GARGOTES, UN MOYEN DE SE REMPLIR LA PANSE A MOINDRES FRAIS
Aujourd’hui, presque toutes les couches sociales fréquentent les gargotes devenues une véritable industrie surtout en banlieue dakaroise. Du fonctionnaire à l’étudiant en passant par le commerçant, le chômeur ou les ouvriers…
Le Sénégal ne figure plus sur la liste des 25 pays les plus pauvres au monde. C’est en effet ce que révèle le dernier classement du genre publié récemment par le Fmi. Il y a cinq ans, notre pays était dans ce palmarès peu glorieux des 25 pays les pauvres au monde. Un classement qui avait fait sortir de ses gonds le gouvernement et particulièrement le ministre des Finances d’alors. Bien que le Sénégal ait donc quitté ce classement peu glorieux des pays les plus pauvres du monde, sur le terrain, la pauvreté est visible partout dans la capitale et à l’intérieur du pays. Dans la rue, des personnes sont souvent à la quête de la pitance pour se nourrir, tandis que d’autres dorment à la belle étoile, faute de gites. Des familles peinent à nourrir convenablement leurs progénitures et c’est devenu un luxe pour certaines femmes de cuisiner. Dans de larges parties du pays, c’est le règne du « gobar diassi », c’est-à-dire d’un seul repas par jour. Ce qui explique certainement ces restaurants de fortune appelés familièrement gargotes qui pullulent à chaque coin de rue. Les tenancières elles-mêmes sont des femmes dans des difficultés qui cherchent à se sortir du cercle infernal de la pauvreté en vendant différents mets à des gens peu fortunés. Reportage dans quelques coins de Dakar et sa banlieue à propos de ces phénomènes des restaurants pour pauvres à ciel ouvert.
CLIENTELE DES GARGOTES DES PARCELLES ASSAINIES : PRESQUE TOUTES LES COUCHES SOCIALES MANGENT… DANS LES RESTAURANTS DE RUE
Aujourd’hui, presque toutes les couches sociales fréquentent les gargotes devenues une véritable industrie surtout en banlieue dakaroise. Du fonctionnaire à l’étudiant en passant par le commerçant, le chômeur ou les ouvriers… voire les femmes seules !
Babacar est étudiant à la Faculté des sciences et techniques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Avec ses deux amis (Aliou et Sidy Lamine), il loge aux Parcelles Assainies unité 16 dans une toute petite chambre d’environ 2,5 mètres sur trois mètres. Et où est jeté par terre un matelas de deux places, avec une table de chevet qui supporte mal les bouquins, les cahiers et autres articles de ces apprenants. Dans un coin de la pièce où sont rangées leurs chaussures, l’odeur est fétide, rendant la chambre repoussante. Le trio d’étudiants est originaire des régions de Kaolack et de Fatick. En plus de cette exiguïté aggravée par le défaut d’entretien, ces étudiants mangent mal. Ils se sustentent dans la rue, plus précisément au niveau des petits restaurants du coin avec des mets à la qualité douteuse. « On se rabat tous les jours chez les gargotiers pour manger à notre faim. Ou, en tout cas, tromper notre faim. On mange rarement au niveau des restaurants de l’université », a témoigné Aliou, le sapeur de la chambre connu pour son goût vestimentaire et qui se plait à se faire appeler ainsi. Il s’apprête à aller acheter le petit déjeuner chez la gargotière du coin. Sur la table de cette dernière, on voit toutes sortes d’aliments. Kène Diaw, la quarantaine révolue, exerce cette activité depuis 10 ans. Chaque jour, elle propose un menu varié à ses fidèles clients. « Toutes catégories confondues », selon elle. Parmi sa clientèle, on trouve le trio d’étudiants Babacar, Aliou et Sidy Lamine. Aliou, le sapeur de la chambre, s’est chargé d’acheter le petit déjeuner. Il s’est mis debout devant la table de Kène Diaw, les deux mains dans les poches. « Je veux un kilo et demi de pain. Dans celui de Babacar, tu mets du niébé, pour Sidy Lamine il dit pain mayonnaise et petits pois. Pour moi, comme d’habitude. Et les trois tasses de café également », a-t-il commandé. Le tout revient à 750 francs. Dans le mois, nos trois apprenants dépensent, rien que pour le petit déjeuner, la somme de 22 500 francs. Sans compter les 30 000 francs du déjeuner et pas moins de 20 000 francs pour le diner. Soit une dépense mensuelle de près de 80 000 francs. Ces étudiants constituent un tout petit maillon dans la longue chaine de clientèle qui fréquente chaque jour les gargotiers, et autres petits restaurants du coin qui encombrent les trottoirs et des pans entiers de la chaussée.
