernance de l'Etat. Nous aussi, nous avons notre programme, notre vision. Et nous voulons apporter notre touche. Ce comité est composé du maire Mamadou Diop, du Pr Maguette Thiam et du Pr Madior Diouf. Ce comité a la prérogative de s'adjoindre qui il voudra. On a également prévu de rencontrer nos alliés de l'Apr et de «Macky 2012», et peut-être éventuellement, d'autres groupes, pour essayer de constituer une plateforme de dialogue et d'échanges sur ce que nous avons en partage. Nous pensons que les alliés devraient se parler pour essayer de voir dans quelle mesure on pourrait atteindre l’objectif qui est de rendre visibles les nombreuses réalisations du Président. Nous irons également vers la presse, les syndicats, les directions techniques, pour discuter avec eux. Des séminaires thématiques et des ateliers de partage sont aussi prévus. Nous savons que, dans tous les cas, il y aura des élections législatives en 2017. Si les gens ne mènent pas d’activités, si les gens ne sont pas visibles, sur quelle base la prochaine liste, même si c’est une liste consensuelle de «Bby», devrait être élaborée. Parce que ça ne doit pas être fait de manière arbitraire. Pour figurer sur cette liste, il faut être dynamique et le justifier. Rien ne dit que le consensus qu’on a réussi lors des Législatives de 2012, que ce consensus-là prévaudra. C’est pourquoi nous voulons prendre les devants, en intégrant tous les scénarii possibles. Aujourd’hui (hier), on a une réunion d’évaluation des tâches. Dans 15 jours, on va devoir encore se voir. Déjà, il y a des leaders qui sont prêts à nous accueillir au niveau de leurs terroirs.
On a comme l’impression que «Bby» est une coalition virtuelle…
Moi, je suis un peu d’accord avec vous. Parce qu’on peut identifier les différents éléments, mais du point de vue de l’efficacité sur le terrain, on ne sent pas «Benno bokk yakaar». Il faudrait voir comment avoir des activités qui puissent nous permettre d’atteindre nos objectifs. L’objectif de «Bby», ce n’était pas seulement d’élire Macky Sall et de s’en limiter là, ou de passer son temps à sortir des communiqués. Il faut pouvoir se déplacer sur le terrain, mener des activités, vulgariser les réalisations du Président. La réélection du Président ne pourra se faire que, quand les populations auront apprécié ce qu’il a fait. L’objectif du gouvernement est de répondre aux préoccupations des Sénégalais. Si les Sénégalais ne se retrouvent pas dans ce que le Président est en train de faire, sa réélection risque d’être hypothéquée. Malheureusement, jusqu’à présent, «Bby» n’a encore rien fait dans ce domaine. «Bby» sur le papier, c’est magnifique. En dehors du Secrétariat exécutif permanent qui se réunit tous les mardis, et où, quelques fois, les gens passent leur temps à s’invectiver, à s’insulter, à se chamailler - et ce n’est pas l’objectif de ce Secrétariat - il n’y a rien. La semaine dernière, il y a eu la conférence de presse, ça également, jusqu’à présent, c’est timide. Au contraire, les gens ont besoin de se parler, d’échanger, d’agir ensemble, de mener des activités. Malheureusement, ça n’existe pas.
L’idée de la mise en place d’un Groupe de contact au sein de «Bby» est fortement agitée. Qu’en est-il exactement ?
Effectivement, il y a une certaine idée qui voudrait faire renaître ce qu’on a vécu du temps du Benno originel : le Groupe de contact. Avoir un certain nombre de leaders qui se voient et qui prennent des décisions. Je pense que ce n’est pas une bonne chose. Parce qu’à l’échelle du pays, il n’y a pas une organisation qui est inutile. Toutes les organisations se valent. Il se trouve que certaines organisations sont dirigées par des leaders qui ont eu un vécu au niveau de l’Etat, qui ont bénéficié, à un moment donné, d’avantages, de positions, mais en termes d’amour pour l’Etat et pour son pays, on ne peut pas dire qu’ils ont fait plus que les autres. C’est la raison pour laquelle, j’estime que toutes les organisations membres de «Bby» se valent. De ce point de vue, moi, je ne peux pas accepter que certains puissent être plus importants que le reste de la troupe. Nous sommes environ 150 organisations, qu’il y ait 9 personnes qui se voient et qui décident, j’estime que ce n’est pas bon. Il faudrait considérer chaque membre de «Bby», il faudrait les respecter tous.
