LES CONSOMMATEURS DE PAIN EXPOSES AUX RISQUES DE CONTAMINATION DU CORONAVIRUS
Afin de ralentir la propagation du Covid-19, le ministère du Commerce et les Fédérations de boulangers du Sénégal, ont pris une décision qui oblige les populations à aller acheter le pain au niveau des boulangeries.
Afin de ralentir la propagation du Covid-19, le Ministère du Commerce et les Fédérations de boulangers du Sénégal, ont pris une décision qui oblige les populations à aller acheter le pain au niveau des boulangeries. Cette mesure, qui est entrée en vigueur hier, a créé des bains de foule devant les boulangeries. Ce qui expose les consommateurs à d’énormes risques de contamination au coronavirus, si l’on se fie à certains clients trouvés sur place.
«À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles». Avec la propagation du coronavirus, la vente de pain dans les boutiques de quartiers est interdite. Cette mesure prise par des associations patronales de la boulangerie et le Ministère du Commerce est entrée en vigueur hier partout au Sénégal. Mais à quel prix? C’est ce que «L‘As» a tenté de savoir en faisant un tour dans certaines boutiques et boulangeries de Dakar. Il est 08h à Fass Delorme, rue 22 prolongée. Au coin d’une ruelle se trouve une boulangerie. Ici, une longue file attend depuis 07h d’être servie. Devant la porte, les clients se bousculent, chacun voulant être servi le premier. Après plusieurs tentatives et avoir joué des coudes, nous voilà à l’intérieur de la boulangerie. À l’entrée, un homme d’une trentaine d’années, portant un masque chirurgical et des gants, s’emploie à appliquer du gel hydro-alcoolique aux acheteurs. Derrière le comptoir, quatre jeunes filles vêtues de blouses blanches boutonnées jusqu’au cou, s’activent avec ardeur pour servir du pain aux clients. Dans la pièce règne une cacophonie générale. Les clients crient à tue-tête. «C’est mon tour, donne-moi deux kilos !» hurle un client. Un autre de lancer : « Je prends 7 kilos ! Vous êtes trop lents !» Au même moment, deux jeunes filles sont sur le point de se bagarrer, chacune se disant prioritaire. «C’est mon tour ! Je suis entrée la première ! Non ! Ce n’est pas vrai car je suis là bien avant toi !
D’ailleurs, je t’ai même aperçue quand tu arrivais !» Une autre cliente du nom de Aubaine essaie de jouer le rôle de médiatrice, «S’il vous plaît, calmez-vous et respectez le protocole, nous sommes tous pressés ici. Soyez patientes, on sera tous servis», tonne-t-elle. Dépassée par la situation, une dame ne cache pas son inquiétude. Elle soutient que la vente de pain dans les boulangeries durant cette période ne la rassure pas du tout. «Il y a beaucoup de risques. Je pense que cette mesure a été prise sans peser le pour et le contre. Elle créé non seulement des problèmes aux clients, mais elle favorise également le risque de contamination. Avec ce que j’ai vu dans cette boulangerie aujourd’hui, j’ai bien peur que cette décision fasse beaucoup de malheurs. Les vendeurs essayent d’établir des mesures d’hygiène mais ils ne maîtrisent pas la foule.
Pour preuve, ils laissent plus de dix personnes entrer en même temps. Celà m’inquiète vraiment à l’heure actuelle où personne ne sait qui est porteur du virus», se désole-t-elle. Ce même point de vue est partagé par cette jeune-fille rencontrée non loin de la boulangerie, Ndèye Sarr, qui semble être dépassée par ce bain de foule, pense que cette mesure ne fait qu’augmenter le risque de contamination des populations. D’autant plus que ça favorise les regroupements qui sont supposés être évités en ce moment. «Je pense que je vais me priver de pain ces temps-ci. Avec le monde fou que j’ai vu à la boulangerie ce matin, je n’ose plus revenir. Au lieu de protéger les gens, les populations sont actuellement exposées à plus de risques de contamination. C’est une très mauvaise idée que de soumettre les gens à ça. Finalement, c’est cette interdiction qui risque de propager le virus dans ce quartier. C’est triste parce que les gens ne s’en rendent même pas compte», martèle-t-elle. Contrairement à nos deux premières interlocutrices, cette septuagénaire trouve que l’interdiction de la vente de pain dans les boutiques est une bonne initiative. Dès lors, elle interpelle les autorités pour pérenniser la mesure.
MESURE RESPECTEE DANS LES BOUTIQUES
S’il y a eu une marée humaine dans les boulangeries, c’est parce que les boutiquiers n’ont pas reçu de pain. Assis derrière leurs comptoirs, trois garçons qui tiennent une boutique à Fass Cosmos confient ne pas avoir reçu de pain. «Depuis ce matin, les clients vont et viennent pour acheter du pain. Mais nous les renvoyons aux boulangeries. On n’y croyait vraiment pas mais là, c’est effectif ; on n’a pas reçu une seule baguette ce matin», explique le plus grand d’entre eux, Hamidou Bâ. De l’autre côté de la rue 22 prolongée, à Sahm précisément, ce boutiquier salue cette mesure. Il estime que ça tardait à venir. «Mais il n’est jamais trop tard. Cette situation est certes dure pour certains, mais c’est pour le bien de tous. Je pense que c’est mieux que la manière dont on le vend dans les boutiques, où n’importe quelle personne peut y toucher. Il faut juste que les boulangers mettent en place des normes sanitaires pour assurer le risque zéro pour le pain», dit-il.
LE PAIN CONTINUE D’ETRE VENDU DANS LA RUE
Malgré l’interdiction, le pain continue d’être vendu n’importe comment dans les rues par certains. C’est le cas, pour cette vendeuse de petit-déjeuner répondant sous le nom de Tabaski. «Etant donné que j’ai été informée de cette décision, je me suis levée très tôt pour aller me procurer du pain à la boulangerie du coin. Vu que je vends des sandwichs, je ne peux pas ne pas avoir du pain. Sinon je risque de ne plus vendre. Mais rassurez-vous, je fais tout pour mettre mes baguettes de pain à l’abri de la poussière et des microbes. On n’a pas le choix, autant se conformer à ça et respecter les mesures hygiéniques».