«IL FAUT ALLER VERS UNE DOMESTICATION DU DROIT INTERNATIONAL»
Malick Sall sert un cours magistral aux juges
Le ministre de la justice a procédé hier à l’ouverture de la deuxième session extraordinaire de formation en Droit international qui se tient à Dakar, du 9 au 12 mai, en présence du Procureur général près la Cour suprême, du bâtonnier de l’ordre des avocats, ainsi que des ambassadeurs de la république française et de la république d’Allemagne. Profitant de cette tribune, Me Malick Sall a invité les juges à aller vers une domestication du Droit international.
Le Sénégal a réalisé des prouesses en matière de reconnaissance du Droit international, à travers l’adhésion à divers conventions et traités en matière de Droits humains et de gouvernance. Cependant l’intégration dans certaines législations nationales des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme marque, dans une certaine mesure, l’ambition de domestiquer lesdites conventions internationales et régionales. Du moins, c’est la conviction du ministre de la justice qui en a fait le plaidoyer hier lors de la deuxième session extraordinaire de formation en Droit international.
Selon Me Malick Sall, les mécanismes de réception, n’étant pas les mêmes dans les différents ordres juridiques des Etats, doivent amener ces derniers à envisager la domestication des droits et conventions internationaux.
Dans la mesure où, renseigne-t-il, les disparités notées à ce niveau peuvent justifier, en partie, les difficultés voire les réticences apparues dans l’appropriation des instruments juridiques internationaux par les juges. D’où l’urgence pour lui de lancer le processus de domestication du Droit international. Laquelle domestication devrait favoriser, selon le garde des Sceaux, une forte adhésion aux instruments juridiques internationaux et inciter à y recourir davantage dans le règlement des litiges portant sur des matières régies par ces textes.
Toutefois, il alerte sur les risques liés au changement, notamment sur le travail des juges. « Il convient de faire remarquer que la nécessité d’effectuer des changements place le juge devant un dilemme délicat, puisque le changement peut parfois être préjudiciable à la sécurité, à la certitude et à la stabilité », rappelle-t-il au passage. Pour y parer, il invite les juges à concilier la nécessité du changement et la nécessité de stabilité, convaincu qu’une stabilité sans changement conduit à la dégénérescence, pis, à l’anarchie.
Rappelant en outre le rôle du juge, il révèle qu’il doit contribuer à faire coïncider les besoins de la société et le droit sans toutefois permettre au système juridique de dégénérer ou de basculer dans l’anarchie. « Le juge doit garantir la stabilité dans le changement ainsi que le changement dans la stabilité », précise Me Malick Sall. Cependant, le garde des Sceaux met en garde les juges contre la complexité du droit qui, rappelle-t-il, n'est pas seulement composé de logique ou de vécu, mais combine plutôt les deux. Revenant en outre sur la thématique retenue cette année, à savoir « la Justice et de l’Etat de droit », il renseigne que la notion d’Etat de droit est assimilée à un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée.
A l’en croire, en dépit des trajectoires historiques spécifiques à chaque Etat et des contingences géographiques, les exigences de la mondialisation obligent désormais le juge à davantage se hisser au cœur des préoccupations de sa société. Autrement dit, il estime qu’il est de plus en plus demandé au juge et à l’institution judiciaire de jouer un rôle déterminant dans la refondation du contrat social entre les citoyens et les institutions supposées les servir.
Une extension du champ d’intervention du juge qui, de l’avis de Me Malick Sall, est dictée par une aspiration au passage d’un État légal à un Etat de droit garantissant les libertés fondamentales aux citoyens.