"CE SERAIT UNE COMÉDIE JUDICIAIRE DE ROUVRIR LE PROCÈS THIONE SECK"
Ousmane Sèye, avocat du chanteur impliqué dans une affaire de faux-billets et libéré jeudi par le tribunal correctionnel de Dakar, revient sur l'appel interjeté par le procureur Seydina Oumar Diallo
Rouvrir le procès de Thione Seck suite à l’acte d’appel du procureur de la République serait une comédie judiciaire. C’est l’avis de Me Ousmane Sèye, avocat du chanteur impliqué dans une affaire de faux-billets et libéré jeudi par le tribunal correctionnel de Dakar.
Alors que l’on croyait Thione Seck tiré d’affaire dans l’histoire dite des Faux Billets, après leverdict du Tribunal correctionnel de Dakar rendu jeudi, le procureur Seydina Oumar Diallo a déposé un acte d’appel qui risque de tout chambouler. Selon Me Ousmane Sèye, l’avocat de la défense, le Procureur a le droit de faire appel de toute décision rendue en matière pénale. «En tant qu’avocat de Thione Seck, je trouve que c’est une bonne chose. Je me suis longtemps battu pour l’application de l’Article du règlement de l’Uemoa. Maintenant que le Tribunal vient de faire droit pour cette application, c’est bien que la Cour d’appel se prononce sur cette décision. Mais je rappelle simplement que c’est la Cour d’appel qui est la première haute juridiction du Sénégal à appliquer cette disposition dans l’affaire Khalifa Sall », a-t-il précisé. Mais cet acte d’appel du Procureur peut-il aboutir à une réouverture du dossier ? «Ce serait de la comédie judiciaire », répond la robe noire. Il explique. «D’abord les faits sont prescrits. Ils datent de plus de 4 ans. C’était en Mai 2015. Un délit ne se prescrit pas plus de 3 ans. Si on rouvre le dossier, sur la base de quelles pièces on va le juger ? Dans l’affaire de Thione Seck, il n’y avait que les PV et les scellés. Les PV sont annulés, les scellés sont annulés. Sur la base de quoi on va interroger Thione Seck ? Quand il dit je ne connais pas les faits, c’est terminé. Ce serait de la comédie judiciaire si on rouvrait le dossier, par contre le Procureur a le droit de faire appel et nous allons suivre la procédure d’appel », a-t-il précisé.
Quid du cas Khalifa Sall ?
Si Thione Seck a été libéré, c’est parce que le Tribunal correctionnel a jugé que «son droit d’être assisté par son avocat lors de l’enquête préliminaire n’a pas été respecté (article 55) ». C’est le résumé de la décision du juge. Un fait qui n’a pas manqué de rappeler l’arrêté de la Cour de justice de la Cedeao dans l’affaire Khalifa Sall qui avait reconnu que «son droit de se faire assister par ses avocats durant l’enquête préliminaire a été violé ».Mais pour Me Ousmane Sèye, il y a une différence fondamentale. Parce que dit-il, «dans l’affaire Thione Seck, il n’y avait que les PV et les scellés. Les PV sont annulés, les scellés aussi. Sur la base de quoi on va interroger Thione Seck ? Alors que dans le dossier de Khalifa Sall, quand on a annulé les PV, le juge s’est basé sur le rapport de l’Inspection générale d’Etat (Ige) pour ouvrir la procédure ».
Mieux, il explique que dans le cas de l’ancien Maire de Dakar, la Cour d’appel a annulé tous les procès verbaux dans lesquels Khalifa Sall a été entendu sans la présence de son avocat. «Donc Khalifa Sall a été jugé non pas sur la base des procès verbaux d’audition de la Police, mais sur la base du rapport de l’IGE. Donc, c’est le Procureur général de la Cour d’appel lui-même, qui avait requis l’annulation des procès verbaux d’audition de Khalifa Sall dans lesquels il avait été entendu sans ses avocats. Et la Cour l’a suivi. Si on retourne dans cette même Cour pour l’application effective de l’article 5, dans un cas où il est fragrant qu’on a refusé à Thione Seck l’assistance de son avocat à l’enquête préliminaire, nous sommes très conscients, la Cour ne peut pas se contredire. Elle ne peut que confirmer cette décision. Cela nous confortera dans l’application effective de ces dispositions. Donc j’applaudis des deux mains quand le Procureur décide d’interjeter appel. Je veux même qu’on aille jusqu’à la Cour de cassation, ou jusqu’à la Cour de justice de la Cedeao. C’est comme ça qu’avance le droit », a-t-il précisé.