VIDEOSAHEL : LES JOURNALISTES PRIS ENTRE TROIS FEUX
Après une décennie de recherches, RSF a publié lundi un rapport intitulé « Dans la peau d’un journaliste au Sahel ». Un document de 40 pages qui expose la détérioration des conditions d’exercice des professionnels surtout ces 2 derniers années
"Le plus beau métier du monde" est en agonie dans le Sahel. Pratiquer le journalisme est devenu de plus en plus délicat, voire problématique au Bénin, au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Tchad, et dans une moindre mesure en Mauritanie où la situation est de moins en moins critique. C’est ce qui ressort du dernier rapport de Reporters sans frontières publié ce lundi 03 avril 2023, à Dakar en présence des professionnels.
Ce rapport intitulé « Dans la peau d’un journaliste au Sahel » est le résultat d’une enquête entamée depuis 2013, mais avec un focus sur les deux dernières années au cours desquelles les conditions sécuritaires se sont dangereusement dégradées dans la zone, favorisées notamment par l’avènement des militaires au pouvoir, au Burkina Faso et au Mali. Ce document d’une quarantaine de pages et portant sur les 6 pays cités, montre « une tendance lourde » à la restriction de la liberté de la presse au Sahel et l’obstruction du droit du public à l'information.
Les journalistes exerçant dans les pays concernés sont clairement pris entre trois feux : les groupes armés ou djihadistes qui commentent des exactions, les autorités, notamment militaires qui en ripostant commettent à leur tour des exactions voire font des dégâts collatéraux sur des innocents et les activités qui ne veulent pas qui ne veulent nullement que des journalistes touche à un seul cheveux des militaires y compris quand ceux-ci font des abus dans leur juste volonté de traquer et de réprimer les terroristes.
Critiquer la junte et les activistes s’occuperont de vous sur les réseaux sociaux vous livrant presque à la vindicte populaire. Ainsi, arrestation, disparition, incarcération, expulsion de journalistes étrangers ou difficultés d’accréditation kidnapping, menaces, tentative claire de musellement sont les maux qui minent le métier surtout ces dernières années.
En plus de cela, le Bénin lui, est un cas spécial dans l’obstruction de la liberté de la presse. Il y a cette asphyxie financière qui consiste en la suppression de l’aide à la presse, privation d’accès à la publicité aux médias insoumis. Ce faisant, on impose en douceur l’autocensure. Conséquence, des informations tout droit sorties « des officines ministérielles ou présidentielles » ne produiront que « des unes siamoises ».
In fine, entre les notes de cadrage béninoises, les injonctions patriotique du Mali et du Burkina, inspirées par les militaires putschistes, la situation reste très difficile pour les journalistes dans le Sahel : arrestation, disparitions, incarcération, kidnapping ces dernières deux années ont particulièrement été sombre pour les journalistes.
Le rapport a été présenté lors d’une conférence de presse ce lundi par Sadibou MORANG, le Directeur Afrique subsaharien de Reporters sans frontières et sa collègue Jeanne Lagarde, chargé du plaidoyer avec le témoignage édifiant d’un journaliste burkinabé Atiana Serge OULON qui travaille dans ce contexte et est aussi victime de certains faits inacceptables dont fait mention le rapport. En marge de cette conférence de presse Sadibou Morang a répondu aux questions d'AfricaGlobe Tv (voir la vidéo).
Le rapport décrit les nouveaux ennemis des journalistes locaux et de la presse et de la presse aussi bien locale qu’étrangers, propose des moyens de résilience et préconise une trentaine de recommandations, explique Jeanne Lagarde.
Le travail est basé sur le monitoring entamé depuis des années, de la recherche (mission de terrain, notamment au Burkina et au Bénin), des entretiens physique ou téléphonique avec les journalistes du pays ou étrangères en poste ainsi qu’avec des experts des médias, des témoins de violation de l’exercice du métiers, ainsi que l’envoi de questionnaires à répondre en lien à l’accès à l’information.
Le rapport entre dans le cadre d’une campagne lancée en 2022 par Reporters sans frontières intitulé « Sauver le journalisme au Sahel ». Le but visé par cette campagne, c’est de fédérer la résistance contre cet environnement incompatible à la pratique du métier avant que cette zone d’Afrique subsaharienne ne devienne « une zone de non-information et un trou noir de l’information en Afrique et dans le monde en général ».
Cette campagne vise également à lancer la mobilisation pour libération de journalistes enlevés dans la région, notamment le journaliste français Olivier Dubois libéré récemment, après près de deux ans de détention par le groupe djihadistes au Mali. L’idée de la campagne elle-même a été motivée par le constat clair de la détérioration de la situation sécuritaire dans le Sahel.
Journaliste, homme politique et écrivain colombien, Prix Nobel de littérature (1982), disait du journalisme que c’est « le plus beau métier au monde ». Mais comment peut-on bien exercer ce beau métier du monde dans, en tout épanouissement les conditions qu’imposent ceux qui ont des intérêts privés à protéger alors que l’information devrait être, elle, de l’ordre de l’intérêt général ?
Pour mémoire en 2021, deux journalistes espagnols ont été assassinés au Burkina, enlèvement d’Olivier Dubois. Depuis 2013, ce sont 5 journalistes qui ont été tués au Sahel et 10 disparus et des centaines d’autres menacés dans le cadre de leur travail, pression faite sur les radios communautaire.
En revanche, on aurait voulu avoir aussi le point dans ce rapport des pays comme la Guinée où au plus fort de tripatouillage constitutionnel en vue du 3è mandat d'Alpha Condé, les journalistes ont eu beaucoup de soucis figure dans le rapport. Dans une certaine mesure aussi le Sénégal même si les déboires pour les journalistes sont très récents.