USURPATION DE FONCTION
Avènement des assistants en pharmacie non qualifiés
Vendeurs en pharmacie, un métier sensible, mais exercé, de plus en plus, par des personnes non habilitées, car non formées à la tâche. Pour en savoir davantage sur les assistants en pharmacie, nous sommes allés sur le terrain pour voir ce qu’il en est réellement.
La présence permanente du pharmacien dans l’officine de pharmacie est une obligation. Mais à cause de la multiplication quasi incontrôlée des pharmacies, la concurrence oblige de retarder l’heure de fermeture des officines ou même de les faire fonctionner sans le personnel habilité. Ce qui peut impacter la bonne application de la réglementation dans le secteur.
En effet, souvent on trouve des assistants vendeurs non qualifiés dans les pharmacies. C’est même devenu la règle, tellement les pharmacies sont devenues nombreuses. On en trouve à tous les coins de rues. Et pourtant, selon les textes en vigueur au Sénégal en la matière, le rôle de l’assistant vendeur doit se limiter au déballage de la commande des produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques, à l’étiquetage, au rangement, à la vente et l’aide à la livraison des médicaments, ainsi qu’à donner aux clients des conseils simples et appropriés.
Sauf que, aujourd’hui, le constat fait est que certains pharmaciens ne se gênent plus pour déléguer la gestion de leur officine à de simples assistants vendeurs. Ce phénomène prend une ampleur inquiétante. Ce qui pousse certains usagers à tirer la sonnette d’alarme sur cette menace à la santé publique.
«Le phénomène n’est guère nouveau. Mais face au silence des pouvoirs publics, il prend des proportions plus inquiétantes. Je ne parle pas pour parler, mais je parle en connaissance de cause. Le 25 décembre dernier, mon fils avait une fièvre qui l’a empêché de bien respirer, je l’ai vite amené dans une pharmacie de mon quartier pour voir ce qui n’allait pas bien. Mais à ma grande surprise, j’y ai trouvé des assistants vendeurs incapables de me dire ce que mon fils avait. Et je peux dire que ça a impacté la maladie de mon fils, car j’ai dû l’amener en urgence à l’hôpital», renseigne Mme Diop Abibatou Sarr.
Le «diplôme yama neex», la principale cause
«Pourtant, je pense que si j’avais trouvé le chef, c’est-à-dire le docteur en pharmacie dans son officine ou des assistants qualifiés, ça pourrait m’éviter tous ces soucis. Même s’il leur est permis de prendre des assistants, il faudra que ces médecins en pharmacie prennent des gens qualifiés pour les assister. Car, l’irresponsabilité gagne de plus en plus du terrain chez les pharmaciens, ce qui peut constituer un grand danger pour les usagers, une véritable contrainte pour la santé publique», confie encore Mme Diop.
Lamine Diallo, un maître tailleur, confirme les propos de Mme Diop. Selon lui, «n’importe qui ne doit pas être admis comme vendeur dans une pharmacie. Car, il s’agit d’une question de santé publique, la vie des gens en dépend. Et si la qualité fait défaut, la santé c’est la vie qui est directement menacée».
«Et le plus grave dans tout ça, c’est qu’il y a même des vendeurs qui ne sont pas diplômés, il suffit juste de pouvoir lire et d’être recasé quelque part dans une officine pour devenir assistante en pharmacie. D’où les ‘diplômes yama neex’ qui font la loi. Il y a même certaines pharmacies où le personnel est strictement constitué des membres de la famille, juste pour éviter les frais à engager un professionnel. Et je pense que ce n’est pas du professionnalisme. Certains businessmens peuvent même aller jusqu’à louer des diplômes pour s’activer dans ce domaine. Ce qui s’oppose strictement à la réglementation sanitaire. Il revient aux pouvoirs publics, pour une bonne régularisation de cette importante profession, d’intervenir», clame le sieur Diallo.
Du rôle du pharmacien
Docteur Diaw Mamadou Lamine, chef d’une pharmacie de la place, soutient et juge même nécessaire «la présence permanente du chef ou d’un diplômé qualifié en la matière dans toute officine». «Le docteur en pharmacie doit être présent en permanence. Raison pour laquelle, je ne m’éloigne pas souvent de mon officine, malgré la compétence du personnel qui s’y trouve», lance-t-il, avec un sourire accueillant.
Une thèse confirmée par le comportement de son assistante à côté de lui. Bien plus accueillante que son patron, la trentaine, un beau sourire, derrière son comptoir, elle fait la navette entre l’accueil et les étagères où sont les produits. Elle gère les clients qui défilent dans cet immense recueil de produits médicaux. Ce paysage sobre donne l’image d’une grande surface de médicaments à l’officine et divulgue le côté classique de la pharmacie.
Du côté des clients qui défilent de part et d’autre, les objectifs sont différents. Si certains sont venus pour acheter des médicaments, d’autres sont là pour se renseigner ou recueillir des conseils de santé. Et le Docteur Diaw, comme on le surnomme, se montre attentif et gentil avec ses clients. Pour lui, «la santé occupe une grande partie de la responsabilité de chacun. Et les pharmaciens doivent être les acteurs principaux. Ils y ont un rôle capital à jouer, c’est pour cela, en plus d’être qualifiés en la matière, ils doivent également se montrer attentifs et gentils envers leurs visiteurs, quelle que soit leur humeur. Et en tant que professionnel pharmaceutique, je me sens obligé de mettre des services de qualité à la disposition du public, quand il le sollicite».
Poursuivant, il souligne : «Nous devons nous comporter différemment pour montrer le point qui nous différencie des autres commerciaux. Car, même si on est tous des commerciaux, les produits que nous vendons doivent avoir une différence avec ceux du boutiquier du quartier, et ce en hygiène, en qualité et en ressources humaines. Notre gamme de services doit être hygiénique, vaste, de qualité et s’appuyer sur les dernières découvertes de la médecine moderne, pour mieux répondre à la demande du public».
Le déficit de pharmaciens inspecteurs, la principale cause du laisser-aller
«Nos collaborateurs, c’est-à-dire ceux avec qui nous travaillons, doivent être qualifiés et s’engagent à donner toute satisfaction à nos clients, tout en respectant le mieux leur pouvoir d’achat sur l’ensemble de notre offre. Moi, par exemple, je travaille avec des diplômés. Mais n’empêche, quand même je les entraîne sur le terrain pendant une longue durée, avant de les responsabiliser. Cela, afin de leur permettre de bien s’adapter à l’exercice de leur pharmacie», informe le Dr Diaw.
Cependant, le Dr Diaw regrette l’irresponsabilité de certains chefs professionnels pharmaceutiques qui, selon lui, «sont parfois encouragés par le défaut d’inspecteurs en pharmacie qui ont pour rôle de veiller à ce que les normes soient respecter. Ils sont logés à la Direction de la pharmacie et du medicament du ministère de la Santé. Car, avec plus de 600 pharmacies au Sénégal, on note un nombre minime d’inspecteurs pour contrôler toutes ces officines. Ce qui ne suffit pas pour bien faire appliquer les normes qui régissent la profession».