CE SERA UNE VERITABLE BOMBE SOCIALE DANS CE PAYS-LA, PARCE QUE BEAUCOUP DE CORPS SONT EN ETAT DE PUTREFACTION
Boubacar Seye, président de "Horizon Sans Frontière", sur le drame de Mina
Le président de "Horizon sans frontière" se dévoile et jette l'anathème sur le régime, notamment par rapport à la gestion du drame de Mina qui a coûté la vie à des Sénégalais, mais également aux questions liées à la migration. Sans langue de bois, Boubacar Sèye assène ses vérités. Entretien.
L'actualité, c'est l'affaire de la bousculade à Mina, avec à la clé des centaines de morts enregistrés, dont des Sénégalais. Quelle lecture faites-vous de ce drame ?
D'abord, Horizon sans frontière, par ma voix, présente ses condoléances à toute la Umma islamique, au peuple sénégalais, déjà sous le choc, et endeuillé, par ce drame. Nous demandons que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce drame. Et par la même occasion, nous exhortons le chef de l'État, par ailleurs président en exercice de l'Oci, de convoquer une réunion extraordinaire. Les images, à travers le monde, sont très choquantes. Aujourd'hui, au-delà même de l'aspect inhumain, il y a beaucoup de problématiques qui peuvent se poser avec ce drame-là. Ce qui fait que, dans les jours à venir, les conséquences vont se faire sentir sur le plan géopolitique.
A quoi faites-vous allusion en parlant de problématiques ?
Vous savez, nous avons tous été choqués par ces images qui montrent des corps ramassés par des bulldozers. C'est la dignité humaine qui se trouve être bafouée avec ces drames-là, que nous condamnons. Aujourd'hui, nous sommes doublement choqués, parce qu'il faut rappeler que, dès les premières heures de ce drame, on a eu à indexer les pèlerins africains. On les a accusés d'indiscipline. Il se trouve que ce drame est dû au fait qu'un des princes était en train d'effectuer son Jamra. Et ce n'est pas la première fois que ça se passe en Arabie-Saoudite.
De tels drames se sont répété N fois dans l'Histoire. En 1990, il y a eu plus de 1500 morts. En 1996, il y a eu un drame de ce genre. Et chaque fois, c'est un prince qui fait son Jamra, et on boucle les autres voies. Alors, ces genres d'erreurs ne devraient plus se répéter. C'est la raison pour laquelle, je dis qu'il y a urgence au niveau de l'Oci, parce qu'aussi, nous ne pouvons pas comprendre, et nous regrettons aujourd'hui, que l'aspect purement mercantile prime sur la sécurité.
Aujourd'hui, tantôt, c'est des grues qui tombent sur des gens, tantôt c'est une bousculade qui a fait plus de 1000 morts. Et on n'a pas fini de faire le décompte. Déjà, l'Iran passe de 204 à plus de 264 morts. Au Sénégal, vous avez vu la polémique qu'il y a autour de ces chiffres-là. Tout n'a pas été dit. Je crois qu'aujourd'hui, ces morts doivent interpeller l'opinion internationale. C'est l'image même de l'islam qui se trouve être sabotée. Parce qu'aujourd'hui, d'aucuns parlent de sabotage, d'aucun indexent certains trucs. Et vous voyez ce qui se passe, aujourd'hui, avec cette guerre de culture-là ? Il fallait tout faire pour éviter ce genre de drame-là.
Vous avez été le premier à réclamer l'installation d'un comité de crise et à inviter le chef de l'État à décréter trois jours de deuil national…
Nous avons accueilli cette mesure avec beaucoup de satisfaction, mais il faut reconnaître aussi qu'elle est venue tardivement. On aurait dû le faire, dès les premières heures. Vous savez, le Sénégal est un pays où le Haj a des aspects multidimensionnels, je dirais même que c'est un phénomène de société. On parle de plus de 10 000 pèlerins sénégalais à la Mecque. Donc, vous comprendrez que, quand un drame de ce genre se produit, je crois que la première chose à faire, c'est d'essayer d'installer un numéro vert. Ne serait-ce que pour assister certaines familles dans le désarroi.