CONJONCTURE ECONOMIQUE
Face à la conjoncture économique, aidés par le laxisme des autorités municipales, les gargotiers ont cru bon d’installer leurs tables le long des trottoirs et même sur la chaussée en certains endroits. Si bien que le phénomène étale ses tentacules de jour en jour. La clientèle touche toutes les couches sociales. Du fonctionnaire à l’étudiant, du commerçant aux ouvriers, de l’intellectuel à l’analphabète, du jeune homme au vieillard. Aujourd’hui, plusieurs chefs de ménages font recours aux gargotes pour prendre leurs deux voire trois repas quotidiens. C’est le cas de Baye Fadilou Mbodj. Pour ce père de 6 enfants dont deux filles, les mets présentés par ces vendeuses de la rue, c’est de la nourriture locale, simple et vendue à un prix défiant toute concurrence. A propos de « son » restaurant spécifique, l’homme estime que « c’est un lieu très fréquenté. Les mets sont bien cuits, préparés à la minute et servis bien chauds ». Mais il déplore parfois un excès de piment. Ce qui ne le dissuade guère de fréquenter ce restaurant. Comme lui, des milliers d’habitants de la banlieue, des Parcelles Assainies en particulier, prennent d’assaut dès le crépuscule et jusque tard dans la nuit, ces gargotes. D’aucuns consomment sur place tandis que d’autres mettent les aliments achetés dans un plat ou un petit bol à emporter. Juste en face de la célèbre boulangerie Mandela sise sur la route principale qui mène au Marché Dior, on se demande même si les Parcellois préparent le diner tellement la bousculade est monstre autour des tables tenues par ces restauratrices de quartier.
MANGER A SA FAIM
La table de Mère Absa, vendeuse de couscous et de « tiakry », ne désemplit jamais. Dame Ndiaye est fonctionnaire. Cet agent de l’Education nationale est un fidèle client de mère Absa. Il est éducateur, mais il mange dans la rue. Presque tous les soirs ! Il rate rarement l’occasion de se présenter chez la vendeuse de « tiéré », de fondé, ou chez Binetou du nom de sa restauratrice préférée. Pour son diner, il ne prend que le « tiéré » ou couscous. Et la dépense mensuelle pour le diner, il l’estime à 5 000 francs, 15 000 francs pour le déjeuner et 5000 francs pour le petit déjeuner. Une restauration mensuelle qui lui coûte environ 25 000 francs. « Je suis très économe. Je pouvais manger parfois de la viande ou commander quelque chose de consistant. Mais je suis marié et père de famille. Chaque mois, j’envoie une somme à la famille. Ici aux Parcelles, je suis en location et je débourse 35 000 francs pour le loyer. Sans compter l’eau et l’électricité. Une lourde charge que j’essaye de supporter avec mon maigre salaire. Bien que je sois fonctionnaire de l’Etat. Mais vous comprenez la situation des enseignants, surtout le régime indemnitaire, qui fait de nous les parents pauvres des fonctionnaires », a-t-il expliqué avec détachement. Il dit être conscient de la qualité douteuse des mets servis dans les gargotes mais se dit obligé de se remplir le ventre. « Quel que soit le prix à payer », s’est-il désolé. A l’image des étudiants évoqués plus haut, de cet enseignant et de l’autre père de famille, presque tout le monde fréquente ces petits restaurants nichés au coin de chaque quartier. Si certains y prennent leurs petits déjeuners, d’autres ne font qu’y déjeunent ou y diner. D’autres y sont carrément abonnés. Parmi ceux-là, Laurent Sambou. Il vit avec sa femme en état de grossesse avancée dans une chambre au deuxième étage d’un immeuble de l’unité 19 des Parcelle et mange à crédit, payant son ardoise à la fin de chaque mois. « Le mois passé, rien que pour le déjeuner, j’ai déboursé 30 000 francs. Sans compter le petit déjeuner, le diner et les fruits de madame. Ah j’allais oublier les médicaments », a-t-il expliqué entre deux sourires. Jaunes. Notre homme dépense plus de 150 