WADE FAISEUR DE ROIS
Convoité de toutes parts, le PDS éconduit pour le moment, tous ses prétendants - De l'avis de nombreux observateurs, l’électorat de la formation libérale pourrait être la clé de voûte de la prochaine présidentielle
Une perle rare. Avec un leader charismatique et toujours captivant, l’électorat du Parti démocratique sénégalais, à l’orée de l’élection présidentielle de 2019, fait l’objet de toutes les convoitises. Dans et en dehors des flancs du parti libéral. Même décimé, le Parti démocratique sénégalais (PDS) reste ainsi une formation qui attire, telle une toute jeune fée perdue au milieu d’une foule de garçons.
Aux yeux de nombre de candidats à la prochaine présidentielle, le PDS se présente comme le partenaire idéal, l’allié indispensable pour renverser l’ogre Benno Bokk Yaakaar. Aucun ne veut froisser son leader à qui les électeurs vouent une affection inconsidérée.
Pour le journaliste Pape Sané, ‘’le président de la République, Macky Sall, l’a si bien compris qu’il est en train de tout faire pour déstructurer ce parti, en lui enlevant ses piliers. En tant qu’ancien directeur de campagne de Wade, il sait très bien ce que représente le PDS qui est une machine de guerre présente partout au Sénégal’’. Le journaliste considère que la stratégie du palais a fait des effets, puisque des pans entiers ont quitté la barque libérale. ‘’Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, même si le parti a été touché, il reste assez fort pour inquiéter la majorité, du fait de son appareil qu’il est le seul à disposer. Aussi, Abdoulaye Wade demeure, malgré toutes les vociférations, la seule constante auprès des militants. Il est toujours aimé, adulé par la base’’.
Pendant que le chef de la majorité tente, par tous les moyens, d’anéantir la machine libérale, la plupart de ses challengers lui font les yeux doux, persuadé qu’un soutien de Wade pourrait beaucoup aider à faire pencher la balance. Ousmane Sonko, depuis quelque temps, ne s’en cache plus. Mais sa fameuse vidéo qui a défrayé la chronique a davantage accéléré les choses. ‘’C’est parce que le pouvoir sait que des discussions sont en cours avec Abdoulaye Wade qu’ils ont fait diffuser cette vidéo’’, lâche-t-il. Il ne s’en arrête pas là. Répondant à un journaliste qui lui demandait s’il n’allait pas présenter des excuses, il dit : ‘’Si la vidéo avait pu choquer le président Abdoulaye Wade avec qui j’ai de bons rapports, peut-être. Mais ça n’a pas été le cas…’’ Cela est révélateur. Le patriote en chef compte sur la bête politique Wade pour combler ses lacunes.
Cependant, cette posture, analyse Pape Sané, est un couteau à double tranchant. ‘’Ses sympathisants, à partir de ce moment, peuvent se dire qu’il est comme tout le monde, lui qui dit vouloir mettre un terme au système et à cette manière de faire la politique. D’autre part, on peut se dire également qu’il a fait preuve de réalisme. Il sait qu’avec son parti, seul, sans un bon appareil comme celui du Pds, il n’a pas beaucoup de chance’’.
Mais une telle alliance est-elle envisageable ? ‘’L’ancien président peut bien miser sur le cheval Sonko qui a un bon profil. Mais, à mon avis, ce serait de manière discrète. Je vois mal Abdoulaye Wade donner des consignes publiques pour Sonko. Cela me surprendrait. Mais avec Wade, on peut s’attendre à toutes les hypothèses’’.
Ainsi, par les temps qui courent, tous les esprits semblent rivés vers Doha, d’où le ‘’Pape du Sopi’’ tire les ficelles. En effet, en sus d’Ousmane Sonko, d’autres leaders sont en train de tout faire dans le seul dessein de tirer profit d’une éventuelle non-participation du PDS. Même s’ils ne le disent pas. Hadjibou Soumaré fait partie de ce lot. Il en est de même d’Idrissa Seck qui, selon Pape Sané, a peu de chance de profiter, voire de puiser dans le grenier de son ex-mentor. Il souligne : ‘’Il a laissé sa chance derrière lui. Il devait assumer cette part d’héritage qu’il a toujours réclamée, quand le parti était dans des difficultés. Au lieu de le faire, c’est lui qui a parlé de deal entre le PDS et l’APR. Cela n’a fait qu’envenimer les rapports déjà exécrables qu’il avait avec les responsables du parti. La majorité des responsables lui en veulent à mort. Ils pensent qu’Idy est la source de tous leurs maux.’’
Près de 500 000 électeurs dans le flou
Mais qu’est-ce qui fait courir autant tous les leaders politiques en direction du parti d’Abdoulaye Wade ? D’abord, il faut mentionner qu’en dépit de toutes les difficultés et des départs, la coalition portée par le PDS aux dernières élections législatives est arrivée deuxième derrière la majorité, dans presque toutes les régions du Sénégal. En termes d’électeurs, c’est plus de 550 000 voix, malgré le faible taux de participation dans son fief à Mbacké et les couacs dans le retrait des cartes d’électeur. Ce qui fait dire à Pape Sané que ‘’le Pds reste un rouleau compresseur, toujours capable de faire mal à la coalition présidentielle’’. Selon ses estimations, on pourrait créditer le parti de Wade de 80 % des électeurs de la Coalition gagnante. ‘’Et la majeure partie ne sait toujours pas sur quel pied danser’’, affirme-t-il.
En valeur absolue, ce serait 440 000 voix. A ce titre, c’est une des formations qui monte en puissance, depuis ces élections perdues de 2012, même si le parti peine toujours à atteindre sa vitesse de croisière. ‘’Le PDS est l’un des rares partis qui a un capital affectif très fort. Le PS et l’AFP l’avaient, mais leurs leaders ont été lâchés par la base’’, explique notre interlocuteur. En plus d’être présent partout sur le territoire national, le PDS contrôle aujourd’hui des bastions non négligeables sur l’échiquier électoral national et dans la diaspora. C’est le cas, par exemple, de Pikine où les libéraux ont le contrôle de plusieurs communes, ainsi que le département de Mbacké connu pour son poids électoral important.
Pour les élections à venir, cinq entités se détachent, pour le moment, du lot. D’une part, il y a Benno Bokk Yaakaar, presque assurée d’être première. D’autre part, ces challengers que sont le PDS ou le candidat qu’il soutiendra, Khalifa Sall ou le candidat qui aura sa bénédiction, le candidat du Pur et Ousmane Sonko. Pour le journaliste Pape Sané, il ne faut écarter aucun candidat, ‘’celui qui aura le soutien de Wade a toutes les chances d’être au deuxième tour avec Macky Sall’’.