LE DIFFICLE COMBAT CONTRE LE COVID-19
Le virus circule voyage et fait des ravages au Sénégal avec un nombre important de cas graves accueillis dans des structures presque saturées.
Le virus circule voyage et fait des ravages au Sénégal avec un nombre important de cas graves accueillis dans des structures presque saturées. Face à une telle situation, avec surtout les cas communautaires qui prennent l’ascenseur, des médecins se demandent même si le combat n’est pas perdu d’avance.
Les cas positifs et les cas graves, qui sont corollaires aux cas de décès, se multiplient de jour en jour avec le retour des cas importés et la multitude de cas communautaires. Sur 5970 cas déclarés positifs, - ce, depuis le premier cas signalé le 02 mars dernier-, 1930 personnes sont aujourd’hui clouées aux lits des différents centres de traitement et de prise en charge pour coronavirus et que 655 cas issus de la transmission communautaire ont été identifiés par les services sanitaires qui font état de 86 décès. Une ampleur insurmontable !
En effet, l’épidémie progresse à grande enjambée avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes ! Le virus circule, voyage et fait des ravages. Deux semaines durant, on note un bilan macabre inédit de décès par jour. Et les structures dédiées à la prise en charge sont au bord de la saturation. Devant cette situation, les médecins alertent au maximum sur l’essor de l’épidémie du covid-19 au Sénégal, et de l’insouciance des jeunes. Pourtant deux mois après le premier cas, on était à … et que « la gestion de la crise s’était avérée efficace, disait le chef du service des maladies infectieuses du Centre hospitalier et universitaire (Chu) de Fann à Dakar, le Professeur Moussa Seydi qui parlant en connaissance de cause et en vrai témoin a toujours fait dans l’alerte.
Le 28 mars dernier, juste un mois de riposte, il disait ceci : « Si le chiffre de 100 atteints au Sénégal ne vous fait pas peur, vous n’avez pas compris le risque qui nous guette. Les cas commencent à être trop nombreux et si ça continue, nous ne pourrons pas gérer la situation. Pour éviter l’hécatombe, restez chez vous. On va vers beaucoup de décès si la situation devient incontrôlable comme dans les autres pays. Nous n’avons pas les moyens de contenir une vague de malades, donc je demande au sénégalais de respecter les mesures de prévention. Si on ne prend pas des mesures radicales, le Sénégal peut se retrouver avec 10 000 cas ».
Une alerte avec le concours d’experts de la santé qui avait sans doute amené l’Etat à déclarer l’état d’urgence couplé à un couvre-feu. Pour ensuite aller à l’allègement des mesures sous la pression populaire. Lorsque l’ancien coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp), le Dr Moussa Thior avait émis l’idée de laisser circuler le virus pour créer l’effet protection de masse, le chef du service des maladies infectieuses de Fann avait fait une sortie pour préciser qu’une telle proposition pourrait nous mener à une catastrophe.
En visite dans la région sud du pays, à Ziguinchor, il avait relevé que le service de réanimation de leur hôpital n’était pas aux normes ». Un peu plus de 15 jours après, son discours est devenu beaucoup plus alarmant. D’ailleurs, et pas plus tard que le 06 juin dernier, il dénonçait le fait qu’il y aurait eu « beaucoup de patients graves à domicile qui refusent de venir à l’hôpital du fait de la stigmatisation ».
Avant de lâcher le morceau dans une interview accordée à la chaine de télévision internationale, Tv5. Un entretien dans lequel Pr Seydi semble dire implicitement que le combat est perdu d’avance. Les cas positifs, dit-il, augmentent, les décès aussi, et que la contagion communautaire est là. « On y est, donc c’est trop tard. Sans cette contamination communautaire, on aurait pu arrêter l’épidémie très rapidement, et en quelques semaines. Mais maintenant c’est trop tard, on est en plein dedans. Ce qui veux dire que l’épidémie va durer aussi longtemps que prévu ».
Déjà Dr Fallou Samb de l’ordre des médecins n’y est pas allé du dos de la cuillère, à l’hôpital Dalal Jamm de Guédiawaye, dit-il « tous les lits sont occupés ». Et que, s’il y a une « nouvelle inflation », les médecins risquent d’avoir de sérieux problèmes. Parce que les malades pourraient rebrousser chemin sans assistance médicale. Il n’y a pas encore de vague comme il le prédit, pourtant dans certaines structures sanitaires, « des malades qui refusent de rester à l’hôpital, les médecins les laissent partir tout en les expliquant comment assurer leur traitement à la maison. Ce que regrette Dr Elhadji Ndiaye Diop de l’hôpital Ndamatou de Touba pour qui il n’est plus question de « se bagarrer » avec un malade qui refuse d’être interné. Hélas ! « Je crains fort que le combat soit perdu d’avance ».
Cette inquiétude de Dr Jean François Diène, anesthésiste-réanimateur à la Clinique Pasteur de Dakar, il la justifie par le fait que ces derniers jours, les praticiens de la santé assisterait à un rush de malades dans les structures de soins avec des patients qui développent des symptômes de Covid-19. Et que pour les tester, dit-il, « c’est la croix et la bannière ».
En fait, et pour rappel, la transmission communautaire importante fait qu’à l’heure de cet essor d’épidémie au Sénégal, chacun peut rencontrer le virus à chaque coin de la rue. Malgré tout, on note l’insouciance des jeunes qui ne semblent guère traumatisés par le nombre journalier de morts qui dans l’immense majorité des cas est constitué de sujets âgés dont la mort serait presque naturelle. Sur ce, Dr Diène propose le renforcement de l’adhésion communautaire à la riposte et pense qu’« il faudrait que l’Etat remette la pression par rapport à la circulation des personnes, et qu’il soit beaucoup plus regardant sur les rassemblements ».
Au-delà, de l’aspect sanitaire, certaines questions d’ordre anthropologique n’ont pas été totalement prises en charge. Les relais communautaires n’ont pas été bien impliqués. Or la jeunesse obéit à des mots d’ordre liés à leur appartenance communautaire. Pour ne pas dire que la riposte communautaire n’a pas été organisée. C’est pourquoi le directeur de la Prévention au ministère de la Santé et de l’Action sociale demande d’aller vers un engagement communautaire, et une meilleure implication de la population. Pour ce dernier, il est aujourd’hui question de « convaincre la population » à travers la sensibilisation et la communication car « les populations se sont relâchées ».
Face à cette insouciance grandissante, la prévention doit rester la priorité, selon Pr Moussa Seydi de l’hôpital Fann. Eh ben ! Ne devrait-on pas s’allier les leaders d’opinion, les religieux, les relais communautaires, les associations et réseaux de jeunes… ces alliés naturels qui constituent des maillons durs de la… vaste chaine de riposte à différentes parties de responsabilité ?