Il fallait aussi installer une cellule de crise au Sénégal pour les familles, avec des psychologues. Nous regrettons, jusque-là, qu'à l'aéroport de Dakar, il n'y ait pas de cellule psychologique. Parce que, vous savez, la plupart de ces pèlerins, à leur retour, ils sont sous le choc, ils sont traumatisés. Je dirais que c'est l'échec du dossier migratoire. Il faut rappeler que le Haj est un projet migratoire. Voilà la raison pour laquelle, nous avons toujours insisté. Malheureusement, on ne nous a jamais écoutés dans ce pays-là pour des raisons politiques. Mais, nous ne sommes pas une organisation politique.
Nous sommes des migrants conscients du fait que nous apportons des valeurs ajoutées, conscients du fait que l'immigration, bien gérée, est un facteur de lutte contre la pauvreté. Nous avons voulu relancer le débat sur des questions des flux migratoires qui, aujourd'hui, présentent de nombreux défis, dont les conséquences, aujourd'hui, risquent de fragiliser certains États, comme le Sénégal. Actuellement, c'est le cas, il faut le dire, et il faut avoir le courage de le dire. Cette mauvaise gestion du dossier migratoire dans notre pays a beaucoup fragilisé l'État du Sénégal, avec ces assassinats, avec ce qui s'est passé lors de ce Haj.
Parce que nous l'avons dit, le ministère des Affaires étrangères ne prend pas la migration dans toutes ses dimensions et dans toute sa complexité qui posent des enjeux géopolitiques et géostratégiques et qui dévoilent deux problématiques : paix-sécurité, celle de l'intégrité et de la dignité humaine. On parle de Sénégalais de l'extérieur, mais que signifie Sénégalais de l'extérieur. Et c'est ça le problème ! Un Sénégalais de l'extérieur, malheureusement, qu'on utilise pour des greniers politiques. Vous avez vu tous ces problèmes qu'il y a avec les consulats et autres, il y a un échec.
Et quand on vous confie un dossier et que vous avez échoué, il faut que vous l'acceptiez. Il faut avoir le courage de dire que nous avons échoué dans ce pays-là. Il y a un problème dans ce pays-là. Au Sénégal, tout le monde est candidat à l'immigration. Il faut mettre une vision novatrice, il faudrait une vision beaucoup plus futuriste en ce qui concerne les migrations internationales. Il faut tout refaire, parce que le Haj s'inscrit aussi dans le cadre d'un projet migratoire. Et il faudrait recadrer le débat, aujourd'hui, dans un contexte mondial de mobilité croissante des populations, où chaque année, plus de 850 millions de personnes franchissent déjà une frontière.
Puisqu'on parle de la responsabilité de l'État, quel commentaire faites-vous sur la manière dont les autorités sénégalaises gèrent ces crises-là, que ce soit le drame de Mina ou les assassinats ?
Nous regrettons beaucoup la façon dont ces crises migratoires sont gérées dans notre pays, avec beaucoup d'amateurisme. On nous apprend que le ministre Mankeur Ndiaye s'est rendu en Arabie-Saoudite. Mais, il fallait le faire depuis. Une délégation parlementaire devait pouvoir montrer son autonomie dans ce dossier-là. Il y a combien de Sénégalais qui ont été assassinés, alors qu'aujourd'hui, on parle du drame de Mina ?
Le Sénégal aurait pu, à l'instar d'autres pays, envoyer des gens. Aujourd'hui, il y a un problème sur les décomptes. Ce sera une véritable bombe sociale dans ce pays-là, parce que beaucoup de corps sont en état de putréfaction" il y a des corps qu'on ne peut plus reconnaître, qu'on ne pourra plus identifier. Le Sénégal n'a, malheureusement, pas pu assister ses ressortissants dans ce drame-là. Aujourd'hui, le ministre des Affaires étrangères se déplace, moi je pense que c'est trop tard.
Tantôt, vous parlez d'amateurisme, tantôt vous dites qu'il y a une incertitude dans les décomptes…
Il y a une instrumentalisation politique de ce dossier dans ce pays-là. Parce qu'en fait, moi, je continuerai de dénoncer la gestion clanique, clientéliste et partisane de l'État, avec cette notion de "Yama nex". Aujourd'hui, il faut tout refaire dans ce Haj-là. Il faudrait mettre sur pied d'autres structures. Aujourd'hui, il y a toute une instrumentalisation politique de ce dossier-là. On ne peut pas reprocher au chef de l'État qu'il y ait des morts, mais, quand même, on peut dire au président de la République de prendre ses responsabilités dans ce dossier-là. Ne serait-ce que pour édifier le peuple sénégalais, déjà sous le choc. Vous avez vu le Niger réclamer ses morts, le Mali a décompté ses morts.
