COVID-19, À L'HEURE DE L'IMMUNITÉ COLLECTIVE ?
Malgré les déclarations des autorités, force est de constater que les mesures barrières peinent à être respectées et qu’il faudrait regarder ailleurs les raisons de la tendance baissière du coronavirus
‘’Le coronavirus recule, parce que les Sénégalais respectent les mesures barrières’’. Ainsi donc, le pays de tous les possibles aurait réussi là où nombre de pays très développés ont échoué. Paradoxalement, ces derniers ont pu réussir ce que le Sénégal n’est jamais parvenu à réaliser sur son sol. C’est-à-dire des confinements très sévères, rendant totalement déserts les rues, commerces et autres places, publiques ou privées, recevant du monde. Pendant ce temps, au pays de tous les possibles, il suffit de jeter un coup d’œil dans les marchés, les transports en commun, les cérémonies religieuses et coutumières, pour se rendre compte que le respect des mesures barrières a toujours été le parent pauvre du dispositif de lutte. Excepté la peur des premières semaines de la pandémie, bien entendu.
Tiré de son retranchement, le chantre de l’immunité collective, du ‘’Laissez circuler le virus’’ au Sénégal, Dr Pape Moussa Thior, renvoie à ses déclarations antérieures et balaie d’un revers de main l’hypothèse officielle (recul par le respect des mesures barrières). ‘’Tout le monde, rejette-t-il, sait que personne n’a respecté les mesures barrières. C’est même impossible, vu la structure de nos populations. C’est l’immunité collective qui est en train de se mettre en place. C’est ça la vérité. Ce n’est pas spécifique au Sénégal. C’est valable dans tous les pays de l’Afrique subsaharienne’’.
Mais qu’est-ce que l’immunité collective ? L’ancien président du Programme national de lutte contre le paludisme apporte des précisions. ‘’Certains, dit-il, ont pensé qu’il suffit que 75 % des personnes soient infectées pour avoir l’immunité collective. Ce n’est pas exactement cela. Il faut que ces 75 % des personnes infectées soient capables de produire des anticorps contre le virus. C’est de ça dont il s’agit. Vous allez voir, bientôt, qu’il n’y a plus de malades de coronavirus au Sénégal et en Afrique. Et pourtant, le virus est bien là et tout le monde le sait. C’est parce que nous sommes immunisés’’.
Quid du sort des couches vulnérables qui inquiétait le plus les observateurs ? Pape Moussa Thior est formel : il n’y a pas de souci particulier à se faire. La phase la plus critique étant déjà derrière. ‘’Les couches vulnérables, déclare le médecin, sont épargnées, parce que la masse d’anticorps circulant les protège contre le virus. Sinon, tous les vieux et les malades chroniques auraient eu des difficultés. Ce qui est loin d’être le cas. Le problème, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui parlent de la santé publique, mais qui n’en savent pas grand-chose’’.
L’équation des conditions d’hygiène
La grande interrogation qui taraude encore bien des esprits, c’est celle de savoir pourquoi les pays de l’Afrique subsaharienne sont épargnés et pas les autres ? Selon les explications de l’éminent spécialiste de la santé publique, l’hypothèse la plus plausible, c’est que ces populations ont été en contact avec des virus ou bactéries qui ont une parenté antigénique avec la Covid-19. Il explique : ‘’Cette parenté antigénique fait que nous développions une immunité croisée. Cette immunité croisée est un facteur de contribution pour l’immunité collective. C’est ce qui explique que même les couches vulnérables ont relativement été épargnées.’’
Paradoxalement, le constat est que les pays où le virus a fait le moins de ravage sont ceux où les conditions d’hygiène ne sont pas des meilleures. Interpellé sur ce rapport entre les conditions d’hygiène et l’immunisation des populations de l’Afrique au sud du Sahara, Thior invite à relativiser, tout en constatant : ‘’Ce qui est clair, c’est qu’on a des rapports avec les virus et les bactéries qui sont différents des rapports que les autres ont avec les virus et les bactéries. Par exemple, tu prends un petit talibé, tu lui donnes à manger ; il ne se lave pas les mains, il mange directement. Notre niveau d’hygiène n’est pas le même que le niveau d’hygiène dans d’autres pays. Moi, ce que je peux dire, c’est qu’il y a des immunités croisées qui nous ont épargnés ; c’est-à-dire, nous avons connu des virus qui ont des parentés antigéniques avec le nouveau coronavirus. Ce qui contribue au développement de l’immunité collective.’’
Pour l’heure, la recherche n’a pas encore montré lequel de ces virus ou bactéries a pu jouer dans la protection contre la Covid-19. Selon l’ancien président du PNLP, il y a juste des hypothèses. ‘’Certains disent que ça peut être le paludisme. D’autres disent que ça peut être le Bacille de la tuberculose. D’autres estiment que ça peut être les autres coronavirus. Ce n’est pas encore clair. Ce qui est certain, par contre, c’est qu’on a connu des virus qui ont une parenté antigénique avec le nouveau coronavirus. De fait, on est protégé. Il y a une masse d’anticorps terribles qui circule. Laquelle masse protège même les groupes vulnérables’’.
