TAXAWU/ YEWWI : EVENTUELLES CONSEQUENCES D'UNE SEPARATION ANNONCEE...
La coalition de l’opposition n’entend plus laisser Khalifa Sall, l'édile de Dakarl, poursuivre des actes aux antipodes des règles qui régissent son fonctionnement. Une séparation qui, si elle est définitive, ne sera pas sans conséquences...
Même si le divorce n’est pas encore officiellement acté entre Yewwi et Taxawu Sénégal, on peut prédire une proche séparation entre ces deux entités politiques. La grande coalition de l’opposition n’entend plus, selon son dernier communiqué, laisser Khalifa Sall, leader de Taxawou Sénégal, poursuivre des actes aux antipodes des règles qui régissent son fonctionnement. Une séparation qui, si elle est définitive, ne sera pas sans conséquences...
Cette coalition, connue pour son opposition radicale au pouvoir en place et à son chef, le président Macky Sall, avait été mise en place pour aller ensemble aux élections municipales et législatives. Et les bons résultats obtenus à l’issue de ces deux consultations électorales lui ont permis de s’imposer sur la scène politique comme pratiquement la première force politique du pays. Toutefois, les partis membres de cette coalition avaient convenu de la liberté pour le leader de chacun d’eux de se présenter à l’élection présidentielle. Le seul engagement pris était qu’en cas de second tour, le candidat issu de cette coalition le mieux placé serait soutenu par tous les autres partis. Mais voilà que depuis la poignée de main de Barthélémy Diaz, la révélation faite par le même maire de Dakar d’une audience avec le président Macky Sall, ennemi juré de Yewwi Askan Wi, l’accolade de Khalifa Sall avec le même président Macky Sall, la décision de l’ancien et du nouveau maires de Dakar de participer au dialogue national en cours, tout cela a engendré des suspicions entre les membres de la coalition. En effet, il est reproché à Khalifa Sall de poser des actes aux antipodes des règles qui régissent la coalition notamment sa décision d’aller répondre au dialogue lancé par le chef de l’État lui-même. Si cette position de Taxawu Sénégal de répondre à la main tendue du chef de l’Etat a été clairement expliquée par son leader, cela n’a pas pour autant mis fin à la suspicion nourrie par les militants de Yewwi à l’endroit de l’ex maire de Dakar accusé de préparer un « deal » avec le Palais. Preuve de ce désamour, les huées dont il a été l’objet lors du meeting organisé par le F24 à la Place de la Nation.
Khalifa, un incompris ?
Bien qu’il ait décidé de prendre part au dialogue, Khalifa Sall n’a jamais cessé de marteler qu’il reste dans l’opposition. Il a toujours manifesté un soutien indéfectible à Ousmane Sonko en dénonçant les injustices que subit le leader de Pastef et chef de l’opposition. Il a aussi dénoncé avec constance le troisième mandat de Macky Sall et se bat sans relâche pour des élections inclusives auxquelles non seulement lui mais aussi Karim Wade et Ousmane Sonko, entre autres, pourraient participer. Last but not least, Khalifa Sall plaide pour la libération de tous les détenus politiques du pays. D’ailleurs, il n’a pas manqué de souligner avec beaucoup de courage tous ces points lors de la cérémonie de lancement du dialogue national devant le chef de l’État. Ce faisant, il portait les principales doléances de Yewwi. Donc qu’est-ce qui peut expliquer les divergences entre le socialiste et les autres membres de ladite coalition ? Selon un spécialiste des questions politiques consulté par nos soins, l’ancien maire de Dakar joue sa survie politique. «Il faut comprendre que Khalifa Sall est en train de jouer sa toute dernière carte pour avoir la chance de retrouver son éligibilité. Et cette chance qui est entre les mains du président de la République qui a appelé au dialogue, il ne doit pas la laisser passer. C’est pourquoi il fera tout pour la saisir. Le reste c’est après. Mais pour l’heure il faut qu’il se donne les moyens de réintégrer le jeu politique» a-t-il analysé. D’après notre interlocuteur, c’est sous ce prisme qu’il faut comprendre la décision de Khalifa Sall — de participer au dialogue — qu’il juge «logique, compréhensible et très réfléchie». S’agissant des attaques et menaces de Yewwi qui ne cautionne pas cette démarche, notre spécialiste les explique en ces termes : «les autres leaders de cette coalition sont dans leur rôle. On peut le leur concéder. Mais il faudrait qu’ils se montrent moins exigeants. Quiconque parmi eux serait dans la position de Khalifa allait adopter la même posture». Poursuivant, notre interlocuteur estime que «maintenant, il faut souhaiter que, sur tous les points pour lesquels l’opposition est en train de lutter, Khalifa puisse arracher des points de convergence à l’issue du dialogue. Ce serait une grande victoire pour la démocratie et un pas important vers l’apaisement du climat politique» soutient notre interlocuteur. Toutefois, il admet qu’un leader de la trempe d’Ousmane Sonko «peut avoir toutes les raisons de ne pas prendre part à la table de discussion vu tout ce qui lui arrive et qu’il impute au président de la République. Donc, vu sous cet angle, il peut considérer que le dialogue manque de sincérité et ne garantit pas une solution durable. Il en est de même pour tous ceux qui exigent des préalables ou qui soupçonnent des compromissions de nature à fausser l’esprit de ce dialogue» a-t-il ajouté. D’après toujours notre interlocuteur, la situation que traverse le Sénégal est assez compliquée aussi bien au plan social qu’au niveau politique. C’est la raison pour laquelle il invite l’État et les acteurs politiques à mettre en avant l’intérêt général et à travailler ensemble pour un Sénégal prospère en termes de développement et de stabilité.
Les conséquences d’un divorce imminent...
Considéré comme l’un des hommes plus expérimentés de la classe politique actuelle vu son background, Khalifa Sall est un leader sur qui il faut beaucoup compter pour la prochaine élection présidentielle. L’ancien maire de Dakar, après avoir été emprisonné par l’actuel régime, a réussi malgré tout à rebondir jusqu’à devenir une des figures emblématiques de l’opposition. Une renaissance devenue réalité depuis la victoire de Barthélémy Dias aux dernières élections locales qui l’ont vu conquérir la mairie de Dakar et à laquelle il a beaucoup contribué. Au sein de Yewwi également, sa présence dans la conférence des leaders a été d’un grand apport notamment grâce à sa base politique dans la capitale et la présence de Taxawu Sénégal dans tous les départements du pays. Toujours est-il que les divergences qui l’opposent en ce moment aux autres composantes de cette coalition dont il est un des fondateurs ne seront pas sans conséquences. C’est du moins l’avis de notre analyste politique d’après qui les choses se jouent à deux niveaux. «Khalifa Sall n’a pas intérêt à se séparer de Yewwi puisque, tant qu’il reste dans cette coalition, il peut être vu comme un vrai opposant au pouvoir en place et gagner davantage l’estime des populations. Et au cas où il redeviendrait éligible, il pourrait agrandir sa famille politique par l’adhésion de tout ceux qui sont contre le pouvoir et qui voient en lui la constance, l’expérience, la politesse qui sont des valeurs dans notre pays» explique notre consultant. Précisant sa pensée, il explique qu’en l’état actuel de la situation politique, tout leader qui est soupçonné d’être de connivence avec le régime peut le payer cher. Toutefois, «le contexte peut évoluer» estime-t-il. En guise de conseils, il invite le chef de Taxawu Sénégal à poursuivre le dialogue tout en évitant de se séparer de Yewwi. Parlant justement de cette coalition qui, par un communiqué, a presque acté son divorce avec Khalifa Sall, il a prédit que la première conséquence peut se traduire par l’éclatement du groupe parlementaire de la coalition. Ce qui va affaiblir sa force à l’Assemblée nationale surtout lors du vote de certaines lois de grande importance et donner moins d’entrain aux débats. Au-delà de la capacité de mobilisation, l’opposition a également besoin d’ « expérience, de charisme, de sagesse et de maîtrise du fonctionnement de l’État». Et toutes ces qualités «Khalifa Sall les incarne» soutient en conclusion notre spécialiste des questions politiques.