Abordons maintenant la question de la candidature qui semble, aujourd’hui, être reléguée au second plan…
Aujourd’hui, il y a la problématique de la candidature du président de la République qui pose problème. Le Président nous avait demandé, lorsqu’il nous recevait le 22 mars dernier, d’instruire la question de la candidature, de sorte que cette question-là puisse être vidée au plus tard à la fin du mois de juin. Et jusqu’à présent, le Président n’est pas revenu sur ça. Seulement, il se trouve qu’il y a des organisations membres qui avaient estimé, et qui continuent de soutenir que, pour le moment, l’heure n’est pas à ça. Ça veut dire qu’eux, ils ne sont pas encore prêts pour choisir leur candidat. C’est vrai que chaque organisation est libre et indépendante, mais le Président aurait souhaité que cette question soit vidée, pour lui permettre, lui aussi, de dérouler. Ça, il nous l’avait dit clairement. Il faudrait, quand même, qu’il puisse savoir ceux qui sont avec lui. Aujourd’hui, les gens ont besoin de savoir qui est avec le Président. Il faut, au moins, que les gens puissent s’identifier, et essayer de voir comment faire pour assurer un bon maillage du territoire. Tant que cette question ne sera pas vidée, on va encore rester dans les louvoiements, et les gens vont toujours faire dans la surenchère. Parce que ça les arrange, ceux-là qui ne veulent pas que la question de la candidature soit vidée. Il faut que la question soit vidée. On pouvait vider la question de la candidature pour qu’on sache que tel est pour, tel ne s’est pas encore déterminé, et tel est contre. On peut réunir ces trois composantes, et continuer à parler au nom de «Bby». Et cela permettrait à ceux qui soutiennent la candidature du Président de pouvoir être ensemble, d’élaborer et de pouvoir agir ensemble. Aujourd’hui, on a besoin de clarté, de lisibilité. C’est pourquoi je suis content d’entendre mon ami Ousseynou Faye parler de sa plateforme citoyenne. Nous sommes en phase avec lui. Nous avons mis en place le Moufap (Mouvement des forces d’appui pour l’émergence du Sénégal). Il faut qu’on voie dans quelle mesure on pourrait joindre nos idées.
Ne pensez-vous pas qu’à moins de deux ans de la Présidentielle, le compte à rebours devrait être déclenché, et que les alliés devraient se déterminer rapidement par rapport à la candidature de Macky Sall ?
Moi, je pense même que c’est trop tard. Parce que le Président, dans son discours du nouvel an, nécessairement, va parler de la réduction de son mandat, des réformes institutionnelles. Mais, jusqu’à présent, on n’a pas réussi à vider cette question. Le compte à rebours a démarré depuis longtemps. Si jusqu’au 31 décembre, on ne fait pratiquement rien, ce sera trop tard. De sorte que moi, j’estime qu’il faut que tous ceux qui veulent vraiment soutenir le Président sortent des bois et se fassent connaître. Je demande au Président, solennellement, de recevoir les différentes coalitions. Parce qu’il ne peut pas, depuis qu’il a été élu, ne pas les rencontrer. Le Président a besoin de savoir ce qui se passe, et ce que les gens pensent au sein des coalitions. Aujourd’hui, on a 5 grandes coalitions. Si le Président rencontre ces 5 grandes coalitions, il devrait avoir, en principe, tous les détails qu’il faut, et ça devrait permettre des échanges francs, sincères et fructueux. Je crois qu’avant le 31 décembre, il devrait rencontrer les différentes coalitions.
Vous avez dit tantôt qu’il y a des organisations qui ne veulent pas que la question de la candidature soit vidée. Quelles sont ces organisations ?
Il y a des partis qui estiment qu’ils ont mis en place des commissions, que ces commissions travaillent pour identifier le candidat ou réfléchir sur les mécanismes du choix, qu’ils n’ont pas encore terminé le travail, et que, par conséquent, donc, ils ne peuvent pas encore se déterminer. D’autres estiment que ce qui est le plus important, c’est de faire, d’abord, le bilan du compagnonnage politique, et également le bilan des programmes. Ça, c’est histoire de rallonger le débat. Le compagnonnage politique, on le vit tous les jours. Il y a des gens qui sont dans le gouvernement et qui bénéficient de tous les privilèges et qui ne veulent pas se déterminer, aujourd’hui.
Vous faites allusion aux socialistes ?
Je ne citerai pas de noms. Mais, il n’y a pas que le Ps, il y en a d’autres. Tous ces gens-là qui le disent, j’ai l’impression que c’est un élément chantage. Il faudrait que les gens évitent la surenchère, les pressions, le chantage. C’est inacceptable.