Mais, au Sénégal, on essaye de tromper l'opinion publique nationale. Le Premier ministre nous parlait de blessés. Après, on nous parlait de 7 morts, après 11 morts. On revient après pour parler de 14 morts. Mais, tous ces jeux-là, c'est pourquoi ? Il faut qu'on dise la vérité au peuple Sénégalais. Les gens sont sous le choc, tout le peuple est endeuillé, alors, ayez le courage de dire la vérité aux gens. C'est le minimum. Ne serait-ce que pour soulager les familles. Maintenant, on nous parle de disparus. On ne peut pas disparaître pendant plus d'une semaine, ce n'est pas possible. Tous ces gens-là, la plupart de ces gens, sont morts. Mais, pourquoi ne pas dire la vérité au peuple sénégalais. Parce que, tout simplement, le chef de l'État, Macky Sall, était à New-York.
Donc, c'est une attitude que vous condamnez ?
En Centrafrique, il y avait eu des problèmes. Le président centrafricain a tout interrompu pour retourner au pays. Donc, il (Macky) était à New-York, on ne pouvait pas lui dire les chiffres. On attendait qu'il revienne. Mais, ça aussi, c'est une erreur. Les gens qui le font, ne rendent pas service au président de la République. Maintenant, le vin est déjà tiré, il faut le boire. Les Sénégalais, dans leur globalité, ne sont pas du tout contents de la manière dont cette crise a été gérée, dans ce pays-là. Aujourd'hui, le ministre (Mankeur Ndiaye), il se rend là-bas pour faire quoi ? J'espère qu'ils auront le courage de dire la vérité. Il y a des morts, on parle de disparus. Les privés qui sont revenus, ils ont été clairs.
Rien que dans le privé, on a décompté plus de 70 morts. On ne peut pas parler de disparus. Il parait que les morgues là-bas regorgent de cadavres Sénégalais, mais qu'il n'y a aucune assistance, c'est-à-dire qu'ils refusent même d'y aller. Ceux qui étaient chargés de l'organisation de ce Haj-là ont failli dans ce domaine-là. Moi, je dirais l'État du Sénégal, parce qu'on commence à accuser le commissaire. C'est l'État, c'est le ministère en charge de ce dossier qui a échoué, dès le début. Vous avez vu, il y a eu beaucoup de problèmes, dès le début de cette opération, avec des pèlerins laissés en rade à l'aéroport. Le ministère a parlé d'un problème de visa. C'est des explications très légères.
Vous parlez d'échec dans l'organisation du Haj. Peut-on également parler d'échec en ce qui concerne les autres dossiers, notamment avec les assassinats de ressortissants sénégalais ?
Il n'y a jamais eu de politique migratoire dans ce pays-là, et c'est ça le véritable problème. C'est quoi un ministère des Sénégalais de l'extérieur ? C'est là où il y a un problème. C'est quoi un ministère des Sénégalais de l'extérieur ? Vous avez vu, je n'ai pas l'habitude de personnaliser les débats. Mais, ce pays nous appartient à nous tous. Le ministère des Sénégalais de l'extérieur, ce n'est pas le ministère de l'Elevage. On gère des êtres humains, des vies humaines. Alors, vous avez vu l'amalgame que Sory Kaba a voulu créer dans ce pays-là, à la Rts, en parlant de ceux qui sont morts à Mina. Il a dit que ce ne sont pas des Sénégalais de l'extérieur, mais des Sénégalais de l'intérieur.
C'est quoi Sénégalais de l'intérieur et Sénégalais de l'extérieur ? Mais, c'est ça qui est grave dans ce pays-là. Cela veut dire que ceux qui ont en charge du dossier ne savent pas ce que c'est la migration. Le Haj est un projet migratoire. Il y a des Sénégalais qui sont partis depuis le Maroc, d'autres, à partir de la Côte-d'Ivoire, des États-Unis, de la France. Ce sont des Sénégalais.
Quelles sont les solutions que vous préconisez pour mettre un terme aux dysfonctionnements notés dans l'organisation du Haj ?
