DES ENTREPRENEURS DENONCENT DES FAITS DE CORRUPTION ET DE NEPOTISME
ATTRIBUTION DES MARCHES DU PADAER
«Pots de vin ou rien !» C’est ainsi que les entrepreneurs de la région de Tambacounda qualifient la gestion du Programme d’appui au développement agricole et à l’entreprenariat rural (Padaer). Ils dénoncent la façon dont les marchés sont passés en soulevant de nombreux griefs contre le coordonnateur du programme accusé de corruption, de népotisme et de copinage. Une procédure judiciaire a même été intentée contre lui pour rupture abusive de contrat par un entrepreneur qui aurait refusé de se plier à cette règle.
Les organes de contrôle de l’Etat devraient jeter un coup d’oeil sur le Programme d’appui au développement agricole et à l’entreprenariat rural (PADAER). En effet, des faits de corruption sont soulevés dans l’un des plus grands programmes agricoles, financé à hauteur de 22 milliards par le Fonds international de développement agricole (Fida) et l’Etat du Sénégal. Ce programme est mis en oeuvre dans 4 régions du pays (Kolda, Matam, Kédougou et Tambacounda). Il vise à «améliorer durablement la sécurité alimentaire et les revenus des petits producteurs (agriculteurs et éleveurs), à créer des emplois durables et de la richesse pour les ruraux, en particulier les jeunes et les femmes».
Ainsi, 67 communautés rurales (devenues communes rurales avec l’Acte 3 de la décentralisation) sont ciblées dans les quatre régions : Kédougou (16 communautés rurales), Kolda (26 communautés rurales), les départements de Tambacounda et Koumpentoum (16 communautés rurales) et les départements de Matam et Ranérou (9 communautés rurales)». «Les filières d’intervention sont les céréales (mil, maïs, sorgho, riz et fonio), les horticoles, l’agro forestière (karité), les bovines et petits ruminants». Les ouvrages à réaliser sont des parcs à vaccination, forages, abreuvoirs, châteaux d’eau, périmètres polycoles, magasins de stockage, pistes de production, complexes commerciaux, locaux du PADAER de Matam, ponts, périmètres rizicoles…etc. Cependant, il s’avère que des entrepreneurs à Tambacounda sont montés au créneau pour dénoncer la manière dont ces projets sont gérés. Ils estiment d’ailleurs que cela est à l’origine du retard noté dans la réalisation de ce programme. Si les objectifs sont rarement atteints dans les 67 communes rurales, c’est parce que, disent-ils, les marchés ne sont pas passés dans les conditions qu’il faut. Ainsi, les entrepreneurs estiment que 78% des marchés ne respectent pas les normes de passation et qu’il faut du lobbying pour en bénéficier. Ils renseignent que de nombreux marchés à coup de millions voire de milliards sont distribués dans des conditions très « nébuleuse». Il est ainsi, selon une source préférant garder l’anonymat, d’un marché en cotation de fournitures de chaises pour salles de réunions attribué à la femme du coordonnateur du PADAER à travers l’entreprise «Baya-Bah meubles Djeynaba et fils vente articles divers». A défaut d’être ami ou proche du coordonnateur ou des cadres du PADAER, il faut passer à la «caisse» pour pouvoir gagner les marchés.
Toujours selon notre source, l’autre exemple le plus patent prouvant que les marchés ne sont pas passés dans les règles de l’art, c’est l’affectation d’un marché de constructions d’antennes et abreuvoirs à Matam, à un établissement spécialisé dans la vente de carburant. Idem pour une autre entreprise spécialisée dans le lavage de voiture. Tout ceci se fait, selon notre source, avec la complicité de la Commission d’attribution des marchés présidés par un agent de la gouvernance de Tambacounda. «Tous les entrepreneurs sont confrontés à ce problème et ont du mal à s’en sortir. Ils ne gagnent pratiquement rien dans les marchés parce qu’une grande partie des bénéfices est versée comme pot de vin. La plupart des entrepreneurs n’osent pas dénoncer ces faits craignant être rayés de la liste des bénéficiaires de marchés », a-t-il déploré.
DES MARCHES NON SOUMIS A L’APPROBATION DE L’AUTORITE COMPETENTE
Par ailleurs, le code des marchés stipule que tout marché supérieur ou égal à 50 millions francs TTC est soumis obligatoirement à l’approbation de l’autorité compétente, c’est-à-dire le gouverneur. En violation de la loi, de nombreux marchés sont attribués sans ce préalable, affirme notre source qui a ainsi donné les références suivantes : « référence juridique n°2014- 1212 du 22 septembre 2014. Mode de passation : Appel d’offres international, Objet du contrat : construction d’antennes d’abreuvoirs. Lot 5 : Ngoyedi et Woydou Makam. Montant HTVA : 62 303 500 F CFA, TTC 73 518 130 F CFA. Titulaire du marché : Maxi Propre Service. Source de financement : FIDA et délais contractuels : 6 mois. » ; « Référence juridique : Décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014, Mode de passation : Ba Holding (une erreur), Objet : Achèvement travaux d’achèvement des locaux de l’antenne du PADAER à Matam. Lot attribué : Lot unique. Montant HTVA du contrat 49 468 612, TTC : 58 372 I962 F CFA. Titulaire du marché : Ba Holding. Source de financement : FIDA. Délais contractuels : 2 mois.» ; «Référence juridique : décret N°2014-1212 du 22 septembre 2014. Mode de passation : Appel d’offres international. Objet du contrat : construction d’antennes et d’abreuvoirs. Lot attribué : Lot 3. Montant HTVA du contrat 48 241 350 F CFA, TTC : 56 924 793 F CFA. Titulaire du marché : Etablissements Chérif Séye. Source de financement : FIDA. Délais contractuels : 6 mois. » «L’As» a appelé au téléphone le coordonnateur du PADAER, Ngagne Mbow pour qu’il donne sa version sur ces accusations. Ce dernier sur un ton ferme a estimé être en procédure judiciaire par rapport à certaines attributions et qu’il ne pouvait pas se prononcer. Interpellé sur les marchés attribués sans autorisation du gouverneur, Monsieur Mbow d’un air agacé a raccroché son téléphone. Nos tentatives de le joindre à nouveau sont restées vaines.