000 francs le mois rien que pour le manger, le loyer et les médicaments de sa douce moitié qui attend un bébé. Après un tour dans cinq à 10 unités des Parcelles Assainies, on dirait que les stands des marchés de nuit sont les seules options pour manger le soir. Personne ne s’en plaint. Bien au contraire. On s’y plait même. Le décor n’est pas toujours à la hauteur. C’est très banal. Mais les plats sont adaptés aux goûts locaux, « mais souvent sont trop épicés ». C’est l’avis de Malal Diallo, vendeur de fruits, approuvé en cela par Habiboulah qui s’active dans la boucherie. Bon appétit à tous !
DU BONHEUR DE MANGER DEHORS A PEU DE FRAIS…
Ce n’est pas tous les jours que les familles sénégalaises cuisinent les trois repas quotidiens. Si elles ont les moyens de les assurer ! Avec la crise et les effets de la pauvreté, la tendance est aujourd’hui de manger dehors. Souvent, un ou deux repas par jour. Les mets proposés sont pour la plupart tirés de la cuisine locale avec des aliments du pays à savoir : la bouillie de mil, le coucous, les haricots — le fameux « ndambé » — et autres.
Autres temps, autres mœurs. L’époque où seuls les célibataires sortaient pour se restaurer hors du domicile familial est révolue. Avec la crise et la pauvreté qui étend chaque jour ses tentacules, beaucoup de familles sénégalaises peinent à assurer les trois repas quotidiens. Et s’il arrive que ces familles cuisinent, le diner ou ce qui en tient lieu est souvent réservé aux enfants. Les adolescents et adultes devant se débrouiller pour se nourrir. Une aubaine, si on peut dire, sur laquelle ont sauté de bonnes femmes pour chercher fortune ou pour assurer le quotidien de leur famille. De ce fait, il est impossible de traverser un quartier de la capitale et sa banlieue sans y apercevoir un restaurant de fortune. De restaurant, il s’agit d’ailleurs d’une table sur laquelle sont posés des ustensiles et autour de laquelle sont alignés des bancs en bois pour les clients dont certains sont souvent debout. Des restaurants à ciel ouvert qui accueillent toutes les catégories sociales de la population. Souvent même des familles entières viennent y prendre le petit déjeuner ou le diner par un système d’abonnement. Il est 12 heures dans le restaurant à l’enseigne « Chez Dikha » aux HLM Grand Médine.
Des clients prennent place tandis que d’autres se présentent sur les lieux avec de grands bols pour acheter le déjeuner à emporter. A la devanture du restau, le menu est affiché sur un tableau. Celui de ce jour-là : ’’Thiébou Dieune et mafé Yapp’’. De quoi mettre de l’eau à la bouche des Ndiayène ou des Sérères ! Mantoulaye, la gérante, ne sait plus où donner de la tête face à l’affluence des clients dont certains sont des habitués. D’après la gérante, toutes les catégories sociales viennent se restaurer. « Nous recevons des hommes et des femmes mariés, des célibataires. Et souvent, des familles entières y déjeunent. Ces dernières étant des abonnées et soldent leur dette à la fin de chaque mois. Pour les plats, il faut débourser entre 700 francs et mille francs, selon le menu du jour. » Sur la qualité des repas proposés, la gérante jure qu’ils sont de bonne qualité. Ce qui explique certainement l’assiduité de la clientèle. Une autre restauratrice se trouvant à l’unité 15 des Parcelles assainies, vante, elle aussi, la qualité de ses mets et le talent de cordon bleu de ses cuisinières qu’elle juge les meilleures de la zone. La quarantaine, la dame Aïda Niang dont la gargote est à l’enseigne « Chez Dada » pratique un tarif unique fixe de 1000 FCFA. Selon elle, à part une banque et une pharmacie à qui elle livre les repas et les célibataires qui viennent manger sur place, le reste de sa clientèle est constitué des familles. « Il y a des mères de famille qui partent au travail et n’ont pas le temps de cuisiner.
