UNE VICTOIRE AU GOÛT AMER OBTENUE AU FORCEPS
S’il y a autant de suspicions et de contestations des différents scrutins, c’est par ce qu’il y a une obsolescence des institutions tant décriées et auxquelles bon nombre de citoyens n’ont plus confiance - DÉCLARATION DE TAXAW TEAM
SenePlus publie ci-dessous, la déclaration de Taxaw Team, datée du 15 mars 2019, relative au déroulement de la présidentielle du 24 février.
« Le Directoire Exécutif de Taxaw Temm (TT) a analysé le scrutin présidentiel du 24 Février 2019.
Le candidat sortant Macky Sall a été déclaré vainqueur par le Conseil Constitutionnel, à 58, 26 % des suffrages valablement exprimés, ce qui signifie que 41,74% des Sénégalais ont pratiquement et réellement voté contre lui ; s’y ajoutent les 34 % d’abstention (2 256 699 de citoyens) soit autant que ceux qui ont voté en faveur du candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar (2 554 605). Rapportée à l’ensemble du corps électoral officiel (les Sénégalais en âge de voter), cette « victoire/défaite » représente seulement 38% de ce corps électoral, soit un peu plus du tiers (1/3), encore que des centaines de milliers de nos compatriotes surtout les primo-votants constitués essentiellement de jeunes ont été privés du droit de vote, par tout un tas de subterfuges, de manipulations, depuis l’identification jusqu’à la répartition des électeurs.
Choix douloureux
Il apparaît donc clair qu’il s’agit d’une « victoire » au goût amer, obtenu au forceps, par un viol et l’achat de consciences avec les moyens de l’Etat, par un processus électoral vicié dès le départ et tout au long de son déroulement, clôturé par le marteau du parrainage censitaire. Tout ceci sous le regard impuissant d’une opposition médusée, qui aura perdu beaucoup de temps et d’énergie dans les batailles de positionnement à se ressaisir. Bref, les déclarés vaincus, ont été ko et les vainqueurs groggy.
TT salue toutefois la maturité du peuple sénégalais qui a voté massivement (plus 60 % des inscrits), il a exprimé ses attentes et espoirs de manières diverses. Il a souffert à certains moments, comme dans le passé, devant le spectacle de nombreux immolés à l’autel de l’inorganisation, de la corruption, de la violence gratuite et de la bêtise.
Défaite révolutionnaire
Cette élection illustre la cristallisation du vote identitaire, culturaliste, d’allure essentialiste. Ce qui illustre la régression politique et idéologique notée au Sénégal depuis décennies, régression accélérée par l’échec de l’Acte III de la décentralisation, par l’augmentation des désespoirs et des angoisses. Il faudra bien panser les blessures, ressouder les tissus, articuler solidarités locale, nationale, africaine et internationale.
Rétrospective et perspective
Ce scrutin fait suite à un référendum chaotique ainsi qu’à des législatives calamiteuses dont le pouvoir est sorti à chaque fois minoritaire, le tout un seul et même objectif obsessionnel, à savoir un second mandat au premier tour, en mettant à contribution toutes les techniques anciennes et nouvelles, tous les leviers et moyens de l’Etat ainsi que de l’administration politisée à outrance.
Au regard du vécu de toutes ces élections (législatives et présidentielles) et consultations (référendum), le principal enseignement à tirer et qui constitue en même temps une exigence citoyenne, c’est la refondation des institutions à la lumière des Assises Nationales Politiques et des recommandations de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI).
S’il y a autant de suspicions et de contestations des différents scrutins, c’est par ce qu’il y a une obsolescence des institutions tant décriées et auxquelles bon nombre de citoyens n’ont plus confiance, telle que la Justice perçue trop partisane et instrumentalisée par l’Exécutif, telle une Assemblée Nationale, qui ne reflète pas la proportionnelle des forces socio-politiques, bref une Assemblée foire aux empoignades et qui demeure une caisse de résonnance.
Des choix douloureux balançaient entre cinq (5) jours d’enfer ou cinq (5) années de tristesse, de purgatoire. Le choix a été fait par la majorité des acteurs d’éviter les cinq (5) jours d’enfer. Reste maintenant le vivre ensemble en politique, en économie, en société, pour les cinq (5) prochaines années. D’où la résurgence du grand débat sur le dialogue sur lequel T.T s’est prononcé maintes fois dont les contours sont pourtant indiqués par les Assises Nationales (cf Annexes 1 et 2).
Espoir dans la résilience
C’est l’occasion de réaffirmer les principes de TT à travers ses quatre (4) R : rassembler les patriotes, restaurer les valeurs cardinales, rebâtir l'Etat de droit, et relancer le développement économique et social TT reste constant et cohérent dans sa démarche unitaire et patriotique, envers tous ceux qui croient aux valeurs républicaines, démocratiques, patriotiques et qui partagent la même vision que nous au sein d’un pôle alternatif.
Pour TT, l’élection présidentielle n’a jamais été une obsession, raison pour laquelle il a opté pour l’articulation entre la présidentielle et les élections locales et législatives, avec des alliés déterminés et solidaires, comptant d’abord et avant tout sur leurs propres forces. TT reste convaincu que l’opposition progressiste et patriotique ne pourra triompher aussi longtemps qu’elle restera minée par le sectarisme et le nombrilisme. La faiblesse des partis politiques, l’éclatement et la dispersion de la société civile, sont autant d’entraves qui retardent les transformations positives.
L’exercice de bilan à notre niveau, doit être approfondi, étendu et partagé dans le temps et l’espace (depuis les expériences de Benno, Forces de l’espoir, Samm Li Ñi Bokk, Ndawi Askan Wi, Alternative Africaine Solidaire, Fippu Alternative Citoyenne, Front National de Résistance), pour nous permettre de relever les défis du court, du moyen et du long terme. L’espoir est permis pour ceux et celles qui peuvent relever la tête, rouvrir les yeux ou leurs oreilles, marcher sur leurs jambes ou avec leurs bras avec une partie de leurs corps. Le champ est vaste, le temps est long mais il faut savoir saisir les bons moments pour reconstruire, accélérer et vivre mieux.
« Ce qu’il faut retenir d’essentiel, c’est l’illustration du décalage entre légalité et légitimité, un grand défi que les démocraties républicaines ou les républiques démocratiques doivent relever, au risque de dégénérer en royaumes ou empires fragiles. Il faut aussi prendre au sérieux le défi de la citoyenneté totale et entière pour éviter les exclusions dangereuses. Si le fossé entre corps civique et corps électoral s’élargit, il faut s’attendre à des surprises désagréables. Donc même s’il faut s’atteler à l’urgence du dialogue franc et ouvert conduit par une équipe crédible, force est de prêter attention à l’éducation de tous les citoyens dans la culture démocratique et républicaine.
C’est sur ce socle triangulaire (citoyenneté, refondation des institutions et éducation totale et permanente) qu’on peut bâtir un Sénégal où il fera bon vivre. »