DANS LA GALERE D’UN COUVRE-FEU DÉTESTÉ DE TOUS
Les populations pensaient lundi dernier en avoir terminé avec le couvre-feu. Et lorsqu’il a été prorogé, elles ont exprimé leur désarroi face à ce renouvellement qui restreint leur liberté de circulation.
Les populations pensaient lundi dernier en avoir terminé avec le couvre-feu. Et lorsqu’il a été prorogé, elles ont exprimé leur désarroi face à ce renouvellement qui restreint leur liberté de circulation.
Reportage !
Encore huit longs jours. Huit jours, éventuellement extensibles, durant lesquels il faudra se cloitrer dès 21h. Huit jours à souffrir et prier qu’un membre de la famille n’ait pas un malaise ou un accident. Huit jours dans un pays où il est difficile de se faire évacuer en cas d’urgence. Huit jours de calvaire sur les routes à l’approche de l’heure fatidique du couvre-feu. Comme ce fut le cas sur l’avenue Bourguiba, plus précisément l’axe menant à la Cité des Eaux où passe un flux de voitures pour emprunter l’autoroute ou la route nationale pendant que d’autres se dirigent vers Grand Yoff ou Liberté VI. A 18 h 30, il faut s’armer de courage. Un bouchon terrible y prévaut dès 16 h qui ne semble jamais prendre fin. Plus l’heure avance, plus ça devient compliqué. Et plus compliqué encore pour les citoyens en quête de moyens de transport pour rentrer chez eux avant le début du couvre-feu. Sur les visages se lisent l’inquiétude, le désarroi, la fatigue. Surtout que les cars rapides et autres « Ndiaga Ndiaye » trouvent un malin plaisir à sectionner les trajets, ce qui occasionne une souffrance supplémentaire pour les habitants de la banlieue obligés de mettre la main à la poche autant de fois que de « sections ». Plutôt marcher que de prendre un car. C’est le choix fait par votre serviteur qui arpente les rues de Castors, Khar Yalla avant de se retrouver au rond-point Liberté VI.
Rond-point Liberté VI, le hub de tous les désespoirs !
Ibrahima a installé ses marchandises sur le trottoir faisant face au rond-point Liberté VI. Il range ses bagages. « J’avais l’habitude de vendre la nuit. Mais avec le couvre-feu, je suis obligé de rentrer au plus tard à 20 heures pour avoir un véhicule. Sinon je risque gros », dit-il en souriant, pensant certainement aux violences policières. « Je suis complètement fauché. J’arrive très mal à joindre les deux bouts. C’est la nuit que j’arrivais à vendre normalement mes chaussures. Mais actuellement, j’ai du mal à vendre plus de deux paires dans la journée », s’est-il désolé. Il n’est pas le seul sur les allées du rond-point Liberté VI à souffrir du couvre-feu. Sur l’asphalte, la file de voitures s’allonge. Personne ne veut laisser la priorité à l’autre. Un véritable charivari. Habibou est élève. Il court en tenant son sac à dos pour ne pas rater le bus. « Je suis un peu pressé. Je ne veux pas que le bus me laisse ici. Nous souffrons du couvre-feu, même si la pandémie a pris une allure extraordinaire. Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est le fait qu’on circule le jour et que la nuit on empêche les gens de sortir pour mener leurs activités », dit-il avant de s’engouffrer dans le bus.
A la Patte-d’oie, c’est la course contre la montre. Les gens se pressent pour rentrer. Les magasins baissent leurs rideaux. A côté, le dispositif sécuritaire est déjà mis en place. Des policiers sont assis dans leur véhicule pendant que d’autres régulent la circulation pour faciliter la fluidité avant l’heure du couvre-feu. Les vendeurs de portables et autres receleurs échangent leurs produits sur le grand espace en face du jardin de la Patte-d’oie. Des vendeuses de fruits rangent leurs cageots. Modou propose un portable à un passant qui ne prend même pas la peine de lui jeter un coup d’œil, pressé qu’il est de rentrer. « Je vends ici des portables d’occasion mais, depuis le couvre-feu, je n’arrive plus à vivre normalement. C’est un ’’market’’, nos clients venaient la nuit pour se procurer un portable. Je t’assure que depuis le début du couvre-feu, je vis très mal. Avant-hier, je pensais que c’était terminé mais finalement non. C’est vraiment dur », s’est navré le bonhomme. Même désespoir pour les vendeuses de fruits qui ramassent leurs marchandises pour rentrer. « Je n’habite pas la Patte-d’oie. Donc, il me faut partir une heure avant 21 h. On fera avec jusqu’à la fin du couvre-feu. Je prie Allah que la pandémie nous quitte au plus vite », a confié la vendeuse de fruits avant de filer vers l’arrêt des bus Tata.