Et puisqu’elles n’ont pas de femmes de ménage la plupart d’entre elles me versent de l’argent pour que je cuisine pour leur famille » confie la propriétaire de ce restaurant. Maty Cissé, une femme d’un certain âge et mère de famille, estime que le fait de manger dans les gargottes avec toute la famille n’est pas bon. « Une bonne femme doit toujours cuisiner pour son époux. C’est plus sain et ça nécessite moins de dépenses », estime-t-elle. Dans la soirée, le décor est presque le même au niveau des Parcelles Assainies et partout ailleurs dans les quartiers populaires. Et c’est à croire que toutes les femmes s’activent dans ce business. Ça et là, des vendeuses de couscous, de bouillie de mil etc. Des gargotières qui sont entourées par des clients, chacun tenant un pot ou un bol à la main. Selon l’une d’elles, sa grosse marmite de bouillie de mil se vide chaque jour en moins de quatre heures. Un business qui permet à cette dame dont le mari est à la retraite d’entretenir son foyer. Parmi sa clientèle, Adja Khady. Cette mère de famille de trois enfants estime que les vendeurs de rues viennent au secours des familles démunies qui peinent à s’offrir les trois repas quotidiens. « Parfois avec la modique somme de 500FCFA, on peut acheter du laax ou du fondé pour toute la famille. Cela nous arrange beaucoup car si la même famille devrait préparer ce même plat à la maison, les 500 F CFA ne suffiraient pas. Je ne cuisine plus le soir, j’achète chez les vendeuses de la rue. Parfois j’ai un peu honte de ne pas préparer le soir à la maison, car il peut y avoir des visiteurs imprévus. Il n’empêche, les enfants sont habitués à leur bol de laax ou de fondé le soir », a-t-elle conclu. Il suffit de si peu pour faire le bonheur du monde…
CHEZ LES MBAYE DE GRAND YOFF, UNE ENTREPRISE FAMILIALE QUI TOURNE A PLEIN REGIME !
Chez les Mbaye, la vie tourne autour d’un restaurant de fortune installé au coin d’une rue. En fait de restaurant, il s’agit plutôt d’une table sur laquelle sont posés des ustensiles contenant les différents mets que la famille propose à ses nombreux clients du coin et autres quartiers environnants. Un fourneau pour griller quelques morceaux de viande posé à quelques mètres des vendeuses. Une bombonne à gaz à gauche du fourneau et non loin des bancs en bois qui entourent la table. Dans cette famille tout le monde s’active au sein de ce restaurant. A l’intérieur de la maison, non loin de l’emplacement du restaurant, le père, qui supervise tout, épluche les pommes de terre qu’il coupe en tranches que le cadet de la maison devra livrer à ses sœurs. La table installée très tôt le matin, certains élèves, étudiants et travailleurs viennent se procurer le petit déjeuner. Au menu : des petits pois, des omelettes, des haricots etc. Un petit monde s’y retrouve jusqu’à 14h avant que la famille ne range table, bancs et parasol pour reprendre la même ritournelle en début de soirée. En effet dès 20h, le travail reprend avec le même menu qui fait courir une clientèle cosmopolite chez les Mbaye dont la gargote est devenue un point de rencontre des jeunes, adultes et vieilles du quartier. Ici, des amitiés et des amours se lient. Des potins échangés. Grâce à cette activité, le père de famille, la cinquantaine, fait vivre sa progéniture. « C’est un investissement. Dès lors que je suis sans emploi, j’ai voulu de cette façon me rendre utile pour ne pas être inactif », raconte le patron de l’entreprise familiale. Avec un départ modeste, aujourd’hui, grâce aux fruits de cette activité, il