EL HADJ MAMADOU BA DIT MAME BA, UN PASSIONNÉ DU DJIHAD REPENTI
Lors de son interrogatoire hier à la barre de la Chambre criminelle spéciale, il a réfuté toute relation avec une entreprise terroriste
A force de fréquenter Moustapha Faye et Pape Moussa Sow avant leur départ pour le Nigéria dans le fief de Boko Haram, El Hadj Mamadou Ba dit Mame Ba a fini par épouser les idéaux djihadistes du fameux duo. C’est ainsi qu’il a décidé de rejoindre les moudjahidines en Lybie, avant de se repentir. Du moins, c’est ce qui ressort de ses déclarations à l’enquête et devant le juge d’instruction. Seulement à la barre, il soutient qu’il n’a jamais eu l’intention de rejoindre un quelconque groupe djihadiste.
Le Bac S2 en poche en 2014, El Hadj Mamadou Ba dit Mame Ba s’inscrit à l’Université Virtuelle du Sénégal (Uvs) à l’espace numérique ouvert (Eno) de Guédiawaye pour poursuivre des études en sciences économiques et de gestion. Parallèlement à ses cours à distance, il profitait de son temps libre pour travailler comme manœuvre-maçon dans le but de soutenir sa vieille maman. Il n’hésitait pas non plus à mettre la main à la pâte dans certaines tâches ménagères afin de toujours soulager sa mère. Cependant, cette dévotion pour ses parents et ses études universitaires ont connu un arrêt brutal, puisque Mame Ba est arrêté, inculpé, avant d’être placé sous mandat de dépôt le 29 juin 2016 pour acte de terrorisme par menace ou complot, financement du terrorisme en bande organisée, blanchiment de capitaux et apologie du terrorisme. Lors de son interrogatoire hier à la barre de la Chambre criminelle spéciale, il a réfuté toute relation avec une entreprise terroriste. Une position qui contraste d’avec ses déclarations à l’enquête et devant le juge d’instruction dans lesquelles il revient de long en large sur son parcours. En effet, habitant à Yoff au quartier Ndioufène, il fréquentait la même mosquée que certains de ses coaccusés en l’occurrence Lamine Coulibaly, Abdallah Coulibaly et Pape Kibily Coulibaly (son ami d’enfance). La mosquée était également fréquentée par Pape Moussa Sow et Moustapha Faye qui n’est pas revenu de son voyage du Nigéria dans le fief de Boko Haram. « Moustapha Faye est un homme que j’admirais, il était ouvert et disponible. Un jour, Moustapha Faye m’a montré une vidéo dans laquelle des musulmans sont persécutés en Birmanie. Les images m’ont profondément choqué», raconte Mame Ba. Moustapha Faye, qui exerçait une grande influence sur lui, a également manipulé son compte Facebook en supprimant certains de ses amis pour les remplacer à des individus membres de groupes djihadiste. Il recevait les publications de ces derniers, mais il lui était interdit de les aimer ou de les commenter. Avant de se rendre au Nigéria, Moustapha Faye l’a mis en relation avec Ibrahima Ba, celui-là même qui a financé le voyage de plusieurs de ses coaccusés.
L’ENDOCTRINEMENT
Devant le juge d’instruction, Mame Ba avait soutenu que la finalité de tous ses rapports avec Moustapha Faye consistait à ce qu’il aille Libye. Ibrahima Ba qui a rejoint entretemps la Libye était resté en contact avec Mame Ba via l’application Telegram. C’est ainsi que Ibrahima Ba a permis à nommé Abou Khatim d’utiliser son compter pour inviter Mame Ba et ses amis Pape Kibily Coulibaly et Abdou Lakhad Diop à quitter « la terre de l’injustice souillée par les mécréants » et de rejoindre « la terre de la Charia ». Au cours d’un autre entretien avec le sieur Abou Khatim, il a révélé à ce dernier qu’un policier est venu dans le quartier à la recherche d’un certain Mama Ba. «Cette période a coïncidé avec l’arrestation de huit présumés terroristes séné- galais en Mauritanie. C’est pourquoi, nous avons eu peur. Abou Khatim nous a proposé d’aller en Gambie où il nous mettra en rapport avec une autre personne en attendant de rejoindre le terrain», avait-il déclaré à l’enquête, avant de revenir sur ses propos à la barre. Mame Ba et son ami Pape Kibily Coulibaly déclinent l’idée de ce voyage en Gambie. En revanche, ami Abdou Lakhad Diop est parti sans prévenir ses parents. Avisés de cette nouvelle, les parents de Abdou Lakhad Diop ont décidé de porter plainte contre Mame Ba. Entendu, Ba est relâché le même jour par le commandant de la brigade de la Foire. C’est depuis ce jour, indique El Hadj Mamadou Ba dit Mame Ba, qu’il a décidé d’abandonner toute entreprise djihadiste. A cet effet, il a désinstallé l’application Télégram.
LE DESINTERESSEMENT
Même si, à la barre, il persiste à dire qu’il n’était pas motivé à rejoindre les groupes djihadistes, il avait fait des aveux circonstanciés face au doyen des juges. « J’étais prêt à rejoindre les groupes djihadistes dont les membres étaient appelés les Moudjahidines. Entre temps, je suis resté sans nouvelle de Moustapha Faye et de Pape Moussa Sow. Du coup, il n’y avait plus la pression et l’envie de partir. En plus, je me rapprochais de plus en plus de ma mère malade que j’avais négligée à cause de mes idées djihadistes. En bon père de famille, le commandant de la brigade de la Foire m’avait conseillé de m’éloigner de ces affaires et de m’occuper de mes études. Qui plus est, l’imam de notre quartier, Abdou Samba Dièye dit Pape Fall, s’attaquait souvent à Moustapha Faye et à Pape Moussa Sow qu’il citait nommé- ment dans ses sermons en les accusant de s’être servis de la religion pour détourner les jeunes de Yoff alors qu’être Ibadou ne veut pas dire être djihadiste». Déjà à l’enquête, l’accusé s’était expliqué sur son repentir. «Mon opposition au djihad venait de mes parents, notamment de ma mère malade. Je regrette de m’être embarqué dans cette affaire qui a gâché mes études », avait-il regretté devant les enquêteurs. Une rédemption confirmée par son frère Thierno Seydou Nourou Ba à l’enquête lors de la confrontation. «Mame Ba est mon grand frère, il assistait à certains prêches de Moustapha Faye, de Pape Moussa Sow et de Cheikh Ibrahima Dieng. Par la suite, il s’est totalement retiré de tout ce qui est radicalisme lorsque ma mère l’en a dissuadé», a soutenu frère à l’enquête.