HABEMUS PAPAM !
Le pape François pourrait instaurer un dialogue franc entre l’Islam et toutes les églises chrétiennes, pour combattre ensemble le fondamentalisme, qui est un danger pour l’humanité

Étonnant que des musulmans reprennent le chœur joyeux des évêques et des catholiques massés devant Saint Pierre pour célébrer l’avènement d’un nouveau pape ?
Non, car en se faisant le porte-voix de tous les damnés de la terre, en choisissant de défendre la cause des peuples contre l’impérialisme, en prenant la défense des réfugiés et de ceux qui fuient la misère et l’humiliation, en plaidant avec des mots forts et passionnés pour «un droit à l’environnement» face à la «crise écologique qui peut mettre en péril la survie de l’humanité», le pape François n’est plus seulement le souverain pontife de l’Église de Rome, mais le champion des causes des peuples du monde entier.
Il faut entendre ses paroles fortes, surtout celles prononcées en face des élus américain du Sénat et du Congrès et celles tenues aux Nations Unies !
Face aux représentants de l’hyper-puissance, dans le saint du saint du capitalisme et de l’impérialisme tout comme dans l’enceinte de l’institution censée assurer le leadership moral et politique sur toutes les nations, le pape François n’a pas fait dans la diplomatie.
Il a affirmé son «option préférentielle pour les pauvres», dénoncé «le commerce des armes», appelé à «un monde sans arme nucléaire», demandé «la juste utilisation des ressources naturelles, la convenable application de la technologie et l'exploitation de l'esprit d'entreprise, (qui) sont des éléments essentiels d'une économie qui vise à être moderne, inclusive et durable. Il a «invité à un effort courageux et responsable pour repréciser le cap, et pour inverser les effets les plus graves de la détérioration environnementale causée par l'homme».
Il a tour à tour rendu hommage à Martin Luther King, exprimant ainsi sa solidarité à la lutte pour les droits civiques des Africains-Américains ainsi qu’à celle de tous les peuples du monde, appelé les grandes puissances à «un examen de conscience» face aux «conséquences douloureuses» de leurs «interventions politiques et militaires» au Proche Orient, dénoncé la peine de mort au nom de la sacralité de l’homme, fustigé le «colonialisme idéologique» de l’Occident…
Pour apprécier l’importance de ces prises de position du pape François, il faut se rappeler du rôle de l’église catholique dans la colonisation de l’Afrique et de l’Amérique latine, dans l’esclavage et les tentatives de génocide culturel des Africains et des Indiens.
L’Église de Rome a légitimé spirituellement ces pratiques et son évangélisation des peuples vaincus n’avait pour but que de leur faire accepter les contraintes de l’administration des conquérants et les termes de l’exploitation coloniale.
Chérif Daha Bâ rappelle par exemple que «dans la France concordataire du XIXe siècle, le gouvernement ayant lui-même initié la pratique, toute victoire militaire faisant entrer une nouvelle terre dans l’empire français est célébrée dans les églises par le chant du Te Deum…»
Mais depuis qu’au début du XXème siècle le Saint Siège dut faire face aux exigences de la modernité, accepter la séparation de l’église et de l’État, une lente mais profonde réforme de l’Église est engagée, portée par les papes successifs, de Jean XIII à Jean Paul II en passant par Paul VI.
Le pape François est dans cette lignée. Il a en outre personnellement intégré la «théologie de la libération» développée et aussi vécue par des prêtres et dignitaires de l’Église catholique en Amérique latine dans les années 1970 et qui proclamait : «La création d'une société juste et fraternelle est le salut des êtres humains, si par salut nous entendons le passage du moins humain au plus humain. On ne peut pas être chrétien aujourd'hui sans un engagement de libération…»
Il représente pleinement l’Église catholique du XXIème siècle, totalement en phase avec les sociétés occidentales post-modernes, dont les populations de plus en plus non pratiquantes se reconnaissent pourtant complétement en ce pape.
C’est pourquoi il est si important, particulièrement pour nous autres Africains.
Dans les nouvelles discussions déterminantes pour l’avenir commun des peuples que l’Afrique devra bien engager avec l’Europe, les USA et l’Amérique latine notamment, en particulier sur les échanges commerciaux selon des termes autres que ceux en cours, sur «l’aide publique au développement» dont on devra redéfinir aussi bien les finalités que les modalités et sur les droits inaliénables des peuples à réaffirmer et garantir, le pape François pourrait se révéler un facilitateur indispensable.
Ce pape pourrait aussi, du fait de l’affection et de la confiance qu’il inspire à travers la Umma, instaurer un véritable dialogue, un dialogue franc entre l’Islam et l’Église catholique, et au-delà toutes les églises chrétiennes, pour combattre ensemble ce fondamentalisme, dans sa forme idéologique comme dans forme armée et militante, qui est une hérésie et constitue un danger mortel pour l’Islam ainsi que pour l’humanité.