Aujourd'hui, il faudrait une réorganisation, une refondation. Il faut tout refaire dans l'organisation de ce Haj-là. Un nouvel aéroport est, aujourd'hui, en construction. Il faudrait aménager ce que je vais appeler la maison du Haj. Une structure d'accueil et d'orientation. Vous savez, le pèlerin sénégalais n'est pas préparé à aller faire le Haj. Il y a des pays qui préparent leurs pèlerins, un an, six mois. Mais, ici, c'est juste quelques semaines. Donc, il faudrait une structure permanente, avec tout ce qu'il faut. Vous avez vu des pèlerins dormir dans des hangars.
Parce qu'il y a des pèlerins qui quittent loin, qui n'ont pas de parents à Dakar. Je crois que c'est l'occasion de mettre sur pied une structure indépendante, avec les gens qu'il faut. Parce qu'il y a des gens, dans ce pays, capables de gérer le Haj. Tout ceci, c'est l'échec du dossier migratoire. Raison pour laquelle, nous insistons pour l'émergence d'un super ministère chargé des migrations internationales et de l'intégration, et qui s'occupera de ce dossier, et non le ministère des Affaires étrangères. Et il faudrait dans ce pays, une diplomatie non gouvernementale spécifique aux questions migratoires.
Est-ce à dire que ceux qui gèrent les questions migratoires au Sénégal sont incompétents ?
Mais, ils ont échoué dans ce dossier-là. Le ministère a échoué dans ce dossier-là. Vous avez vu toute la cacophonie que nous avons vécue. Interrogez les Sénégalais de l'extérieur, personne n'est content de la manière dont ce dossier est géré. Il n'y a eu aucune assistance spécifique aux Sénégalais de l'extérieur, qu'on utilise, malheureusement, aujourd'hui, comme un grenier politique. Parce que nous représentons un poids électoral incontournable.
Selon les statistiques que vous détenez, combien de Sénégalais ont été tués à l'étranger ?
Attendez, moi, j'ai été choqué. Les chiffres qu'ils donnent ne sont pas fiables. Moi, j'ai été choqué, lorsque, dans un débat, on nous parle de 29, 19. Mais, et ceux qui sont morts en Méditerranée ? Il y a plus de 200 morts. Ce n'est pas vrai ce qu'ils sont en train de dire. Il faut dire la vérité aux gens. Ces drames qui se sont succédé en Méditerranée ont endeuillé tout le peuple sénégalais. Les 3/4 de ces victimes sont des Sénégalais. Quand on projette un voyage migratoire clandestin, on refuse de décliner son identité par peur d'être rapatrié, parce que la finalité de ce voyage, c'est de bénéficier du droit d'asile.
Le Sénégal n'étant pas en guerre, un ressortissant sénégalais ne peut pas bénéficier du droit d'asile. C'est la raison pour laquelle, les Sénégalais se déplacent en Centrafrique, en Érythrée… La liste, elle est longue et exhaustive. Je ne peux pas exclure dans cette liste-là ceux qui sont morts en méditerranée. Vous avez vu des régions comme Tambacounda, Kaolack, beaucoup de régions été endeuillées.
Nous regrettons que cet État, affiche beaucoup d'insuffisances et de lacunes en ce qui concerne la protection de ses fils à l'étranger. Alors, nous avons abouti à cette conclusion : "Ku de perte nga ! Ku de gnak nga !" Parce qu'il n'y a jamais eu de suite. Je vais soulever le cas de Moustapha Kébé, et j'espère qu'à lecture de cette interview, on va nous édifier. Moustapha Kébé a été tué, lors de sa garde-à-vue au Gabon, il y a deux mois. On nous a parlé de suicide, "Horizon sans frontière" a demandé l'autopsie. Et jusqu'à présent, nous ne savons pas où est le corps.
Vous voulez dire que l'État n'assiste pas les Sénégalais de l'extérieur ?
Mais, l'État nous utilise comme son grenier politique. En tout cas, ce régime-là, nous a beaucoup déçus, parce que ceux qui sont-là, non seulement, ils ne disent pas la vérité, mais ils sont en train de cacher beaucoup de choses au peuple sénégalais. Mais, je crois que c'est un peuple aguerri qui a compris. Ce n'est pas de la politique, malheureusement. Nous l'avons toujours dit, nous n'accusons personne. Mais, il faut reconnaître que l'immigration est un fait social, d'où l'intérêt qu'elle suscite dans toutes les couches de la population.
Le constat est que, depuis l'avènement de Macky Sall au pouvoir, beaucoup de Sénégalais ont perdu la vie à l'étranger. Vous en dites quoi ?