parvient à gérer convenablement sa famille. Preuve que son activité marche, il a pu payer les études universitaires d’un de ses fils en fin d’études et qui est en quête d’emploi. Mais notre interlocuteur ne consent guère à parler de ses revenus. Du lundi au dimanche, la famille Mbaye s’active autour de ce business où tout le monde, sans exception, s’investit. Et le soir de 20 h à deux heures du matin, le restaurant tourne à plein régime avec des clients qui affluent de partout. Ce qui donne l’impression que presque personne dans ce quartier ne cuisine pour le diner. En effet, la majorité de la clientèle des Mbaye est composée de jeunes. « Pour le petit déjeuner comme pour le diner, on se débrouille. Cela fait même des lustres que l’on ne dine plus en famille », confie un jeune qui réclamait avec insistance son sandwich. En fait de sandwich, il s’agit d’un morceau de pain, de la sauce et des haricots. Les plus fortunés se payent dans ce restaurant de fortune quelques brochettes. Signe apparent d’une grande pauvreté. Même si le chef de famille nous confie que parmi sa clientèle, il compte des gens qui peuvent bien se nourrir dans des restaurants plus huppés. Mais familiarisés à ces mets, difficile de changer certaines habitudes. Chez les Mbaye, toute l’activité tourne autour de ce restaurant devenu une entreprise familiale.
DIAMAGUENE-DIAKSAO : DE BRAVES FEMMES ENGAGEES POUR ASSURER LA DEPENSE QUOTIDIENNE
Travailler dur pour gagner leur vie et subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille, c’est l’objectif de ces nombreuses femmes qui s’activent dans la restauration en Banlieue. Certaines sont abandonnées par leurs maris, d’autres veuves ou divorcées, mais elles tiennent à mener une vie digne
Elles sont nombreuses, ces braves femmes qui s’activent dans de petits commerces, à savoir la vente d’arachides grillées, de sachets d’eau etc. D’autres tiennent des restaurants de fortune devant leur maison ou dans une rue passante de leur quartier. Aïssatou Baldé, une Guinéenne, tient une table près du marché Diamaguène. Cette mère de famille, âgée d’une cinquantaine d’années, vit au Sénégal depuis plus 10 ans avec ses trois filles qui l’aident dans la cuisine à leur retour de l’école. Avec ce commerce, elle parvient à nourrir sa famille et à payer les frais de scolarité de ses enfants grâce à ses maigres revenus. « Alhamdoulhilha, je reçois des clients chaque jour. J’ai un menu varié qui tourne en général entre Thiou, Yassa et Ceebu Jeen. Les prix vont de 400 francs à 1000 francs. Il y a des clients qui sont abonnés et qui payent à la fin du mois. Ce sont les plus fidèles. Il s’agit de commerçants, de tailleurs et de toutes ces personnes qui s’activent autour du marché. J’arrive à nourrir ma faille grâce à ce travail. Mon père est décédé et c’est très difficile de couvrir les dépenses de la famille » explique cette ménagère avec une forte émotion dans la voix et à travers le regard. Si certaines filles ou femmes ont choisi le chemin de la facilité pour se faire de l’argent, d’autres restent dignes et courageuses dans l’épreuve. C’est le cas de Oulimata Guèye qui, très tôt le matin, occupe sa place à l’arrêt des bus de Diacksao sur la route nationale où elle propose le petit déjeuner à des clients. « Dieu merci, grâce à ce métier, j’arrive à assurer mes besoins et payer mon loyer. Jamais au plus grand jamais je ne vendrai ma dignité. Je préfère mourir plutôt que de me prostituer ou voler de l’argent » explique-t-elle sur son choix de s’investir dans cette activité.
