CERVEAU AFFAMÉ, FUTUR COMPROMIS
Une alimentation insuffisante ou inadaptée n’affecte pas que le corps. En cette journée mondiale contre la faim célébrée ce 15 juin, Emedia s’intéresse à la sous nutrition chez les enfants et à son impact négatif sur le développement du cerveau.

Une alimentation insuffisante ou inadaptée n’affecte pas que le corps. En cette journée mondiale contre la faim célébrée ce 15 juin, Emedia s’intéresse à la sous nutrition chez les enfants et à son impact négatif sur le développement du cerveau. Il sera aussi question du potentiel nutritif de certains aliments locaux qui ne sont pas assez valorisés.
En cette matinée, le Centre de Santé Keur Javouey de Derklé a des allures de jardin d’enfants. Accompagnés de parents ou proches, des enfants jouent dans la cour en attendant leur tour. Un peu à l’écart Binetou semble avoir trouvé dans les bras protecteurs de sa tante, un refuge dont elle ne veut se soustraire.
C’est une fille agréable mais frêle. La séance de pesée a révélé qu’elle pèse à peine 7 kg alors qu’elle a 11 mois. « C’est la fille de ma sœur qui travaille constamment. J’amène ma nièce ici parce que sa fragilité m’inquiète », explique la tante. Quand arrive leur tour après près d’une heure d’attente, l’infirmière fait la même remarque : « Elle est vraiment trop petite. Qu’est-ce qu’elle mange ? ». « De la bouillie, du CERELAC, de la purée, … », énumère la tante avant d’être interrompue par l’infirmière : « Ça, c’est de la nourriture pour des enfants de moins de 6 mois. À son âge, elle peut manger tout ce que les adultes mangent à l’exception des aliments durs et du piment. Je recommande particulièrement les haricots et le poisson. »
Elle prescrit un sirop de vitamines et une farine enrichie. Des produits disponibles au centre, à moindre coût. Elle devra revenir dans deux semaines pour un contrôle. Dans le cas de Binetou, le diagnostic évoque un retard de croissance dû à une alimentation inadaptée et insuffisante. Malheureusement, il existe des cas beaucoup plus graves. D’après l’ONG Action contre la faim, au Sénégal près d’un enfant sur cinq est atteint de malnutrition aigüe. Un rapport de l’OMS renseigne que « seuls 8 % des enfants âgés de 6-23 mois sont nourris de manière optimale, selon les pratiques recommandées en matière d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant. »
Des risques graves pour le développement du cerveau
Au-delà du déficit pondéral, la sous nutrition affecte également le développement du cerveau. La science a permis d’établir que l’être humain nait avec 100 milliards de neurones. Cependant à la naissance, il y a très peu de connexions entre ces neurones. Ce sont les expériences que l’enfant vit et les nutriments qu’il absorbe qui seront à l’origine des connexions neuronales. Et ce sont ces connexions qui vont déterminer son intelligence, sa mémoire, sa sociabilité et sa prédisposition à l’optimisme. Durant les premières années de vie, ces connexions s’établissent vite et avec facilité. Avec l’âge, quelques-unes de ces connexions peuvent continuer à se former mais un temps plus long et des efforts plus âpres seront nécessaires. C’est pourquoi il est plus facile de prendre soin d’un enfant que de réparer un adulte.
D’après l’Unicef, « les enfants qui souffrent de retard de croissance ne développeront peut-être jamais leur potentiel cognitif, ce qui nuira à leurs capacités d’apprentissage et entravera leurs possibilités d’apporter leur pleine contribution à la société ». Certes, nous n’avons pas connaissance d’études scientifiques ayant été menées au Sénégal pour attester de l’influence négative de la malnutrition sur le développement cérébral de l’enfant. Néanmoins, dans d’autres pays comme les Etats-Unis, des études ont montré que les enfants mal nourris développent plus fréquemment des troubles psychologiques et comportementaux.
Les aliments locaux à la rescousse
À Dakar, le Laboratoire de Nutrition et d’Alimentation Humaine effectue des recherches sur les bonnes pratiques alimentaires. Ces recherches montrent qu’il est possible de se nourrir sans vraiment sustenter le corps et le cerveau, d’où la nécessité de connaitre la valeur nutritive de chaque aliment. Le laboratoire s’intéresse particulièrement aux produits locaux comme le fonio plus riche que le riz, bien que moins consommé.
La Directrice, Dr Nicole Idohou Dossou a aussi indiqué au journal Le Monde qu’elle s’intéresse aux superaliments tels que le Moringa, la spiruline et le pain de singe. Des produits locaux assez accessibles ayant une valeur nutritive exceptionnelle. Le Moringa encore appelé arbre de vie a une composition nutritionnelle miraculeuse. Connue au Sénégal sous le nom de Nebeday, cette plante est riche en protéines, en sels minéraux et en vitamines qui contribuent à la bonne santé du corps et du cerveau.
La nutritionniste Pr Adama Diouf souligne la nécessité de surmonter certaines croyances telle que celle qui laisse croire que manger des œufs va rendre l’enfant muet. Elle appelle aussi à mettre fin à la monotonie alimentaire et à élaborer un guide alimentaire pour aider les populations à prendre de meilleures décisions concernant la nutrition.