LE DENI DE GROSSESSE PEUT CONCERNER TOUTES LES FEMMES
Dans cette interview accordée à «l’As, Manding Albert Manga, gynécologue obstétricien, fait une échographie de cette maladie qui touche les femmes, toutes catégories confondues

Pathologie figurant dans la classification des maladies de l’Organisation mondiale de la Santé (Oms), le déni de grossesse est méconnu du grand public et même de certains médecins. Dans cette interview accordée à «l’As, Dr Manding Albert Manga, gynécologue obstétricien, fait une échographie de cette maladie qui touche les femmes, toutes catégories confondues.
L’As : qu’est-ce que le déni de grossesse?
Commençons par une définition du mot déni lui-même. Le déni est un mécanisme psychologique mis en place de façon inconsciente pour se protéger d’un évènement perçu comme traumatisant. Le déni de grossesse est le comportement inconscient de négation du fait d’être enceinte que présentent certaines femmes par méconnaissance de leur grossesse. Les changements liés à la grossesse étant biologiquement réduits ou incorrectement perçus. Le déni de grossesse ne doit pas être confondu avec une grossesse cachée, situation dans laquelle la femme choisit délibérément de dissimuler son état à son entourage, tout en ayant bien conscience d’être enceinte.
Quelles sont ses causes et comment se manifeste-t-il ?
Comme je l’ai dit plus haut, le déni de grossesse désigne le fait d’être enceinte sans avoir conscience de l’être. Et pour cause, le corps ne présente aucun des signes habituels de la grossesse : il n’y a pas de ventre, pratiquement pas de prise de poids, ni de masque de grossesse.
Le déni de grossesse concerne généralement quelle catégorie de femmes ? Y a-t-il une possibilité de le vivre lors de la grossesse suivante ?
Le déni de grossesse peut concerner toutes les femmes, jeunes, moins jeunes, issues d’un milieu social aisé ou défavorisé, ou même ayant déjà vécu des grossesses «normales». Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ou ce que certains ont trop souvent laissé croire, le déni de grossesse n’est absolument pas une pathologie d’adolescentes retardées. Plusieurs facteurs peuvent conduire à un déni de grossesse. On peut citer une infertilité supposée (la femme se pense stérile et imagine ne jamais tomber enceinte); des grossesses très rapprochées ; le contexte familial, notamment pour les adolescentes ; l’enfant d’une liaison extraconjugale ; un bébé non désiré et une grossesse résultant d’une agression sexuelle. Mais en réalité, chaque déni de grossesse correspond à une histoire particulière. Dans ce domaine, il est très difficile d’énoncer des généralités.
Quelles sont les conséquences sur la santé de la mère et du fœtus ?
Dans la plupart des cas, une fois le choc de l’annonce passé, les mères ont tendance à positiver et à accepter le bébé. L’enfant ne souffre pas de problèmes physiques ou psychologiques particuliers à la naissance et si sa famille arrive à surmonter la surprise, il grandit comme n’importe quel autre enfant. Des cas d’abandons d’enfants sont ainsi signalés, après un déni de grossesse lorsque la femme n’a pas réussi à admettre l’idée de sa grossesse. De même, les relations entre la mère et l’enfant peuvent être profondément altérées et ce, pendant de longues années. Il n’est pas rare que dans les cas de déni, un accouchement s’accompagne d’un état de sidération et se solde par la mort du bébé, soit accidentellement, soit par manque de soins.
Combien de types de déni existent-ils et quand doivent-ils disparaître?
Plusieurs formes de déni de grossesse sont considérées par les spécialistes. Il y a le déni de grossesse partiel, si la femme découvre sa grossesse avant le terme; le déni de grossesse total, s’il perdure tout au long de la grossesse et se termine par un accouchement inopiné. Il y a aussi le déni de grossesse total qui peut même se poursuivre au-delà de l’accouchement, pendant une période variable selon les femmes.
Dans votre carrière de gynécologue, avez-vous rencontré des patientes atteintes de déni et quel est le traitement qui leur est administré?
Oui, je peux dire même qu’il ne se passe pas une année sans que j’en sois témoin. Le déni de grossesse n’est pas rare au Sénégal. Dans nos services de maternité, il arrive des cas où des femmes accouchent inopinément d’un enfant, suite à un déni de grossesse. Il n’y a que l’accompagnement psychologique ou par moments psychiatrique comme remède à cette situation.