« Mais venez, il reste encore de la place. Que voulez-vous prendre comme petit-déjeuner ? » C’est par ces mots que nous accueille une vendeuse à Sicap Mbao près de l’usine Jabot. Chaque jour, cette femme reçoit un nombre important de clients dès les premières heures. « Je n’habite pas très loin de ma gargote. Ma fille me règle toujours le réveil de mon portable à 5h 30mn. Le temps de me préparer pour la prière du matin, je quitte la maison pour mon lieu de travail. Il arrive très souvent que des clients se pointent avant même que je ne finisse d’installer sur ma table tous mes bagages » confie cette dame sous le couvert de l’anonymat et qui dit nourrir sa petite famille avec cette activité. Comme dans certains coins de la banlieue à Tivaouane Diacksao, le menu de ces vendeuses pour le diner reste partout le même. Elles préparent du « fondé », du « thiéré », du « Ngalax » etc. Dès 20h, les places de ces bonnes dames sont prises d’assaut par la clientèle, formant souvent de longues files qui débordent des ruelles de cette populeuse commune, allant jusqu’à gêner la circulation des voitures. La conjoncture qui sévit dans le pays et les difficultés sociales que traversent certains ménages ou la paresse de certaines femmes à cuisiner, sont les raisons qui expliquent le nombre important de clients autour de ces vendeuses. « Cela fait quatre mois que je me suis installée en cet endroit. Je me pointe à partir de 19 h jusqu’à 00h en profitant de l’éclairage public. Dieu merci, on se frotte les mains. Je vends du lakh, du fondé, du thiéré et du ngalax. Les clients achètent plus souvent du fondé et du thiéré» se réjouit la vendeuse Coumba Sy. La plupart de ces femmes disent assurer la subsistance de leurs familles grâce aux revenus tirés de ce petit commerce. Certaines ont vu un mari les quitter, d’autres sont veuves ou divorcées, mais tiennent à vivre dignement malgré la pauvreté et le peu qu’elles tirent de ce petit commerce.
MEME A SACRE CŒUR, LES GARGOTES PULLULENT !
Manger à prix abordable dans un endroit de son choix tout en gardant la satisfaction d’être bien traité, c’est le choix de certains consommateurs. Les Sénégalais mangent de plus en plus dehors du fait de la distance qui sépare leurs lieux de travail et leurs maisons. Ce qui explique la floraison de ces restaurants de fortune accessibles à toutes les bourses. L’éclosion de ce type de restaurants est fulgurante.
Si des quartiers comme Sacré Cœur, jadis perçus comme huppés, étaient épargnés par ce phénomène, aujourd’hui, tel n’est plus le cas. « Ces restaurants constituent du pain béni pour les gens aux bourses maigres et certains jeunes du quartier » explique Ousmane Ngom, un charpentier venu se restaurer tôt le matin afin de pouvoir vaquer à ses occupations. « J’aime la façon dont la vendeuse m’accueille et où l’on sent que le client est roi. C’est la raison pour laquelle, j’y déjeune chaque jour. Les prix sont abordables et les mets délicieux », explique notre artisan en se pourléchant les babines.
Chez Maria, à Sacré Cœur 3 sur la VDN, une grande table, des tabourets et bancs pour la clientèle, quatre poteaux qui retiennent des draps pour se protéger du soleil, constituent le décor. La clientèle patiente pour être servie. « Je suis un fidèle client. Le plus important, tu peux manger de la bonne nourriture, selon ta bourse. Et pour moi, c’est l’essentiel » confie Pape Sall qui se dit satisfait du menu proposé. A quelques mètres de chez Maria, Mame Diarra se confie : « je vends le petit déjeuner et le déjeuner à plusieurs personnes. Cela fait presque trois ans que je suis ici. Je m’en sors pas mal, j’ai une clientèle fidèle.
Le plat pour le déjeuner est à 600 francs » explique la brave dame. Ici la plupart des clients sont constitués d’ouvriers, d’élèves. Mais au milieu du mois, il arrive que la dame accueille une autre catégorie de clientèle. Celle-ci est composée de certaines personnes qui travaillent dans des entreprises installées dans le périmètre du quartier. Le mois étant creux et ne pouvant manger dans des restaurants plus « classes », ces employés se rabattent dans les gargotes de fortune…en attendant la fin du mois !