C'est vrai que l'avènement de ce régime a coïncidé avec beaucoup d'assassinats. Maintenant, comme je dis, je ne peux pas accuser sur ça. Moi, ce que je regrette, c'est l'indifférence de l'État du Sénégal face à ces assassinats. On aurait souhaité avoir un régime qui nous défende. Vous savez, quand il y a un problème, avant qu'il n'y ait enquête, il y a le Directeur des Sénégalais de l'extérieur qui se contente des résultats des pays d'accueil. Souvent, on dit qu'il s'est suicidé. C'est trop facile. Il y a la présomption d'innocence. On aurait souhaité qu'on donne l'impression de nous défendre. Donc, avant qu'il y ait enquête, eux, ils ont déjà fait sortir les résultats de l'enquête.
Ça aussi, nous le regrettons beaucoup. Nous aurions souhaité qu'on nous défende, qu'on sente que l'État du Sénégal est là pour remplir sa mission régalienne en ce qui concerne la protection des Sénégalais de l'extérieur. Malheureusement, nous avons vu des gens qui sont là pour défendre leurs positionnements politiques, pour faire plaisir au chef de l'État, en disant des contrevérités au peuple sénégalais. Dans ce dossier-là, nous, nous avons pris nos responsabilités, et nous n'allons plus accepter qu'on joue avec la vie des gens. Donc, c'est la raison pour laquelle, nous avons demandé au chef de l'État de revoir sa copie. Et aujourd'hui, je crois que le drame de Mina est une occasion de rectifier le tir, avant qu'il ne soit tard.
Mais, combien vous pesez, au point que vous vous agitiez autant ?
Qu'est-ce que je pèse ?
On vous repose la question. D'où tirez-vous votre légitimité, parce que d'aucuns pensent que "Horizon sans frontière" se résume à votre personne ?
Parce que, c'est moi qui sors dans les médias. Comme nous l'avions dit, nous, nous sommes des migrants. "Horizon sans frontière" inscrit sa démarche dans les trajectoires de valeurs de la société civile. Valeurs qui ont comme maîtres mots : apolitique, équidistant par rapport aux groupes de pressions dans le choix de leur politique et leur déclinaison dans le champ social. Nous, nous sommes des migrants, conscients que, comme je l'ai dit tout à l'heure, que nous apportons les valeurs ajoutées. Nous avons estimé relancer le débat au niveau international. "Horizon sans frontière" est l'idée de groupes de personnes de nationalités différentes. Moi-même, je suis le président-fondateur, et j'ai l'habitude de souligner, avec beaucoup de casquettes dans la migration.
Donc, c'est une initiative de personnes de nationalités différentes qui, depuis 2006, travaillent. L'unique et clair objectif, c'est d'être un lien de concorde entre les peuples. L'organisation est née en 2006 à Madrid, et nous sommes venus installer une antenne, parce que, vous savez, il est bon aussi de le dire : moi, là où je réside, on parle espagnol. Donc, les chances seraient très réduites, si je restais à Madrid pour parler d'immigration, pour parler des drames de l'immigration clandestine, pour la sensibilisation, parce que le travail, c'est ici, en Afrique. Nous avons des cellules un peu partout dans le monde, et c'est la raison pour laquelle, c'est l'occasion de le dire, ce n'est pas une organisation sénégalaise, c'est une organisation européenne, et je suis le président-fondateur.
Je ne suis pas le président de Dakar, ça, c'est une cellule, et je ne fais même pas partie du bureau de Dakar. Au début, il y a plein de gens qui parlaient dans les médias. Mais, nous sommes arrivés à un certain niveau, aujourd'hui, qui fait que ce n'est pas n'importe qui, qui parle. Je préfère, pour le moment, m'occuper des sorties dans la presse. Il y a des avocats qui sont venus de Paris. Nous avons d'autres amis qui ont eu à faire des débats. Mais, à un moment donné, nous avons décidé que je m'occupe, moi-même, des sorties médiatiques. Voilà le débat.
"Horizon sans frontière", ce n'est pas une organisation sénégalaise. Je voudrais être clair là-dessus. Nous sommes une organisation internationale de migrants. Nous parlons d'immigration dans toute sa diversité et sa complexité. Quand des Guinéens ont des problèmes, partout dans le monde, nous parlons. Quand des Gambiens ont des problèmes. Et quand des Français ont aussi des problèmes, nous parlons.
