IBOU KONTE, LE MÉCÈNE DES POSTES DE SANTÉ DES ZONES ENCLAVÉES
Zoom sur le président de l’association «Urgence Sanitaire Sénégal» (U2S)
Dès l’année prochaine, Ibrahima Konté compte rendre le tablier, après plusieurs années passées à la tête de l’Association « Urgence sanitaire Sénégal » (U2s) qui accompagne les postes de santé dans le renforcement de leur plateau technique en dispositifs médicaux et en médicaments. Dans l’action humanitaire depuis plusieurs années, cet infirmier et coordonnateur territorial en santé publique établi à Nice, en France, a essayé, tant bien que mal, d’essuyer les larmes et de soulager la douleur des populations souffrant de maladies et vivant dans des zones enclavées. Ce, à travers son association financée par ses deux primes décentralisées en été et en hiver acquis dans le cadre de l’exercice de ses fonctions à l’hôpital de Nice.
Il a voyagé. Il a découvert des contrées autres que le Sénégal, son pays d’origine. Mais son bonheur, dit-il, n’est pas une destination à atteindre. Ibrahima Konté, à l’état civil infirmier et coordonnateur territorial de santé publique à Nice, en France, pense qu’au-delà de la découverte d’un pays d’accueil, il y a toujours une façon de voyager. Elle consiste à voir comment réussir son voyage afin d’être utile à son pays. Notamment aux couches vulnérables du monde rural. Un rêve aujourd’hui réalisé avec un objectif presque atteint. « Voyager et découvrir, mais retourner à la source pour aider les nécessiteux » ! La philosophie de « Baye Ibou », c’est de s’attacher à ses racines. A la tête de l’Association Urgence Sanitaire Sénégal (U2S) depuis des années, il s’est engagé à garantir une vie épanouie aux personnes démunies avec une part belle réservée aux association de personnes vivant avec un handicap. Une bonne partie de son soutien est toujours allée à cette catégorie de personnes souvent oubliées. Après le centre Talibou Dabo de Grand Yoff en 2019, il a fait cap sur Vélingara, l’année suivante, pour les besoins de la célébration de la journée internationale du handicap, édition 2020.
«Aider, soulager, rassurer et réconforter»
Sa passion, Ibou Konté la résume en quatre mots : « aider, soulager, rassurer et réconforter ». Elle consiste surtout à accompagner les postes de santé pour alléger la souffrance des populations démunies afin de leur garantir une situation meilleure dans un monde épanoui. Dans l’urgence sanitaire, il répond toujours « présent » ! Il s’est en effet porté volontaire, des années durant, pour contribuer au renforcement du plateau technique des postes de santé se trouvant dans les zones enclavées du pays. Et même en banlieue dakaroise. De Fatick à Ziguinchor en passant par Kaolack, Sédhiou jusqu’à Kédougou, il accompagne les centres de santé dans leur équipement en matériels médicaux et en médicaments pour faciliter l’accès aux services minimums de base aux populations vulnérables. Ce, à travers des initiatives sociales. Le poste de santé de Keur Madiabel est un exemple parmi tant d’autres. En pleine pandémie de Covid-19, et depuis Nice, il annonce avoir eu toutes les autorisations administratives pour voyager et embarquer des médicaments et dispositifs médicaux par voie aérienne. Cette fois-ci, dira-t-il, « on ira au fond du Saloum pour soulager le poste de santé de Keur Madiabel très affecté par un manque cruel d’infrastructures sanitaires. Le projet consiste à équiper ledit poste de santé en médicaments et en dispositifs médicaux ». Et c’est après qu’il a soulagé le poste de santé de Kamantane, Foudiougne à Fatick. En 2019 l’équipe de U2S, composée de médecins généralistes, de sages-femmes, d’infirmiers et de pharmaciens, a organisé une journée de consultations médicales gratuites combinées à un don de médicaments à Bogal, un village religieux de Bounkiling, dans le département de Sédhiou où plus de 500 personnes ont été consultées par des généralistes mais aussi des spécialistes.
Refus de financement étatique
Ce mécène dit refuser toute forme de financement étatique ou de subvention extérieure. « Je suis infirmier et je gagne bien ma vie. Alhamdoulillah. Dans le cadre de mes fonctions à l’hôpital de Nice, j’ai une prime décentralisée en été comme en hiver. Alors, j’ai décidé de ne pas y toucher et de les verser aux plus démunis en guise de Zakat. C’est comme ça que je finance l’association » explique notre interlocuteur. En plus du reversement de ses primes, notre mécène consacre ses congés aux activités de l’Association U2s. Ce qui ne signifie pas qu’il peut tout faire lui-même. Il arrive parfois que l’Etat l’aide à décanter une situation. A titre d’exemple, « en février 2019, j’avais envoyé un conteneur de médicaments qui a été saisi par la douane. Du coup, j’ai fait recours aux services du ministère de la Santé et de l’Action sociale vu qu’ils me connaissent à travers mes actions humanitaires. Ils ont délégué la direction de la pharmacie pour vérifier l’authenticité des médicaments. Après vérifications, ils étaient séduits et ont libéré le lot de médicaments le 17 avril », a-t-il expliqué.
Offrir des sourires
Dans l’action humanitaire, il est obligé d’emprunter parfois des pistes sablonneuses et cahoteuses en parcourant des kilomètres sous un soleil de plomb, supportant de grosses gouttes d’averses en période hivernale, pour donner du baume au cœur de malades en situation précaire. Des malades qui, donc, n’ont pas les moyens de se faire soigner. Il s’agit aussi pour Ibou Konté d’offrir un « joli sourire » aux pharmacies « édentées » de beaucoup de postes de santé des localités difficiles d’accès, le plus souvent laissées en rade. Il supporte les conditions pénibles de ces voyages pour donner une lueur d’espoir aux malades démunis en dotant les services de santé d’équipements médicaux pour une meilleure prise en charge des pathologies les plus fréquentes dans ces zones éloignées. L’infirmier « niçois » a presque fait le tour du Sénégal en actions humanitaires. « L’adjectif humanitaire qualifie ceux-là qui s’intéressent au bien de l’humanité et qui cherchent à améliorer la condition de l’homme », explique cet humanitaire qui reste convaincu que l’action humanitaire doit principalement être destinée aux plus vulnérables. « A tout être humain, ont été concédées deux qualités : le pouvoir et le don. Le pouvoir conduit l’homme à la rencontre de son destin ; le don l’oblige à partager avec les autres ce qu’il y a de meilleur en lui ». Fervent talibé Niassène, Ibrahima Konté, qui cite son guide spirituel Cheikh Al Islam, Cheikh Ibrahima Niass, indique que « les maladies cachées du cœur ne peuvent être guéries que par la constance dans le ‘’zikr’’ ». Oui, la constance dans l’action et dans le partage. « Un cadeau, explique notre bienfaiteur, est pur lorsqu’il provient du cœur puis donné à la personne indiquée au bon moment et au bon endroit, et surtout de ne rien attendre au retour ». En donnant cette leçon de morale, le président de U2S en a profité pour annoncer son retrait de la tête de l’Association dès l’année prochaine. « Etant donné que je suis contre le pouvoir éternel africain, j’ai donc décidé, dès l’année prochaine, de céder la place aux jeunes car je pense avoir déjà montré la voie. C’est le moment de rendre le tablier aux plus jeunes », indique-t-il comme pour indiquer la voie aux présidents à vie africains et autres adeptes du renouvellement infini des mandats à la tête de nos pays…