Un point coronavirus qui est loin de refléter la réalité de la pandémie
Malgré la relative générosité de Dame Nature, les autorités continuent de se vanter des miracles réalisés. Or, le constat diffère peu, entre les résultats du Sénégal, du Mali et de la Gambie, pour ne citer que ces pays. Partout, dans cette zone dépourvue de presque tout, la maladie se stabilise, si elle n’est pas en net recul, comme c’est le cas au Sénégal. Malgré cela, beaucoup d’énergie et de l’argent continue d’être mobilisé pour lutter contre ce qui semble être le seul problème de santé publique. Or, estime le Dr Thior, on aurait pu se passer de bien des mesures. ‘’On a pris de très mauvaises décisions qui nous suivent encore. On aurait pu se passer de la fermeture des écoles, des lieux de culte et autres lieux publics. Cela ne s’expliquait pas’’.
Du côté des autorités, c’est encore le branle-bas de combat contre la maladie à coronavirus. Tous les jours, le ministère de la Santé publie les chiffres de la maladie au Sénégal. Pendant ce temps, dans les quartiers populeux de Dakar et de sa banlieue, les villages et autres hameaux reculés du pays, ils sont nombreux à penser que le coronavirus n’a jamais été autre chose qu’un bon prétexte pour faire du business. D’autres, poussant l’obscurantisme plus loin, ont même été jusqu’à penser que la maladie n’a été ‘’inventée’’ que pour lutter contre l’islam.
Pour certains observateurs, autant la peur bleue des premiers jours se justifiait, autant la volonté de maintenir les populations dans une psychose permanente est incompréhensible. Le Dr Thior avait peut-être vu trop tôt. ‘’Le coronavirus n’est pas si dangereux qu’on nous l’a présenté’’, disait-il à qui se donnait la peine de l’écouter. Très futée, à un moment où le Sénégal était sur le qui-vive, la blouse blanche n’a eu de cesse de proclamer, urbi et orbi, que le salut, dans la lutte contre cette pandémie, ne peut provenir que d’un vaccin ou de l’immunité collective. La première hypothèse étant très improbable dans des délais raisonnables, il a très tôt préconisé la seconde voie. Il disait : ‘’Il faut laisser circuler le virus pour avoir l’immunité collective. L’Etat doit aller beaucoup plus loin que l’assouplissement. Il faut lever toutes les mesures barrières…’’
C’était au mois de mai. On venait à peine de dépasser les deux mois de pandémie. Tel Galilée pendu pour avoir été en avance sur son temps, il sera livré à la vindicte populaire, trainé dans la boue par certains de ses pairs et des observateurs. Thior était d’autant plus incompris qu’il avait fait de telles affirmations au moment où la propagation du virus atteignait sa vitesse de croisière.
Mais, au finish, ils sont nombreux à épouser les idées du ‘’Raoult sénégalais’’, c’est-à-dire celui qui a osé nager à contre-courant de toutes les idées ‘’scientifiques’’ dominantes.
L’intérêt des producteurs de vaccins
En effet, de toutes les mesures dont il était question à l’époque, il ne reste presque que le port du masque. Encore que celui-ci sert plus à couvrir le menton que la bouche et le nez. Et avec la chaleur suffocante qui règne sur Dakar et partout au Sénégal, ‘’l’arme’’ de Diouf Sarr contre la Covid a très peu de chances de prospérer. D’ailleurs, la baisse vertigineuse de son prix - passé de 500 F à 100 F CFA - en est une preuve éloquente. Pour le Dr Thior, ces mesures n’ont pas servi à grand-chose. ‘’On a un environnement tel : si le virus était si dangereux qu’on nous le présentait, il ne resterait plus personne dans nos pays. Nous n’avons pas les moyens de le combattre. L’immunité collective était la seule solution possible et elle est en train de se mettre en place’’.
Pour la distanciation sociale, la tenue, en pleine pandémie, du Magal et du Gamou, qui drainent des millions de personnes, a fini de mettre un véritable bémol à toute la communication des autorités sanitaires autour de la maladie. Ces évènements ont également convaincu les plus sceptiques que l’hécatombe, prédite par certains milieux savants, n’aura pas lieu dans les pays de l’Afrique au sud du Sahara. Ce qui ressemble plus à un don de la nature qu’une prouesse d’un gouvernement.
Malgré cette ‘’baraka’’, certains tiennent vaille que vaille à promouvoir des mesures très impopulaires, qui ne sont respectées que dans leur imaginaire. Beaucoup d’argent continue d’être dépensé pour une maladie dont la maitrise ne fait plus l’objet d’un doute. A quelles fins ? Une chose est sûre : les producteurs de vaccins, eux, ont bien besoin de débouchés pour leurs remèdes contre la nouvelle maladie. Les organisations pseudo-humanitaires, aussi, ont l’habitude de voir en l’Afrique un terreau bien fertile pour leur business de l’humain.