Vous parlez de problèmes sensibles. Ne vous sentez-vous pas en danger, quand vous parlez de tous ces problèmes ?
Je n'avais jamais imaginé l'enjeu. C'est maintenant que les gens… parce que j'ai eu la visite, il y a moins de deux semaines, d'une télévision allemande. En posant la problématique de l'immigration clandestine, les drames de l'Afrique qui ne répond pas, au moment où l'Europe tente de s'organiser à gérer cette crise, l'Afrique brille par son absence. Alors, le journaliste m'a posé les questions : est-ce que vous êtes en sécurité ? Vous ne pensez pas que vous avez besoin d'une protection internationale ? J'ai été un peu choqué, parce que je n'aurais jamais imaginé, qu'en posant un tel débat, je pourrais être ciblé. Qu'est-ce que j'ai dit ?
Les gens meurent en Méditerranée, il faut qu'il y ait des solutions. Des Sénégalais sont assassinés, il faut qu'il y ait des suites à ces dossiers-là. C'est tout ce que j'ai dit. Je ne savais pas que le sujet était tabou. Vous savez, moi, j'ai plusieurs casquettes dans la migration. Je suis africain, je suis européen, j'ai des enfants issus de l'immigration, de mère européenne. Il y a un échec de l'immigration culturelle et structurelle dans le monde. Il y a des valeurs auxquelles, moi, je crois, telle que l'islam, lesquelles je vais inculquer à mes enfants.
Vous n'avez jamais reçu de menaces par rapport à vos sorties ?
Si c'est le Sénégal, ça ne me dérange pas. Parce qu'il y a des gens qui souhaitent que je rentre, aujourd'hui. Mais, pour partir, c'est trop facile. Je peux partir tout de suite, là où je veux, et revenir le lendemain. Je suis là. "Horizon sans frontière", personne ne peut l'arrêter, par la grâce de Dieu. Parce que, vous savez, aujourd'hui, qui insulte "Horizon sans frontière" ? Ce sont ceux qui sont du côté de l'État. Parce que ce que je dis n'arrange pas tout le monde. Moi, ça ne me dérange pas, parce que je n'insulte pas. Je ne peux pas insulter quelqu'un. "Kuma saga, bayi nala ak yalla", et "lolu du tax ma arrêté".
Ces groupes de pressions ne nous dérangent pas. Je le fais pour moi-même. Ce combat-là, j'en ai fait un sacerdoce. Moi, ma profession et mes casquettes, me permettent de m'installer là où je veux, à travers le monde. Mais, j'ai décidé de commencer par le Sénégal. Nous, nous pensions qu'en venant dans ce pays-là, on allait nous plébisciter, nous soutenir, parce qu'on a eu à adresser des courriers à beaucoup de chefs d'État africains, et nous avons été reçus, sur instruction de certains présidents de la République par certaines représentations diplomatiques, ici, au Sénégal. Tout récemment, j'ai été reçu par l'ambassadeur du Niger. Lui, il a compris l'enjeu, et on n'aurait souhaité que le Sénégal fasse pareil.
Donc, vous n'avez pas enregistré des réactions de la part des autorités sénégalaises ?
Nous, nous sommes-là depuis très longtemps, et j'ai l'impression qu'on dérange. Nous, nous parlons de réformes, nous parlons d'organisation de la migration, en vue de faire du Sénégal - puisque moi, je suis de ce pays-là - un campus d'excellence ; en matière de migration internationale. Et je ne pouvais jamais imaginer que je dérangerai. Moi, ça ne me dérange pas qu'on m'insulte, parce que je ne cherche rien. On a l'habitude de dire, dans ce pays-là, que ceux qui sont là, ils parlent pour obtenir quelque chose.
Alors, moi, je suis le président-fondateur de cette organisation internationale de migrants, malheureusement, "heyna dagnu may xep nak" (peut-être qu'on me sous-estime). Des Européens appellent, ici, garent, ici, leurs voitures, ou bien m'appellent, pour me dire : "Tapes sur la table. Ce que vous avez dit, aujourd'hui, toute l'Europe est d'accord sur le fait que le droit à l'immigration devrait être la solution". Je fais en moyenne cinq interviews par jour sur le plan international. Donc, cela veut dire quelque part, qu'il y a un écho. Il y a des gens qui apprécient le travail que nous faisons.